Ce processus s’échelonnera jusqu’au 25 janvier à la FAE et au 19 février 2024 pour le Front commun. Les salarié.e.s syndiqué.e.s qui sont représenté.e.s par la FIQ, le SPGQ et le SFPQ n’ont, de leur côté, rien de concret à présenter à leurs membres. Ce n’est donc pas avant quelques semaines encore qu’il sera possible d’entreprendre un véritable bilan de la présente ronde de négociation et d’identifier qui a réussi à obtenir les concessions souhaitées ou à négocier les compromis recherchés.
Tant et aussi longtemps que la négociation n’est pas terminée, avec la totalité des 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic, il est un peu trop tôt pour parler de « victoire » d’une des deux parties négociantes sur l’autre. Ceci étant dit, il est quand même possible d’identifier un certain nombre d’aspects qui caractérisent l’entente de principe survenue le 28 décembre 2023 à la table centrale du Front commun, principalement sur les enjeux intersectoriels (c’est-à-dire le monétaire et le salarial).
Sur certains aspects de l’entente du 28 décembre 2023
Il y a belle lurette qu’une proposition de contrat de travail comportant minimalement une augmentation salariale de 17,4% sur 5 ans n’a pas été convenue entre le gouvernement du Québec et la grande majorité des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic. Depuis la ronde des décrets de 1982, ce qui a été imposé unilatéralement par l’État-patron ou négocié entre le gouvernement du Québec et les organisations syndicales dans les secteurs public et parapublic n’a pas servi de modèle dans le secteur privé. L’époque où le secteur public pouvait revendiquer être une locomotive pour le secteur privé s’est interrompue en 1979. À partir de ce moment, les employeurs privés et l’État employeur ont décidé de remettre en question brutalement certains acquis syndicaux. Avec pour résultat que les augmentations salariales obtenues dans les secteurs public et parapublic du Québec, au cours des quarante dernières années, ont, la plupart du temps, été inférieures à l’inflation. Des années 2003 à aujourd’hui, les augmentations paramétriques ont oscillé entre 0 à 2% par année. Il faut donc rappeler ici que le 17,4% d’augmentation salariale minimale pour la période couverte d’avril 2023 à mars 2028 est encore, pour plusieurs personnes, en deçà du 21% (1) d’augmentation offerte aux policières et aux policiers de la SQ et très loin du 30% d’augmentation que les député.e.s se sont accordé.e.s pour l’année 2023 seulement. Pour ce qui est de la clause de protection du pouvoir d’achat, soit 1% pour chacune des trois dernières années d’application de la convention, personne ne peut affirmer quoi que ce soit à son sujet. Qui peut prédire avec exactitude le taux d’inflation en 2026, en 2027 et en 2028 ? Ni vous ni moi. Elle est, par contre, plus généreuse que ce qui était prévu face à l’inflation dans l’entente de principe de 2010. Point à la ligne.
Il est par contre exact d’affirmer qu’il y a, dans l’entente de principe du 28 décembre 2023, des employé.e.s syndiqué.e.s qui auront droit à des augmentations salariales supérieures à 17,4%. Certain.e.s obtiendront des primes allant jusqu’à 15% de plus. D’autres se voient offrir un pourcentage d’augmentation supplémentaire. Pourquoi un tel traitement différencié ? Il faut en effet attirer et recruter de nouvelles et de nouveaux employé.e.s dans les secteurs public et parapublic, mais qu’en est-il de la rétention du personnel expérimenté ? Qui paye pour ces augmentations différenciées ?
L’entente de principe qui circulera dans les assemblées générales au cours des prochaines semaines prévoit également des améliorations au RREGOP, l’obtention d’une 5ième semaine de vacances après 19 années d’ancienneté (plutôt que 25), une bonification des contributions de l’employeur aux assurances. Les ouvriers spécialisés et les psychologues auront droit à une prime de 10 à 15% pour les premiers et une majoration de salaire de 10% pour les seconds. Ce qui est bien, mais il y en a combien qui ne toucheront qu’entre 17,4% ou un maximum de 20,4% sur 5 ans si l’inflation ne parvient pas à être jugulée ?
