Democracy Now, 3 janvier 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Introduction : Mouin Rabbani, analyste politique néerlandais d’origine palestinienne soutien qu’Israël se sert de l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier comme prétexte pour mettre en œuvre « sa vieille ambition » de sortir les Palestiniens.nes de Gaza. Il souligne que des hauts fonctionnaires israéliens ont commencé à proposer des déplacements de masse de civils.es vers l’Égypte et d’autres pays, presque aussitôt que la guerre ait commencé. Cela est en concordance avec les politiques sionistes datant d’avant la fondation d’Israël. Selon M. Rabbani, « le nettoyage ethnique, ou ce que les sionistes nomment les transferts est intrinsèque au Sionisme et fait partie des politiques israéliennes depuis ses tout débuts ».
M. Rabbani est adjoint rédacteur en chef de Jadaliyya et anime la balado diffusion sur Connections. Son dernier article est intitulé « The Long History of Zionist Proposals to Ethnically Cleanse the Gaza Strip ». Il a été publié par Mondoweiss.
Amy Goodman : Mouin Rabbani, en lien avec votre dernier article, les journaux israéliens rapportent que le Premier ministre, B. Netanyahu aurait déclaré à un groupe d’élus.es : « Pour ce qui est de l’immigration volontaire, (…) c’est vers cela que nous nous dirigeons ». Le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ber Gvir, qui en passant a été trouvé coupable de terrorisme, a tenu des propos semblables : « L’encouragement à l’immigration est une solution que nous devons mettre de l’avant. C’est la solution correcte, juste, morale et humaine. J’ai souligné au Premier ministre et au nouveau ministre des affaires étrangères, que je félicite pour sa nomination, que le temps était venu de coordonner un projet de migration, un projet pour encourager les résidents.es de Gaza à immigrer ailleurs dans le monde. Soyons clairs, nous avons des partenaires dans le monde que nous pouvons appeler à l’aide. Il y a des gens dans le monde avec qui nous pouvons discuter de cette idée. Encourager l’émigration va nous permettre de ramener chez eux, les résidents.es des communautés près de Gaza et ceux et celles de la colonie de Gush Katif ».
A.G. : (…) Mardi, le Département d’État américain a émis un communiqué où il déclare être en désaccord avec les commentaires de M. Ben-Gvir et ceux de Bezalel Smotrich. Le Times de Londres, rapporte que des hauts fonctionnaires ont eu des échanges secrets avec la République démocratique du Congo et plusieurs autres pays sur la possibilité qu’ils acceptent des Paliestiniens.nes de Gaza sur leur territoire. Pouvez-vous nous parler de cette histoire, M. Rabbani ? Et aussi, que veulent-ils dire quand ils parlent « d’immigration volontaire » à Gaza. Parlez-nous aussi des pressions que subit l’Égypte pour qu’elle ouvre sa frontière aux habitants.es de Gaza.
Mouin Rabbani : Oui. Maintenant, l’immigration volontaire est présentée comme une émigration humanitaire. Autrement dit, nous faisons une faveur à ces gens en procédant au nettoyage ethnique à leur égard.
Je pense que le problème est aussi que beaucoup de gens associent le nettoyage ethnique des Palestiniens.nes avec l’extrême droite israélienne, les gens comme Ben-Gvir, Smotrich, Netanyahu et ainsi de suite. Mais ce que je voulais démontrer dans mon article qui est maintenant accessible sur Twitter et que j’ai publié plus tard sur Mondoweiss, c’est que le nettoyage ethnique, ou ce que les Sionistes nomment transferts, est intrinsèque au Sionismes et plus tard dans les politiques israéliennes envers les Palestiniens.nes et ce depuis les tout débuts.
