Les dirigeants de l’Union européenne ont donc prouvé une fois de plus leur volonté de bafouer les droits fondamentaux du peuple grec en tentant d’imposer un accord honteux. De plus, ils osent dire que le gouvernement grec a franchi la ligne rouge pour avoir annoncé une consultation démocratique de la population par référendum. L’enjeu des jours qui viennent en Grèce et dans toute l’Europe est crucial. Toutes les forces du mouvement ouvrier doivent se dresser en solidarité face à l’attaque frontale menée contre le peuple grec. Pour sauver leurs institutions réactionnaires et les banques, les dirigeants européens de la droite et de la social-démocratie vont tout mettre en œuvre pour combattre le choix du non par les électeurs grecs et tenter de contraindre le gouvernement Tsipras à la capitulation ou à la démission.
Depuis six mois, les objectifs de l’UE et le FMI étaient simples : ils ne pouvaient accepter que le gouvernement grec ne se plie pas à leurs exigences, qu’il n’ait pas capitulé en appliquant à la population grecque de nouvelles coupes sociales, une réforme des retraites et une augmentation de la TVA frappant les biens de consommation quotidiens et l’énergie. Il est hors de question pour les dirigeants européens qu’un pays échappe à la politique menée par les capitalistes, les banques et les gouvernements qui imposent aux populations une austérité sans limite. Il importait donc pour Merkel, Hollande, Lagarde et Junker de montrer aux autres peuples d’Europe qu’il n’y a pas de politique alternative, montrer aussi que, quels que soient leurs choix électoraux dans leurs pays respectifs, les droits démocratiques s’arrêtent là où commence la toute-puissance du système capitaliste. Il fallait donc aussi faire comprendre au peuple grec que le choix majoritaire d’un parti refusant l’austérité ne pourrait se traduire que par un échec ou une capitulation et que Tsipras devrait soit démissionner soit accepter un accord honteux, quitte à briser son parti et à s’allier avec la social-démocratie et la droite.
En votant le 25 janvier dernier pour Syriza, les électeurs grecs ont clairement manifesté leur refus de la montée de la misère et du chômage qui les frappent depuis 2010.
Un tiers de la population, les deux tiers des retraités vivent sous le seuil de pauvreté, 28 % des travailleurs, 60 % des jeunes, sont au chômage. C’est le résultat des politiques imposées par les mémorandums de la troïka, c’est à cette vie insoutenable que la population grecque a voulu mettre fin en rejetant les partis qui l’avaient menée à ce désastre.
Depuis 6 mois, Tsipras a poursuivi un but impossible : obtenir un accord avec l’UE, la BCE et le FMI qui ne soit pas synonyme de nouvelles souffrances pour le peuple grec ; payer toutes les échéances de remboursement de la dette sans accroître les politiques d’austérité ; respecter les engagements pris par Syriza devant les électeurs et ceux pris par les gouvernements grecs précédents auprès de la troïka. Le 20 février, les dirigeants de l’Eurogroupe ont cru avoir gagné la partie, lorsque Tsipras a accepté un accord l’engageant à de nouvelles mesures d’austérité, après qu’il a déclaré qu’il honorerait toutes les échéances de paiement de la dette à la BCE comme au FMI. Depuis, le gouvernement grec a manœuvré par des décisions contradictoires : les engagements de retour au salaire minimum de 750 euros et le rétablissement des conventions collectives ont été reportés, la privatisation du port du Pirée poursuivie, mais le gouvernement a rouvert l’ERT, la télévision publique grecque, dont la fermeture sous le gouvernement Samaras avait symbolisé l’humiliation imposée par les banques européennes et l’UE. Et en mars, le Parlement a voté une loi contre la crise humanitaire et une autre sur les arriérés des paiements d’impôts. Mais, face à l’arrogance grandissante des dirigeants européens, et en prenant en compte la pression populaire et la résistance des élus et des membres de Syriza, Tsipras n’a pas accepté les exigences de la troïka, notamment la baisse des pensions et les hausses de TVA.
Finalement, aucun accord n’a été signé entre le gouvernement grec et ses « créanciers ». Après plusieurs négociations avortées, le 5 juin, pour la première fois, le gouvernement a refusé d’honorer l’échéance de paiement d’une traite de 300 millions d’euros au FMI, menaçant également de ne pas payer la totalité des échéances de juin (1,6 milliard). La fin du mois de juin était fixée comme échéance à la fois pour le paiement du FMI et pour solder la dernière tranche du plan « de sauvetage » avec le versement des 7,2 milliards d’euros bloqué depuis 9 mois par la BCE.
