Ce fut le début d’une autre aventure, qui n’est pas l’objet de ma chronique aujourd’hui. En fait, je pense à tout cela, parce que je veux parler du fils, désolé de ce détour !
Les méchantes langues à Ottawa (il y en a tellement) disent que Justin est davantage le fils de sa mère un peu exaltée (pour ne pas dire plus) que de son père, le fin calculateur, inspiré de Machiavel. Je ne sais pas si c’est vrai, mais je vois comme tout le monde comment Justin se laisse souvent porté par ses émotions. Tellement que ses « spins » ont érigé autour de lui un « mur de protection » qui consiste à l’empêcher de parler trop souvent, même à la Chambre des Communes. C’est un peu tristounet pour le beau garçon. Cela révèle aussi les bassesses de la politique aujourd’hui où on vend des images, du moment qu’elles passent bien le temps d’un sondage.
On l’a encore une fois constaté la semaine dernière lorsque Justin s’est dit admiratif de la Chine. Le bafouillage habituel, les opérations de « damage-control » des spins n’ont pas empêché Harper et le NPD de crier au scandale. Comme si le fait de dire des bonnes choses de la méchante Chine communiste était un grand crime. De Harper, il n’y avait rien de surprenant. La vision du monde des (néo)conservateurs est une copie à peu près conforme de ce qui prévalait à l’époque de la Guerre froide. Le monde est divisé en deux, « nous » et les « autres ». Le « nous », c’est la « civilisation chrétienne-occidentale-capitaliste-libérale ». Les « autres, c’est le reste du monde, mais surtout les Musulmans et la gauche, en passant par Cuba, le Venezuela, l’Iran, et bien sûr, la Chine.
Il est vrai que la Chine est un « gros marché », un gros investisseur aussi, et que le Canada pétro-obsessif ne peut pas trop niaiser avec ce « gros client ». Mais tout en courtisant l’émergente Chine pour la business, Harper et sa gang révèlent leurs vrais sentiments de temps en temps. Pour eux, la Chine est menée par de « méchants communistes » qui sont, malheureusement, très astucieux. Le héros du Parti conservateur est le dalaï-lama, l’ancien chef féodal du Tibet, dont la théocratie a été renversée par le Parti communiste et qui est devenu l’icône du jet-set des droits humains et des « China-bashers ». La dénonciation de la Chine est le sport préféré du Tea Party et de toute une droite qui nous fait penser au Docteur Folamour (le film de Stanley Kubrick), pour qui la guerre nucléaire préventive aurait permis aux « civilisés » de protéger la « liberté ».
En réalité, la Chine n’est pas « acceptable » pour cette droite nostalgique, pas tellement parce qu’elle est « communiste », mais parce qu’elle est indépendante, contrairement à la majorité des pays du tiers-monde, dont la pseudo démocratie masque mal la réalité du capitalisme subordonné « réellement existant ». L’Indonésie le Pakistan, l’Égypte, le Mexique et tant d’autres États où se pratiquent des « élections » frauduleuses et l’exploitation des enfants sont « acceptables », car elles sont « libérales », dans cet imaginaire cauchemardesque et surtout, parce qu’elles acceptent les diktats de Washington et de ses larbins.
L’État chinois n’est pas condamnable parce qu’il est autoritaire, mais parce qu’il a exproprié le 1 % en 1948 et depuis, il nourrit, éduque et soigne la majorité des gens, à commencer par les femmes. Le capitalisme d’État chinois est condamnable, non pas parce qu’il entrave l’accumulation (au contraire), mais parce qu’il résiste aux pressions du G7, de l’Organisation mondiale du commerce, du FMI, qui voudraient envahir le système financier chinois et le transformer en une gigantesque économie-casino comme ils l’ont fait avec le reste du monde. Le gouvernement chinois est condamnable, pas parce qu’il procède à une remilitarisation, mais parce qu’il le fait avec l’aide de la Russie et pour protéger l’Asie-Pacifique du contrôle américain. Et ainsi de suite.
Alors lorsqu’on voit les Harper de ce monde monter à l’assaut pour dénoncer les « naïfs » comme Justin, il faut se pincer.
C’est donc désolant, en tout cas pour moi, de voir le NPD embarquer dans cela. Je comprends que sa job est de diminuer Justin qui menace énormément ses sièges. Mais cela ne justifie pas n’importe quoi. D’autant plus que le NPD, ou devrais-je dire Mulcair, est mal placé pour donner des leçons de démocratie alors qu’il se vante d’être le meilleur ami de l’État d’Israël, un État construit sur sa propre version de l’apartheid, avec les conséquences que l’on sait. Qu’il y ait des « élections » en Israël ne change rien à cela (il y en avait aussi en Afrique du Sud à l’époque du régime raciste). Il me semble que le NPD serait mieux avisé de faire la guerre aux États et aux structures actuelles qui minent la liberté des peuples, comme les traités de libre-échange. Pourtant Mulcair est un grand partisan de l’ALÉNA. En gros, il pense que le projet de libre-échange avec l’Europe est une bonne idée. S’il est logique, il devrait appuyer les manœuvres américaines (appuyées par Harper évidemment) pour imposer le libre-échange avec l’Asie, ce à quoi s’oppose la Chine pour des raisons évidentes.
Un autre grand affrontement se profile sur la région de l’Asie-Pacifique, avec les États-Unis qui ont décidé de réorienter leurs capacités militaires vers cette région pour les prochaines décennies. Harper (et peut-être Mulcair) diront que c’est pour protéger la démocratie. Ils feront pression sur tous les autres, Justin y compris, pour qu’ils se rangent dans cette nouvelle Guerre froide qui s’esquisse sous nos yeux. Ils essaieront de nous faire peur et de nous convaincre d’embarquer dans une nouvelle croisade. Alors on se lèvera et on mettra de (gros) grains de sable dans l’engrenage, comme on l’a fait avec la série de « guerres sans fin » qui se succèdent depuis les années 1990.