Édition du 5 novembre 2024

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Le mouvement des femmes dans le monde

Mondialisation, extrémismes religieux et droits des femmes en Asie du Sud

Compte-rendu de l’atelier « Face au capitalisme et au patriarcat : quelles luttes et stratégies des femmes ? » La situation des femmes dans cette région est complexe. Elles y subissent un patriarcat très fort, systématique et même constitutionnalisé.

tire de : [CADTM-INFO] BULLETIN ÉLECTRONIQUE - Samedi 14 janvier 2017

Il se manifeste notamment par l’analphabétisation et les violences contre les femmes. Alors que plus de 80 % des femmes subissent des violences domestiques, elles sont majoritairement marquées du sceau de l’impunité. La réaction de l’État et du système judiciaire face à ce fléau est complètement inadéquate. Leur immobilisme en vient à encourager les agresseurs et à limiter de façon structurelle la présence et la visibilité des femmes dans l’espace public. Face aux mouvements massifs exigeant la criminalisation des violences faites aux femmes et aux filles, les résistances les plus extrêmes sont venues des milieux religieux. Ils se sont opposés systématiquement à toute mesure ou initiative promouvant l’égalité des genres.

Si dans certains pays d’Asie du Sud, de plus en plus de femmes accèdent à des postes importants, cette évolution n’est malheureusement pas synonyme d’un ébranlement des vieilles structures, d’une émancipation de la majorité des femmes. Si certaines femmes ont accès aux parlements, les défis dans leur vie quotidienne restent immenses.

Bushra a ensuite montré comment la crise de la dette impacte les femmes dans cette région du monde. Et particulièrement, comment les micro-crédits, loin de les aider à sortir de la pauvreté constituent plutôt un outil qui les empêche d’en sortir. L’exploitation économique des femmes repose à bien des égards sur le succès du micro-crédit. Dans certaines régions, 50 % des femmes ont été « bénéficiaires » de ce type de crédit. Ils n’ont aucunement participé à leur émancipation, que du contraire. Lorsque des femmes éprouvent quelques difficultés à rembourser ces crédits, les modes d’action des créanciers sont très brutaux : enlèvement par la police, prison, accaparement de leurs biens (maisons, objets divers…). Souvent elles se retrouvent piégées dans le cercle vicieux de la dette, devant emprunter pour rembourser le (s) prêt(s) précédent(s).

Deux questions ont structuré les débats suivant les interventions de Silvia et de Bushra :

Quels liens entre l’accaparement des terres, ou le manque d’accès à la terre, et la situation des femmes ?

Silvia a rappelé que, partout dans le monde, la lutte anti-coloniale réclamait la répartition des terres. Celle-ci n’a pas eu lieu, la privatisation partout s’est imposée. Cela a eu un impact énorme sur les femmes : les hommes étant les propriétaires et les détenteurs des capitaux, les femmes se sont vue exclues de l’accès à la terre et aux moyens de subsistance qu’elle recèle. Ainsi, si le patriarcat n’est pas né avec le capitalisme, le capitalisme a intensifié le patriarcat : dans le régime communautaire au moyen-Age, les femmes avait accès à la terre. Dès lors, même si les hommes avaient plus de pouvoir, les femmes n’étaient pas dépendantes économiquement.

Silvia en a profité pour souligner que le fondamentalisme islamique n’est pas le seul à porter préjudice aux femmes. La chasse aux sorcières en Afrique et en Amérique latine est souvent fomentée par des évangéliques payés par la droite américaine. Le fondamentalisme chrétien est ouvertement capitaliste, il porte le message suivant : « Jésus veut que tu sois riche, si tu ne l’es pas, c’est qu’il y a quelque chose de mauvais en toi ou dans ta communauté ». La religion est une arme du capitalisme : elle fait partie intégrante de ses institutions et a pour rôle majeur de cacher, de masquer l’exploitation.

Quel avenir pour le mouvement féministe qui semble plus combatif aujourd’hui que dans les décennies récentes ?

(cf. combats pour le droit à l’avortement en Espagne et en Pologne, arrêt du travail des femmes pour exiger l’égalité salariale en Islande repris en France et on l’espère dans d’autres payas européens, …). L’élection de D. Trump à la présidence des Etats-Unis, ouvertement misogyne, demande une réaction, mais laquelle ?

Silvia relève que, contrairement a ce qu’il a été parfois dit, la majorité des femmes blanches n’a pas voté pour D. Trump. Toutefois, il semble que la misogynie soit efficace. En effet, elle l’a jusqu’à présent toujours été : elle permet de « discipliner » les hommes en leur « donnant » une personne (en l’occurrence une femme) sur qui ils peuvent exercer leur domination, ce qui leur fait accepter l’exploitation dont ils sont victimes. L’élection de Trump a donné lieu à de grandes réunions et manifestations féministes aux Etats-Unis. Cependant « l’alternative Clinton » aurait été également un désastre : elle a appuyé toutes les guerres, toutes les coupes des subsides de l’État, les lois de plus en plus répressives...

Plus généralement, le mouvement féministe au niveau mondial est très vivant. Ainsi, en Argentine, en octobre, plus de 70 000 femmes se sont réunies pendant une semaine pour répondre collectivement à cette question : « Que faire » ?. Elles ont lancé une grève contre les violences faites aux femmes et en préparent une autre en 2017 globale cette fois-ci portant sur toutes les thématiques dont nous avons parlé (dette, violence, extractivisme, expropriation) qui se renforcent l’une l’autres .

Bushra rappelle que la politique des États-Unis dans la région de l’Asie du Sud est caractérisée par une ingérence et une militarisation croissante. Les États-Unis utilisent le fondamentalisme religieux toujours plus violent pour s’accaparer des ressources de ces régions, le tissu social est systématiquement mis à mal. Dans ce contexte de régime de guerre permanente qui relance une vision agressive de la masculinité, les violences contre les femmes deviennent une arme de guerre à part entière.

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