Le premier cas concerne la publication d’un rapport de la Protectrice du citoyen sur les événements ayant contribué à la mort prématurée de dix-huit personnes âgées au Centre multivocationnel Claude-David. Une catastrophe qui a été annoncée et qui aurait pu, qui aurait dû être évitée.
Le lendemain, c’est d’une résidence privée pour personnes âgées qui a pu opérer clandestinement pendant un an dont il s’agit. Directement sous le nez de l’agence de la santé de Montréal. Encore une fois, pas de surprise. Les règles et ressources entourant le processus de certification des résidences privées pour ainés sont nettement insuffisantes pour assurer la sécurité et des conditions de vie adéquates aux personnes qui y sont hébergées.
Si, demain matin, un autre viaduc s’effondrait, entraînant la mort d’une dizaine de personnes, c’est tout le Québec, classe politique incluse, qui s’indignerait, se mobiliserait et exigerait une action immédiate, et avec raison.
Si plus de gens savaient à quoi ressemble le quotidien de ces ainés, peut-être les choses changeraient-elles plus rapidement…
La personne âgée dont l’état de santé requiert une présence et des soins qui ne peuvent plus être assurés à domicile, se retrouve en CHSLD ou dans une ressource intermédiaire privée sans l’avoir choisi et, sauf exception, sans espoir de réintégrer un jour son logis. Du jour au lendemain, on attend d’elle qu’elle apprivoise un environnement qui lui est étranger, qu’elle ouvre son intimité à des personnes qu’elle n’a jamais rencontrées auparavant. Elle doit s’adapter au système.
Pour le personnel, le temps presse et les gestes doivent se succéder à un rythme accéléré, se concentrant sur l’essentiel. Pas de temps pour le patient qui souffre de solitude et qui cherche du regard quelqu’un avec qui discuter quelques minutes. Pas de temps non plus pour aider cette autre patiente à se vêtir seule car, malgré son souhait, ce serait trop long. On l’habille rapidement, performance exige…
Et si par hasard la direction considère qu’une unité de soins n’est pas suffisamment performante, des coupures sont effectuées parmi le personnel afin d’atteindre la cible d’économies fixée. Une cible qui n’est pas déterminée par la direction des soins infirmiers, responsable en théorie de la qualité des soins dispensés. On cherchera plutôt, et par tous les moyens, à ce que les soins dispensés correspondent aux ressources déterminées en fonction de nombres inscrits aux cellules d’un tableau Excel.
Pour le ministère de la Santé et des Services sociaux, ce délestage de responsabilités à l’égard de nos personnes âgées est une affaire qui se règle par contrat, une bonne affaire, à bon prix.
Mais tôt ou tard, il faudra bien que quelqu’un accepte de regarder les choses telles qu’elles sont. Le MSSS ne peut continuer à caser les personnes âgées dans des milieux de soins ou d’hébergements qui ne peuvent ou ne veulent en prendre soin avec tous les égards, l’attention et l’humanité auxquels elles ont droit. Le MSSS ne peut s’attendre des professionnelles en soins qu’elles traitent des personnes humaines comme s’il s’agissait de vulgaires pièces mécaniques sur une chaîne de montage.
Les professionnelles en soins qui ont fait le choix d’exercer auprès des personnes âgées adorent leur travail, mais réalisent que la profession est de plus en plus pénible à exercer dans ces conditions. Elles ne peuvent ni ne veulent fermer les yeux : leurs patients pourraient mieux vivre.
En attendant, infirmières auxiliaires, infirmières et inhalothérapeutes font l’impossible avec les moyens qui leurs sont alloués pour conserver un visage humain à un système qui l’est de moins en moins.
Il faut que ça change et vite.