Aussitôt qu’en 1895, Theodor Herzl, le fondateur du mouvement sioniste contemporain, a écrit : « organisons (l’envoie) de ces pauvres hors des frontières » et trouvons-leur du travail dans d’autres pays. Durant la période qui s’étend entre le mandat britannique et la fondation de l’État d’Israël en 1948, le mouvement sioniste a mis en place un comité des transferts équipé de termes de références très clairs ; il devait s’assurer que les expulsés.es ne pourraient jamais retourner en Palestine et pour cela il fallait détruire leurs villages et d’autres propositions de la sorte. La population de Gaza est composée aux trois quarts de Palestiniens.nes victimes de nettoyage ethnique en 1948. Depuis 1950, elle a aussi été la cible par Israël d’une réduction de sa population parce qu’il ne veut pas de tous ces réfugiés et toutes ces réfugiées à portée de vue pour ainsi dire de leurs anciennes demeures à sa frontière. Il y a eu un grand nombre de proposition et d’initiatives au fil des années pour atteindre ce but. À la fin des années 1960, un projet proposait d’évacuer 60,000 habitants.es de la bande Gaza vers le Paraguay. Mais, en contrepartie le Mossad a découvert qu’il n’avait plus les moyens de poursuivre sa chasse aux Nazis réfugiés dans ce pays avec la protection du régime Stroessner. (Le projet est donc tombé à l’eau).
Je voulais vraiment vous démontrer que la politique la plus récente proposée par la frange la plus extrême de la politique israélienne, n’est pas exceptionnelle ; cela fait partie intrinsèque du Sionisme et des politiques israéliennes depuis les tout débuts.
A.G. : À la fin de votre article vous écrivez : « Malgré son importance la Nakba de 1948 n’a pas défait les Palestiniens.nes. Leur lutte s’est poursuivie depuis les camps de réfugiés.es, ceux de Gaza en première ligne. Il faudrait un niveau de stupidité à la Blinken pour penser que l’expulsion des Palestiniens.nes de Gaza produirait un autre résultat ». Parlez-nous de l’objectif de Netanyahu d’extirper le Hamas de Gaza. Qu’est-ce que cela veut dire au juste ? Quels sont les effets des victimes à ce point-ci soit plus de 22,000 personnes décédées ?
M.R. : Cela me ramène à la deuxième partie de votre précédente question à laquelle je n’ai pas répondu et qui porte sur les retombées de la présente guerre. Israël s’est rendu compte qu’il avait ainsi atteint au soutient inconditionnel des Occidentaux, des États-Unis et d’Europe en reprenant la vieille ambition de nettoyer la Bande Gaza de ses habitants.es palestiniens.nes.
Dès le 7 octobre, cette proposition a été mises de l’avant : déménager la population de Gaza vers le désert du Sinaï en Égypte. Cette idée a été endossée avec enthousiasme par le Secrétaire d’État américain, A. Blinken. Lors de sa première visite dans la région il a tenté de la faire adopter par les alliés arabes des États-Unis. Je pense qu’il devient une poule sans tête quand il s’agit du Proche Orient. Je pense qu’il s’attendait à entendre les alliés arabes des américains lui dire : « Comment pouvons-nous vous aider à aider vos amis israéliens » ? Au lieu de quoi il s’est frappé à un refus catégorique d’abord et avant tout de la part de l’Égypte.
Par la suite, les gouvernements américains et européens ont pris position contre les expulsions forcées de la Bande de Gaza ce qui a permis ce que nous voyons en ce moment : une campagne militaire israélienne dont le premier objectif est de rendre cet espace invivable et donc d’encourager les déplacements volontaires ou ce qu’ils nomment maintenant, humanitaires ; l’émigration pour accomplir le nettoyage ethnique. Je crois que ce que nous voyons en ce moment c’est un génocide. D’ailleurs le Tribunal international de justice de La Haie en jugera suite à la plainte de l’Afrique du sud en vue de l’application de la Convention contre les génocides. Et la Bande de Gaza est devenue inhabitable.
A.G. : Mouin Rabbani, nous devons nous arrêter ici. Je vous remercie.
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