Édition du 17 décembre 2024

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Commission parlementaire Enbridge

Oléoduc Enbridge : business as usual !

Ce qui est singulier dans le cas de l’inversion de l’oléoduc d’Enbridge, c’est que le gouvernement québécois, qui ne s’y oppose pas fermement et formellement, a une ministre et un député qui étaient dans une autre vie des environnementalistes, Martine Ouellet et Daniel Breton.

Tout se passe comme si ces deux parlementaires fournissaient une caution environnementaliste au gouvernement péquiste par leur simple présence. Mme Ouellet et M. Breton légitiment ainsi des pratiques énergétiques à la fois potentiellement destructrices pour l’environnement et allant dans le sens contraire d’une politique d’indépendance énergétique. D’ailleurs, à la page 14 du programme électoral péquiste de 2012, on lire qu’un gouvernement issu du Parti québécois (PQ) comptait « adopter une politique d’indépendance énergétique pour réduire [ses] importations de pétrole et diminuer drastiquement [la] consommation de pétrole et de gaz [du Québec]. »

Non seulement nous sommes loin de ce projet d’émancipation énergétique des combustibles fossiles, mais en plus, l’inversion de l’oléoduc, bâti en 1975 et qui passe à travers de nombreux quartiers résidentiels, pose un niveau risque totalement inacceptable. Il faut se le dire, il n’y aucune façon totalement sécuritaire de transporter le pétrole et ses dérivés, et ce, malgré toutes les garanties que peuvent donner Enbridge ou encore tout organe public (fédéral ou provincial) qui se penchera sur le dossier. En effet, pour le dire brutalement, les trains peuvent dérailler, les pétroliers peuvent s’échouer et les oléoducs peuvent couler... Et l’on connaît de multiples accidents illustrant chacune de ses possibilités. Pourtant, à chaque fois, les « règles » ont été respectées et toutes les « garanties » avaient été données.

Peu importe l’angle sous lequel on regarde le projet d’inversion de l’oléoduc d’Enbridge (économique, écologique, etc.), ce projet ne tient pas la route. Pourtant, à l’Assemblée nationale, la commission parlementaire qui s’est penchée sur ce dossier a jugé que ce projet était viable en autant qu’Enbridge respecte 18 conditions, notamment de se doter d’un fond d’urgence en cas de déversement. Non seulement Enbridge n’a pas commenté le rapport de cette commission parlementaire, mais en plus, c’est une façon de dire que l’on sait que les risques d’écoulement sont élevés, surtout lorsqu’il s’agit d’inverser un oléoduc aussi âgé.

Le PQ, depuis sa prise de pouvoir, n’a fait que décevoir. On peut penser à ses promesses non tenues d’abolir la taxe santé, de hausser les impôts des plus riches, de donner un virage vert à l’économie québécoise, de démocratiser le processus décisionnel ou encore de faire la promotion de la souveraineté. En ne s’opposant pas à l’inversion de l’oléoduc d’Enbridge et à l’arrivée de 300 000 barils de pétrole albertain, donc issu des sables bitumineux, la liste s’allonge des enjeux sur lesquels le gouvernement dirigé par Pauline Marois a fait de preuve de mollesse et de peu de conviction.

Certains pourront vanter l’attitude du PQ comme en étant une de compromis, inévitable puisqu’il ne détient pas une majorité de sièges à l’Assemblée nationale. J’y vois plutôt de la compromission, ainsi qu’un penchant pour une politique affairiste et identitaire déplorable (pensons à la Charte des valeurs ou de la laïcité). Bref, une politique qui semble prendre le pire du Parti libéral du Québec (PLQ) et de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour en faire un amalgame peu digeste que le PQ sert présentement aux citoyens et aux citoyennes du Québec. Je ne connais pas personnellement les attaché-e-s politiques qui conseillent Pauline Marois, je ne connais pas non plus l’école qui les a formé-e-s, mais une chose est sûre : si la première ministre veut autre chose que la possibilité de se retrouver sur les banquettes d’opposition lors des prochaines élections, un sérieux coup de balai s’impose dans son entourage. Tout comme une attitude plus courageuse et plus intègre qui, seule, apporte la respectabilité.

Visiblement, malgré les appels constants à faire une politique autrement, les partis politiques québécois formant le gouvernement, ou en bonne position de s’en emparer, sont tout simplement incapables d’être à la hauteur de ce discours. L’argument est simple : pour changer les choses, il faut prendre le pouvoir. Cependant, quand on s’approche du pouvoir, les compromis commencent. Lorsqu’on détient le pouvoir et qu’on veut le conserver, les compromissions prédominent.

Le PQ ne fait pas mentir ce raisonnement. Malgré sa fausse aura social-démocrate et ses tentatives ratées de se présenter comme environnementaliste, en recrutant notamment Mme Ouellet et M. Breton, le PQ reste essentiellement un parti de pouvoir qui ne semble pas avoir plus de conviction que ses concurrents pour la quête du gouvernement, le PLQ et la CAQ.

Dans ces circonstances, on peut se demander pourquoi Mme Ouellet et M. Breton, en continuant de siéger avec le PQ, cautionnent de telles pratiques ? Pourquoi ne pas démissionner pour dénoncer ces politiques inacceptables qui reviennent à ce que la population ait à faire face à un niveau de risque pour leur santé qui est intolérable, surtout dans des quartiers résidentiels ?

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