Tsipras a été finalement amené à la rupture pour ne pas accepter la capitulation totale que Lagarde, Hollande, Merkel et Junker voulaient lui imposer.
L’annonce du référendum est un camouflet au visage des gouvernements et des institutions de l’Union européenne. En novembre 2011, Sarkozy, Merkel et Barroso avaient mis leur veto à la tentative de Papandréou, le Premier ministre grec d’alors, d’organiser un r éférendum pour essayer d’obtenir un soutien politique à sa capitulation devant les exigences de l’UE. Aujourd’hui, les dirigeants européens n’ont aucun moyen d’empêcher une consultation démocratique qui doit se conclure par un rejet des nouveaux diktats de la troïka.
Désormais un deuxième acte s’ouvre.
En Grèce et en Europe, les forces politiques libérales de droite et de gauche vont conjuguer leur force pour que ce référendum n’ouvre pas un nouveau cours politique en Grèce. Le gouvernement grec était prêt à de nombreux compromis pour ne pas aboutir au défaut de paiement et à la rupture. La troïka voulait surtout que l’accord prenne le sens politique d’une capitulation de la Grèce devant ses créanciers. La dynamique des jours à venir peut ouvrir une autre voie, celle de la rupture avec les exigences de la troïka, l’arrêt du paiement de la dette, celle de l’engagement radical dans une politique alternative, d’application du programme grâce auquel Syriza a été majoritaire. Mais cela imposera une large mobilisation unitaire des forces du mouvement ouvrier grec pour très rapidement bloquer les tentatives de sabotage qui ont déjà commencé. La pression sur le gouvernement et le système bancaire grec va s’accentuer à la veille du référendum. Déjà, ces derniers jours, le directeur de la Banque centrale de Grèce, ancien ministre de Samaras, avait sorti un rapport alarmiste dans le seul but d’accentuer la fuite des capitaux des banques grecques, alors que de novembre 2014 à mars 2015, plus de 30 milliards d’euros ont déjà été retirés et que le montant des placements privés des grandes fortunes grecques à l’étranger est estimé aujourd’hui à plus de 400 milliards. Même s’il ne parle toujours pas de nationalisation du système bancaire, le gouvernement vient d’instaurer le contrôle des capitaux.
La Commission d’audit de la dette grecque, mandatée par le Parlement, a rendu le 18 juin son rapport, prouvant le caractère illégitime et odieux de cette dette insoutenable, montrant que moins de 10 % des prêts « de sauvetage » sont allés à des dépenses courantes et que l’essentiel a servi aux banques allemandes et françaises à se désengager de leurs crédits contractés les années précédentes. 49 députés de Syriza, à la suite de ce rapport, se sont prononcés pour un débat parlementaire afin d’aboutir à la répudiation de la plus grande part de cette dette odieuse et illégitime.
L’enjeu des jours qui viennent est crucial pour la population grecque, pour tous ceux et celles qui en Europe subissent l’austérité.
Nous devons construire dans toute l’Europe un front de solidarité avec le peuple grec. Tous nos coups doivent se porter contre les dirigeants de l’Union européenne et de ses gouvernements qui, dans un sens aigu des intérêts des capitalistes, craignent que le peuple grec apporte le 5 juillet un désaveu à leur politique de mépris et d’austérité qui soit un exemple pour toutes les populations laborieuses de l’Union européenne. Ils craignent aussi que ce contexte se traduise par un renouveau de la mobilisation populaire en Grèce rendant encore plus difficile les manœuvres pour aboutir soit à un étranglement du gouvernement Tsipras soit à son renversement. Tout comme les succès récents de Podemos dans l’État espagnol avec l’élection de maires anti-austérité dans plusieurs des principales villes du pays, la situation grecque montre que l’exaspération sociale peut trouver en Europe un répondant politique autre que les ignobles solutions xénophobes et fascisantes portées par l’extrême droite européenne.
Pour un NON massif aux exigences de la troïka dimanche prochain
Toutes et tous au côté du peuple grec !
29 juin 2015
Secrétariat du Bureau exécutif de la IVe Internationale