Il faut être complètement isolé dans sa tour d’ivoire et aveuglé par sa propre idéologie économique pour affirmer pareilles choses. Qu’on se le dise : les jeunes n’auront pas accès aux mêmes services publics et aux mêmes chances que nous avons eus - surtout pas en matière d’éducation !
Regardez les compressions qui ont été faites et qui sont demandées à l’ensemble du réseau de l’éducation, regardez l’état des bibliothèques, l’état des écoles, la formation des nouveaux enseignants, le nombre d’étudiants par classe proposé, les coupures dans les services aux étudiants, l’abolition de certains cours et programmes universitaires... Et essayez de me dire maintenant, en me regardant droit dans les yeux et sans rire, que tout ceci est fait pour offrir une meilleure éducation à nos jeunes. Non, tout ceci se fait au nom du déficit zéro, le but ultime d’un gouvernement sans vision d’avenir.
Le gouvernement Couillard est évidemment à blâmer pour l’état lamentable dans lequel se retrouve et se retrouvera notre système d’éducation. (Le fait qu’il ait donné le ministère de l’Éducation comme prix de consolation au Dr Yves Bolduc nous en dit long sur l’importance qu’il accorde à cette mission.) Toutefois, il n’est pas le seul responsable de cette triste réalité. Les autres gouvernements qui l’ont précédé n’ont pas fait mieux. En fait, l’éducation n’est plus, n’est pas ou n’a jamais été une priorité au Québec, autant pour les gouvernements qui se sont succédé que pour la population en général. On a beau se gargariser de belles paroles sur le sort des jeunes, sur le fait qu’ils sont importants pour nous, qu’ils représentent l’avenir du Québec, en fait, si on juge ces paroles vertueuses à l’aune des gestes posés au cours des vingt dernières années, tout nous indique le contraire. Si l’éducation avait été tellement importante pour notre société, comment expliquer que nous nous soyons fermé les yeux devant les impacts tellement catastrophiques de la réforme scolaire ?
D’ailleurs, pour être honnête, il serait plus juste d’affirmer que les jeunes, à l’heure actuelle, n’ont déjà pas eu droit aux mêmes chances que nous avons eues dans le passé en matière d’éducation. C’est une réalité qu’il faudrait une fois pour toutes reconnaître. Moi qui enseigne au niveau collégial depuis quelques années, je suis bien placé pour le constater. Les étudiants qui arrivent au cégep, à part une minorité, ne sont pas bien outillés pour entreprendre ces études. Ils lisent et écrivent moins bien que leurs prédécesseurs, ont moins de vocabulaire, moins de connaissances générales, n’ont pas acquis une bonne méthodologie pour bien mener leurs études.
Face à ces carences que pensez-vous qu’il arrive ? Les textes à l’étude se font moins nombreux et plus faciles, les exigences moins élevées, la pondération plus généreuse afin de ne pas se retrouver avec un taux d’échec indécent. J’ai parfois l’impression de faire de l’humanitaire tellement certains de mes étudiants arrivent démunis du secondaire. Et ils n’y sont pourtant pour rien. Parfois, je me dis que pour avoir servi de cobayes à toutes ces réformes rocambolesques et à ce laisser-aller trop généralisé, ces étudiants seraient en droit d’intenter des poursuites quasi criminelles pour négligence à tous ces ministres de l’Éducation qui se sont succédé au cours des années.
Mais on fait semblant d’ignorer la situation. On cultive la pensée jovialiste. Un jour, les banquiers et médecins qui dirigent le gouvernement du Parti libéral vont peut-être se réveiller et prendre la situation au sérieux lorsque les patrons de la grande entreprise vont commencer à se plaindre de la piètre formation générale de leurs nouveaux employés...
Non, comme société, nous ne sommes pas les alliés des jeunes puisque nous méprisons l’éducation tout comme la culture d’ailleurs, le savoir, la langue bien parlée, l’histoire, les intellectuels et la vie de l’esprit. En somme, nous ne nous aimons pas en tant que peuple. Et c’est peut-être toutes ces raisons qui expliquent pourquoi au Québec on a tellement de la difficulté à se projeter vers l’avenir et encore plus à s’en donner un.