Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Multiples victoires pour les progressistes aux États-Unis

Mardi dernier, le 8 novembre, se tenaient dans divers États américains, des élections et des référendums dont les résultats sont de véritables victoires pour les progressistes. Ce sont les syndicalistes et leurs supporteurs, les femmes et les défenseurs des droits des immigrants qui peuvent le plus se réjouir.

Les plus importantes sont :

1- En Ohio, les électeurs-trices ont renversé une loi adoptée au printemps dernier qui restreignait considérablement les droits de négociation des employéEs de l’État. Un groupe s’était formé pour la contrer et a réuni un million trois cent mille signatures d’appui à son action. Soumise au référendum, la loi a été renversée à 61% des suffrages. Le gouverneur John Kasich qui devait la promulguer est battu sur cet aspect de son programme.

2- En Arizona, l’artisan de la controversée loi locale anti-immigration a perdu son élection de rappel. Le sénateur de l’État, Russel Pearce, qui avait introduit la loi 1070 qui obligeait chaque policier à vérifier le statut de citoyenneté de toute personne détenue même sans raison, a été défait. C’est la première fois qu’un politicien de cet État perd une élection de rappel. Il doit démissionner immédiatement.

3- Au Kentuky le candidat démocrate au poste de gouverneur a réussi à se maintenir au pouvoir avec une avance de 21 points. Aux élections de 2008 et 2010, à l’échelle nationale, se sont les Républicains qui avaient remporté la mise.

4- Au New-Jersey, les Démocrates ont conforté leur majorité dans les deux chambres.

5- Au Mississipi, les électeur-trices ont renversé par 55% des voies, un projet de loi controversé sur l’avortement. En déterminant que le fœtus est une personne dès le moment de la conception, il rendait hors la loi tout avortement, l’assimilant à un meurtre.

6- Au Maine, une proposition visant à empêcher les électeurs-trices de s’inscrire le jour même du vote, a été largement renversée.

Democracy Now a discuté de la portée de ces résultats avec John Nichols du magazine The Nation.

John Nichols : Ce sont des résultats très significatifs. C’est un petit bout d’espoir dont les progressistes peuvent s’emparer après bien des années de sécheresse. Actuellement, si vous êtes attentif, vous voyez d’un État à l’autre, dans des endroits où vous ne vous y attendez pas, des progrès remarquables des politiques progressistes. Je pense que ce qui est important de saisir, c’est que là où les populations ont pris les choses en main, mené campagne, où le parti démocratique a dû jouer profil bas et s’intégrer à la dynamique locale, les idées progressistes ont réussi à s’imposer et les gains sont significatifs. C’est particulièrement vrai en Ohio où c’est le mouvement ouvrier qui a pris la direction de la lutte et aussi dans le Maine, où ce sont les progressistes qui ont mené les troupes contre l’introduction de la loi sur l’interdiction de l’enregistrement le jour même du vote. Si ça passait, les Républicains auraient réussi à retirer le droit de vote à toute une partie de la population. Les résultats en Ohio sont pour ainsi dire à deux pour un en faveur du mouvement ouvrier. Même chose au Maine ; c’est une immense victoire. Et si vous regardez ceux du Mississipi, c’est une victoire à 58% pour les femmes. Et ça, contre les Démocrates qui se sont rangés du côté des Républicains dans ce débat, clairement contre les droits des femmes. C’est une preuve éclatante que le peuple, les militantEs du crû, sont largement plus progressistes que les politicienNEs. On veut espérer que tout le monde concerné, jusqu’à la Maison Blanche, en prenne bonne note.

Amy Goodman (D.M.) : pouvez-vous nous dire comment les gens se sont organisé en Ohio et ce que ça veut dire pour le gouverneur Kasich. Il a été un élu du Congrès, un commentateur sur Fox News pendant un bon moment. Qu’est-ce que cette défaite représente pour lui ? Mais aussi pour d’autres États dont le Wisconsin et pour le reste du pays ?