Ce que les membres auront probablement en tête quand elles et ils participeront à leur assemblée générale
Bref, devant une telle entente de principe en provenance de la table centrale ce sera à tout un.e. et chacun.e. de décider si cela répond à ses attentes et à ses intérêts. Il en ira de même devant le contenu des ententes sectorielles dont les détails de plusieurs n’ont pas encore été dévoilés. La question qui habitera les 420 000 membres du Front commun et les 66 500 membres de la FAE se résume minimalement à ceci : les dispositions des ententes sectorielles et de la table centrale permettent-elles ou non d’améliorer les conditions de travail et de rémunération dans les services publics ?
Conclusion
Il appartient aux salarié.e.s syndiqué.e.s concerné.e.s par ces ententes de décider si celles-ci vont enfin contribuer à améliorer l’état des services publics et si elles vont favoriser le recrutement de nouvelles et de nouveaux salarié.e.s et encourager la rétention du personnel expérimenté. De plus, il appartient à ces personnes de décider si à leurs yeux l’entente de principe va permettre ou non de les protéger adéquatement face à l’inflation et si elle autorise d’envisager un véritable début de rattrapage salarial avec les autres services publics ?
La présente ronde de négociation était une occasion d’amorcer un coup de barre en faveur d’un redressement des services publics. Il est trop tôt pour juger de la portée véritable de ce qui sera soumis aux salarié.e.s syndiqué.e.s. Ce ne sera qu’à terme, c’est-à-dire le 31 mars 2028, qu’il sera possible de dégager l’ensemble des gains ou des pertes qui accompagnent la présente entente de principe. D’ici là, évitons de sauter trop vite aux conclusions.
(1) Selon La Presse et Radio-Canada, l’entente de principe de 21% négociée entre le gouvernement du Québec et l’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ) prévoyait des hausses salariales totales de 5 % en 2022, 3 % en 2023, 7 % en 2024, puis 3 % en 2025 et 2026. Cette entente a été rejetée à un peu moins de 60%.
Ces pourcentages se décortiquaient de la manière suivante :
Pour 2022 : 3% en rattrapage et 2% en augmentation du salaire de base ;
Pour 2023 : 1% en rattrapage et 2% en augmentation du salaire de base ;
Pour 2024 : une prime nationale de l’ordre de 3% plus 2% en rattrapage et 2% en augmentation du salaire de base
Pour 2025 : une prime nationale de l’ordre de 1% plus 2% en augmentation du salaire de base
Pour 2026 : une prime nationale de l’ordre de 1% plus 2% en augmentation du salaire de base
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2008554/surete-quebec-sq-augmentations-salariales?fbclid=IwAR26oh-76ZYpR0fP4iA-ThCVP1nxJ6tiL3B-YdiZburWpau1GTdAXGz3Pis. Consulté le 16 janvier 2024.
Yvan Perrier
15 janvier 2024
14h40
yvan_perrier@hotmail.com
Aparté : Psychodrame social et droit de grève
Il y a dans l’actualité des personnes qui qualifient la ronde de négociation que nous vivons en ce moment de « psychodrame social » et qui demandent une révision du régime de négociation en ce qui a trait au volet portant particulièrement sur le droit de grève. Pour ces personnes, le nombre de participant.e.s au vote doit être plus élevé. Mieux le vote devrait se tenir électroniquement. Ces pourfendeurs des droits démocratiques des syndiqué.e.s observent, par contre, un silence complice devant le mode de scrutin qui permet au gouvernement présentement en place à Québec d’obtenir une députation majoritaire à l’Assemblée nationale à partir d’une minorité des suffrages. Est-il nécessaire de rappeler que le gouvernement Legault n’a obtenu, le 3 octobre 2022, que 1 685 573 votes sur un nombre d’électeurs et d’électrices inscrit.e.s qui s’élevait à 6 302 789, soit à peine un peu plus qu’un électeur ou électrice sur 4 (26,7%). Avec un tel score, François Legault est parvenu à faire élire 90 député.e.s sur 125 (72%). À quand une véritable réforme du mode de scrutin ?
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