Édition du 19 novembre 2024

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International

Pérou : culture à vendre

Après avoir passé trois mois dans la région de Puno, au bord du lac Titicaca, à visiter de petites communautés peu connues des touristes, pour justement développer ce tourisme d’une manière équitable, me voilà moi-même devenue au rang du touriste ordinaire. Première constatation : la culture a une étiquette... avec un prix.

Sur l’île Taquile, sur le lac Titicaca, les enfants se promènent avec leurs visages angéliques, une main tendue, une petite phrase toute prête dans la bouche : « une photo, un sol ». Il faut dire que ces enfants ont toujours connu l’invasion des touristes sur leur île puisque que cette activité se pratique depuis les années 70 et a connu une recrudescence lorsque l’UNESCO a déclaré l’art textile taquilénien patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2005.

Lors d’une visite sur l’île voisine, Amantani, où le tourisme a aussi été développé, l’ex-gouverneur de l’endroit m’a indiqué qu’il est interdit aux habitants d’Amantani de faire payer le touriste pour une photo d’eux. Voilà qui est plus approprié : la tradition andine, qui s’adapte mal aux capitalisme de nos pays du nord, est basée sur la solidarité, la réciprocité et la vie de communauté.

Pourtant, cet esprit se perd depuis que le Gringo s’intéresse au Pérou. Les agences de voyages ont poussé comme des champignons dans les villes et offrent la culture à grand prix. Taquile, par exemple, est typiquement visitée en un jour : 3 heures de bateau depuis la ville de Puno, un dîner sur l’île où l’agence en profite pour se graisser la patte (ça pue la commission à plein nez), un petit tour d’une demi-heure à la plaza où, peut-être, le touriste va acheter de l’artisanat pour faire profiter un peu la communauté, puis retour en ville. Résultat : le touriste va visiter un endroit célèbre qu’a fait connaître l’UNESCO sans savoir pourquoi donc cet endroit mérite cette célébrité.

Sur Taquile, comme sur Amantani, on a développé le tourisme « vivencial », c’est-à-dire qu’on offre le logement chez une famille et qu’on propose de faire connaître au visiteur la culture des habitants sans l’intermédiaire d’un guide de la ville. Malheureusement, encore une fois, ce type de tourisme a été déformé par les agences de voyage. Sur l’île Amantani, par exemple, les agences de tourisme vont toujours aux mêmes logements (qui ont pris de l’expansion grâce aux soles accumulés, devenant presque des hôtels), faisant profiter toujours les mêmes personnes. Lorsque les autorités d’Amantani demandent à ces personnes de partager avec ses voisins comme il serait coutume, celles-ci refusent.

La solution à ce casse-tête où l’individu prime sur la communauté ? Déjà l’île Amantani en tient une partie : contrairement à Taquile, elle contrôle encore une partie du transport Puno-Amantani-Taquile puisqu’elle possède plusieurs bateaux. Ne manque plus qu’un site internet, de meilleures informations provenant des kiosques d’information au port de Puno et de iPeru (organisme gouvernemental chargé de la promotion du tourisme) et peut-être que le tour serait joué. Ah oui, et j’oubliais : il faut de la volonté du touriste, sacrifier son confort pour une expérience qui, dans le fond, est tellement plus riche.

Mots-clés : International Pérou

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