Il est indéniable que le secteur des ressources naturelles joue un rôle important dans l’économie québécoise, et ce particulièrement dans nos régions ressources. Selon le ministère des Finances du Québec, le secteur des ressources naturelles représente 9 % de l’économie du Québec, 160 000 emplois et 40 % de nos exportations. Oui, le Québec est riche en ressources. Mais tire-t-il le maximum de ses ressources pour financer ses programmes sociaux ?
Les droits de coupe dans le secteur forestier vont rapporter 111 millions de dollars en 2012, mais Québec investit 500 millions $ en soutien à l’industrie sylvicole cette année. Résultat : il nous en coûte donc collectivement 389 millions $ cette année pour faire couper 300 000 hectares de forêts. Ce montant représente environ 25 % du coût total du programme de garderies.
La situation est un peu plus avantageuse dans le secteur minier. Les entreprises minières versent annuellement entre 400 et 800 millions $ en redevances à l’État québécois sur un chiffre d’affaires qui a atteint 8 milliards en 2012. Le Québec verse de 100 à 200 millions de dollars en subventions directes et indirectes à l’industrie. Au final, Québec tire une faible proportion des revenus de l’exploitation minière, ce qui explique pourquoi une réforme du mode de redevances est nécessaire. Il faut aussi tenir compte du déficit de 1,2 milliard $ que le Québec cumule à ce jour pour la réhabilitation de sites miniers contaminés. Une fois tous les comptes faits, Québec semble tirer bien peu et investir beaucoup dans ce secteur aussi.
Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on constate que le ministère des Transports assure 80 % des coûts d’une route qui doit être construite pour desservir la mine Stornaway, (304 M$ sur 389 M$), en plus de fournir un prêt non garanti de 85 M$ à la compagnie pour assumer le reste des coûts de cette route. C’est le modèle du défunt Plan Nord : investissements publics massifs sans garantie de rendement pour l’État québécois.
Du côté des gaz de schistes et du pétrole, les revenus pour le Québec demeurent hypothétiques. Dans le secteur gazier, si cette industrie se développait éventuellement, Québec anticipe des revenus bruts de 225-250 millions de dollars annuellement en redevances, et de 400 millions $ après 15 ans. Une fois déduites les subventions à l’industrie, on peut présumer que ce montant serait sensiblement moins élevé.
Dans le secteur pétrolier, les revenus sont encore plus éloignés de nous. Il peut s’écouler 15 ans entre la découverte d’un gisement et son exploitation commerciale. Aussi, s’il s’avérait qu’Anticosti et le golfe du Saint-Laurent renferment des réserves commercialisables, ce qui n’est toujours pas prouvé, celles-ci ne s’ajouteraient au bilan du Québec qu’après 2020, même si nos politiciens aiment laisser entendre que la manne est imminente. Les revenus dépendraient bien sûr des quantités extraites, qui demeurent inconnues.
On constate, après une analyse sommaire des chiffres disponibles, que les revenus nets tirés du secteur des ressources naturelles ne représentent qu’une infime fraction des recettes du gouvernement québécois qui totaliseront 72,8 milliards en 2013-2014. Ils sont aussi loin de couvrir les coûts du programme québécois de garderie, qui s’élèvent à 1,6 milliard par année.
En fait, la seule ressource naturelle qui génère des revenus significatifs pour le Québec est l’hydro-électricité. Hydro-Québec génèrera 2,7 milliards de revenus pour le Québec l’année prochaine. Est-il nécessaire de rappeler qu’Hydro-Québec est une entreprise publique et que les lobbys d’affaires se sont opposés à sa nationalisation il y a cinquante ans ?
Que faut-il conclure ? D’abord que les revenus directs nets tirés de l’exploitation des ressources naturelles ne couvrent qu’une très faible proportion du budget du Québec et sont loin de financer notre programme de garderies. Ensuite que le modèle d’affaire du Québec dans le secteur des ressources naturelles est à revoir. Finalement, qu’avant de clamer haut et fort que le Québec paie ses programmes sociaux avec ses ressources naturelles, les lobbys d’affaires devraient y réfléchir à deux fois. Les Québécois pourraient se souvenir que ces ressources leur appartiennent et demander une plus grande part du gâteau.