J.N.  : Vous faites un très bon rapprochement. Nous étions tous les deux dans le Capitole du Wiskonsin en février dernier et nous avons vu des dizaines de milliers de manifestantEs dans les rues même des centaines de milliers certains jours. Ce genre de manifestations ne se passait pas qu’à Madison Wiskonsin. C’était aussi à Lansing, Michigan, à Columbus, Ohio et dans d’autres États où des gouverneurs Républicains ont lancé des politiques contre les droits de négociation des travailleurs-euses des États et ont voulu affaiblir les syndicats du secteur public pour des raisons purement politiques. Il s’agissait de les éliminer des débats au cours de la campagne électorale nationale à venir en 2012. C’est ce que faisaient les deux lois du Wiskonsin et de l’Ohio. C’était un effort coordonné des forces conservatrices, sous l’impulsion de l’American Legislative Exchange Councili. C’est un groupe qui agit dans l’ombre pour faire soutenir les intérêts des entreprises par les législateurs-trices de droite. Ils ont parrainé ce genre de projets de loi dans plusieurs États. Au Wiskonsin on a vu l’opposition se remobiliser l’été dernier et réussir à révoquer quelques sénateurs Républicains. Mais en Ohio, ils ont une arme de plus ; une merveilleuse loi qui permet à la population d’opposer son véto à des lois déjà adoptées par le parlement et entérinées par le gouverneur. Il y a donc eu une mobilisation au printemps pour la collecte du nombre de signatures nécessaires (300,000) pour soumettre la loi au référendum. Ce sont un million trois cent mille appuis qui ont été recueillis ! Un nombre impressionnant.

La plus importante leçon à tirer de ces victoires, c’est que les travailleurs-euses et les progressistes étaient en force à la tête des mouvements. Il s’est trouvé bien des conseillerÈres pour dire aux Démocrates : « Ne perdez pas votre temps dans ces batailles ». D’ailleurs le président Obama est resté silencieux et l’establisment démocrate s’est tenu à l’écart. Mais, sur le terrain, les militantEs ont réussi à faire sortir des milliers d’électeurs-trices (hier ils étaient des dizaines de milliers) pour renverser le programme politique conservateur avec leurs votes. La même situation se prépare au Wiskonsin ; il va y avoir une campagne pour retirer le gouverneur Scott Walker de son poste. Ils ont ramassé 540,000 signatures à ce jour et plus de 8,000 personnes sont formées pour faire circuler la pétition. 200,000 autres personnes ont déjà déclaré qu’elles étaient prêtes à signer.

Je pense que nous commençons à voir, partout à travers le pays, une nouvelle politique organisée à la base. C’est un mouvement qui refuse les limites que tous les politicienNEs et leurs conseillers-ères mettent aux possibilités sur le terrain. Ces militantEs déclarent : « Nous allons organiser les référendums, pousser pour les rappels d’éluEs quand nous allons juger que c’est la chose à faire ! » Nous vivons une période vraiment excitante. Les résultats en Ohio et au Maine soutiennent cette lancée. (…) Je pense que si nous pouvons répandre ce genre d’action politique dans l’ensemble du pays, nous pourrons introduire des changements positifs dans la dynamique actuelle.

A.G. : (…) pouvez-vous comparer la réaction du gouverneur de l’Ohio, John Kasich à celle de celui du Wiskonsin, Scott Walker ? John Kasich a été très clair hier soir, il a déclaré : « J’ai entendu la population ».

J.N.  : Bonne question. John Kasich est un politicien plutôt de la vielle école. Il est en politique active depuis bien longtemps. Il est probablement d’accord avec Scott Walker sur la plupart des questions mais avec quelques nuances. Scott Walker s’est attaché les mains dans le dos. Il a refusé tout compromis. Ça va être très intéressant de voir comment il va réagir aux résultats en Ohio. Il ne peut pas ne pas tenir compte de l’ampleur de ce vote. Comme il fait face à un vote de rappel on risque de le voir faire des efforts pour se ranger un peu plus au centre. Pour être honnête il faut dire que Kasich, lui aussi, a tenté durant la campagne de se présenter comme un peu plus modéré. Les électeurs-trices ne l’ont tout simplement pas cru. Je suis convaincu que peu importe ce que ces gouverneurs républicains vont faire, le signal est envoyé. Leur programme pour faire reculer les droits syndicaux, pour affaiblir les travailleurs-euses du secteur public a été compris et rejeté par la population qui est prête à les renverser. Les Démocrates seront traités de la même manière s’ils s’avisent de toucher aux droits du travail.

Alexandra Cyr

Retraitée. Ex-intervenante sociale principalement en milieu hospitalier et psychiatrie. Ex-militante syndicale, (CSN). Ex militante M.L. Actuellement : membre de Q.S., des Amis du Monde diplomatique (groupe de Montréal), animatrice avec Lire et faire lire, participante à l’établissement d’une coop. d’habitation inter-générationnelle dans Rosemont-Petite-Patrie à Montréal. Membre de la Banque d’échange communautaire de services (BECS) à Montréal.

Sur le même thème : États-Unis

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...