Que représente pour vous le Pacte fiscal proposé par le gouvernement Couillard ?
R. Lucie Levasseur : Le Pacte fiscal, c’est la pire chose qui est survenu dans les relations de travail depuis des décennies. Rien de moins. C’est carrément inutile. Ça ne marche pas de vouloir imposer une résolution de conflit. Plutôt que de régler des problèmes, ça risque d’en causer, puisque la négociation, ça fonctionne !
Dans la plupart des cas, il y a une bonne entente entre les municipalités et leurs travailleurs. Le Pacte fiscal bouleversera cet équilibre déjà existant. Puisque, souvenons-nous, une convention collective c’est un contrat.
Le Pacte fiscal vient démolir une partie de l’entente. Bref, c’est un élément supplémentaire pour diminuer le pouvoir des syndicats. Mais c’est aussi un dangereux précédent qui va donner l’idée à d’autres secteurs d’exiger le même traitement. Pour l’instant, ce n’est que la fonction publique, mais rien n’empêche que cela se généralise éventuellement à l’éducation et à la santé.
R. Marc Ranger : Nous ne voulons pas être complices d’un nouveau gâchis. Un gâchis qui suivrait celui du projet de loi 15 sur nos fonds de pension. Nous avons rencontré Martin Coiteux récemment, et il nous a promis que le gouvernement ne donnera pas aux municipalités le pouvoir de décréter les conditions de travail.
Le projet de loi à venir risque plutôt de déboucher sur la possibilité pour chacune des parties de demander un arbitrage, au moment qu’elle jugera opportun.
Ainsi, au lieu de travailler à s’accorder par la négociation, l’arbitre risque d’apparaître rapidement en cas de discorde, ce qui appellera le ministère du Travail à trancher. C’est ce que nous craignons. Nous craignons que les comparaisons avec le milieu privé nivellent vers le bas nos salaires et nos conditions de travail.
Alors, pour nous, cette modification de l’utilisation de l’arbitrage n’est qu’une façon de contourner l’impensable pouvoir de décréter, qui n’aurait jamais passé de toute façon.
Quels sont vos appuis ?
R. Lucie Levasseur : Au dernier congrès national du SCFP à Vancouver en 2015, une résolution a été adoptée à l’unanimité, qui donne un appui inconditionnel des différents syndicats SCFP du Canada au combat que mènera la division du Québec.
Pour appuyer nos 110 000 membres québécois, nous recevrons des ressources humaines et financières des 518 000 autres membres de tout le Canada.
Bien sûr, c’est par solidarité mais, au-delà, c’est aussi que les différents groupes craignent que le Pacte fiscal québécois inspire les autres gouvernements provinciaux à se commettre dans un projet semblable. Il faut arrêter le projet dès maintenant.
De plus, la FTQ nous a donné son soutien via une résolution votée récemment. Sous peu, je prédis que ses 550 000 membres québécois se joindront à nous. Déjà, tous les affiliés du regroupement syndical ont jusqu’à maintenant dénoncé le pacte.
Quels actions menez-vous actuellement ? Qu’est-ce qui est à prévoir ?
R. Lucie Levasseur : Du côté de nos actions, on demeure assez soft pour l’instant. Nous préférons rester dans le domaine de la communication. Par exemple, nous avons envoyé une lettre à de nombreux maires et mairesses pour les informer des implications du Pacte fiscal.
Malgré le peu de retours que nous avons eu, nous savons que certains partagent nos propos, tels les maire d’Amqui Gaëtan Ruest [1], de Bois-des-Filion Paul Larocque, ou de Laval, Marc Demers, lequel a récemment fait une sortie publique pour nous appuyer sur les ondes de Radio-Canada.
Malgré cela, nous savons que 80% des maires et mairesses de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) ont voté en faveur du Pacte fiscal. Nous suspectons le duo Coderre et Labeaume d’avoir joué un rôle important dans ce vote. Ces deux maires semblent diriger le Québec. Sans compter l’influence que peut avoir le gouvernement sur les dirigeants des municipalités [2].
Comme autre action, nous avons posé des pancartes partout au Québec afin de sensibiliser la population sur les enjeux du Pacte fiscal. Et, nous commençons à distribuer une série de cartes sur « les pas fiables ». Ces maires à qui on devrait avoir peur de donner plus de pouvoirs.
Vous l’aurez compris, nous comptons nous battre en prenant la parole partout où nous pourrons pour nous opposer à ce futur projet de loi. S’il le faut, nous n’excluons pas la possibilité de grèves illégales, la possibilité d’utiliser des moyens plus musclés, si j’ose dire.
Si les membres le décident, nous irons là ! Si le gouvernement nous y pousse, nous irons là !
Mais on espère que le gouvernement nous entende avant d’en arriver là. Comme dans l’esprit d’une table de négociation, on espère s’asseoir avec le gouvernement sous peu afin de discuter ensemble de l’avenir de nos relations de travail.
R. Marc Ranger : Présentement, nous en sommes à rencontrer différents parlementaires pour les informer de la portée du Pacte fiscal. Nous pensons que le sujet va « au-delà des lignes de parti », les conséquences seront généralisées.
Comme avec le projet de loi 24 du Nouveau-Brunswick, nous croyons que le gouvernement du Québec n’aura d’autre choix que de faire marche arrière [3].
Mais pour l’instant, nous nageons en pleine incertitude, nous demeurons sur le pied d’alerte. Pour la suite, nous annonçons une mobilisation historique le 12 mai prochain à Québec, lors des Assises de l’UMQ, qui regroupera les syndicats SCFP et tous les affiliés FTQ. Le premier ministre y est attendu à 9h30 pour le discours d’ouverture.
Dans la réponse du maire renvoyée au SCFP-Québec, les propos de M. Ruest rejoignent directement les idées défendues par le syndicat : « Nous n’avons pas besoin d’une loi pour négocier de bonne foi ».
En ce sens, je réfère encore le lecteur à la réponse que m’a remise Mme Levasseur du maire d’Amqui : « Ce pacte fiscal est une supercherie, une arnaque ! Les maires des grandes villes ont tous et toutes majoritairement voté pour celui-ci, car le gouvernement Couillard leur promettait de passer une loi qui leur permettrait de décréter les conditions salariales de leurs employé(e)s (si nécessaire ???) lors de leurs négociations à venir ! ».