Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Parc Éolien du Bas-Saint-Laurent - ou comment mettre la charrue devant le boeufs

Montréal, le 22 octobre 2024 – Hydro-Québec et l’Alliance de l’énergie de l’Est ont annoncé la signature d’une entente de partenariat pour le développement éolien de la zone Wocawson, dans le sud-ouest du Bas-Saint-Laurent. L’annonce, ainsi que la façon de procéder, sont problématiques à plusieurs égards.

Sans appel d’offres et sans autorisation de la Régie de l’énergie ?

L’entente survient malgré le fait que la loi actuelle1 stipule que pour ses approvisionnements, Hydro-Québec doit d’abord soumettre à l’approbation de la Régie une procédure d’appel d’offres et d’octroi et obtenir son approbation. Elle survient également alors qu’un nouveau cadre législatif qui propose la modification de ces dispositions, le projet de loi n° 69 (PL-69) sur l’énergie, est discuté à l’Assemblée nationale, mais n’a toujours pas été adopté. Le cadre législatif actuel requiert donc de procéder par appels d’offres et il nécessite toujours l’approbation par la Régie de l’énergie.

Cette annonce précipitée suggère qu’une fois de plus, le gouvernement agit à la marge du cadre légal actuel et espère régulariser la situation à posteriori, procédant selon ses propres visées, déterminées dans l’ombre derrière des portes closes.

La production d’électricité devrait être utilisée dans le but d’atteindre les objectifs climatiques du Québec.

Dans l’attente d’un plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE), prévu pour adoption avant le 1er avril 2026 par le PL-69, la population est toujours dans le noir quant aux usages auxquels le gouvernement entend consacrer la production d’énergie prévue. Jusqu’à présent, peu de mégawatts ont été accordés par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie pour décarboner les activités actuelles des promoteurs. Le gouvernement n’a pas fait la démonstration qu’il entendait privilégier la transition énergétique, qu’il utilise pourtant pour justifier cette augmentation de la production.

Or, un développement débridé et mal planifié aurait des conséquences sociales et environnementales importantes. Lors de la consultation particulière sur le PL-69, plusieurs organisations ont souligné que « plus on produira d’électricité, plus ça coûtera cher ». Les impacts sur le territoire et sur la biodiversité ont également été mis de l’avant. Il est donc essentiel de bien déterminer les besoins réels d’électricité avant de se lancer à la hâte dans une production débridée. Cela n’a pas encore été fait.

Les « partenariats » : un modèle en rupture avec le pacte social établi lors de la création d’Hydro-Québec qui pourrait augmenter l’accaparement privé des infrastructures énergétiques. L’électricité est un service public essentiel dont les actifs sont hautement stratégiques, et la production, le transport et la distribution d’électricité au Québec devraient être entièrement publics et sous contrôle démocratique. Le modèle nationalisé de production et de distribution d’électricité au Québec a historiquement permis une redistribution collective des dividendes à l’ensemble de la population.

L’annonce du Bas-Saint-Laurent mentionne qu’un « processus compétitif pourra être mis en place pour accueillir dans le partenariat un développeur apportant l’expertise technique pour la réalisation des phases de développement subséquentes ». Le modèle proposé par Hydro-Québec et l’Alliance de l’énergie l’Est redirige donc une partie de ces dividendes vers certaines municipalités ou MRC et vers des promoteurs privés.

Les promoteurs peuvent avoir leur place dans l’exécution, l’opération ou l’entretien des infrastructures énergétiques. Par contre, ils ne devraient pas posséder les actifs. Le projet de privatisation du patrimoine énergétique du Québec n’a jamais été présenté à la population, et n’a donc pu être débattu - et encore moins les options permettant les transformations nécessaires pour réaliser la transition énergétique et lutter contre la crise climatique.

Le gouvernement doit garantir que la propriété des actifs demeurera publique en l’inscrivant dans le PL-69 qui, pour le moment, prévoit au contraire la possibilité d’étendre cette formule de partenariats publics-privés à la nouvelle production tout comme à d’autres infrastructures existantes comme les barrages) et le réseau électrique.

Une grande conversation nationale est plus que jamais nécessaire pour éclairer ces choix de société, qui affecteront au moins les deux prochaines générations.

*Listes des organisations signataires :

Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ)
Fondation Rivières
Regroupement vigilance énergie Québec (RVÉQ)
GMob (GroupMobilisation)
ACEF du Nord de Montréal
1. Article 74.1 de la loi sur le Régie de l’énergie : 74.1. Afin d’assurer le traitement équitable et impartial des fournisseurs participant à un appel d’offres, le distributeur d’électricité doit établir et soumettre à l’approbation de la Régie, qui doit se prononcer dans les 90 jours, une procédure d’appel d’offres et d’octroi, ainsi qu’un code d’éthique portant sur la gestion des appels d’offres applicables aux contrats d’approvisionnement en électricité requis pour satisfaire les besoins des marchés québécois qui excèdent l’électricité patrimoniale, ou les besoins qui seront satisfaits par un bloc d’énergie déterminé par règlement du gouvernement en vertu du paragraphe 2.1° du premier alinéa de l’article 112.

Coalition large sur l’énergie
Front commun pour la transition énergétique

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