Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Mémoire du GREMM sur le Projet Oléoduc Énergie Est de TransCanada, Section québécoise (extraits)

Le GREMM est un organisme à but non lucratif, fondé en 1985, qui se voue à l’éducation pour la conservation du milieu marin et à la recherche scientifique sur les baleines du Saint‐ Laurent. Il s’est donné pour mission de comprendre et faire apprécier ces géants et leur fragile environnement. Mémoire préparé par Robert Michaud et Béatrice Riché Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM).

Introduction

Les projets de développement et d’approvisionnement énergétique du Québec sont malheureusement toujours examinés à la pièce. Pour cette raison, il est difficile, voir impossible, d’évaluer le mérite de chaqueprojet. Le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada soulève plusieurs questions. Sans diminuer l’importance des préoccupations des résidents et des nombreux groupes environnementaux qui s’opposent ouvertement à ce projet, notre mémoire portera sur une question plutôt simple mais à laquelle non seulement notre équipe, mais l’ensemble des Québécois et des Canadiens, accordent une grande importance : la protection des espèces en péril. Ici, c’est plus spécifiquement le sort des bélugas du Saint‐Laurent qui nous préoccupe.

Nous vous présentons premièrement un résumé de nos préoccupations. Nous expliquons ensuite plus précisément pourquoi ce projet constitue une menace pour les mammifères marins du Saint‐Laurent. Nous vous présentons la valeur particulière et le statut de la population des bélugas du Saint‐Laurent, ajoutons quelques considérations supplémentaires et terminons avec nos recommandations.

Résumé de nos préoccupations

Considérant

‐ le tracé proposé pour l’oléoduc : il traverserait environ 860 cours d’eau sur le territoire québécois et la majorité de ces cours d’eau se déversent dans le Saint‐Laurent donc, en cas de bris et de déversement, le Saint‐Laurent se retrouverait directement menacé ;

‐ les risques non‐négligeables de bris et de déversement ;

‐ les caractéristiques de l’estuaire du Saint‐Laurent – en particulier la salinité de l’eau et la présence de glace durant une bonne partie de l’année – ce qui rendrait très difficile la récupération du pétrole en cas de déversement ;

‐ les particularités du pétrole transporté – le bitume dilué provenant des sables bitumineux est plus lourd et plus visqueux que le pétrole conventionnel – ce qui le rendrait plus difficile à récupérer en cas de déversement ;

‐ la fragilité du milieu : les risques liés à une augmentation du transport des hydrocarbures le long du Saint‐Laurent s’ajoutent aux autres stress subis par cet écosystème ;

‐ l’importance du Saint-°©‐Laurent pour le béluga et les autres mammifères marins du Saint-°©‐Laurent : une douzaine d’espèces de baleines fréquentent le Saint‐Laurent du printemps à l’automne et une, le béluga, y réside à l’année, et près de la moitié de ces espèces sont des espèces en péril selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) ;

‐ l’importance du béluga et des autres mammifères marins du Saint‐Laurent pour la population québécoise et l’écotourisme ;

‐ les conséquences désastreuses et durables des déversements majeurs qui ont eu lieu dans d’autres parties du monde sur les populations de mammifères marins ;

‐ l’absence d’une étude d’impact sur les mammifères marins, leur habitat et leurs ressources alimentaires, d’un déversement majeur dans le Saint‐Laurent ;

‐ notre faible capacité locale d’intervention en cas de déversement et

‐ l’absence d’un plan d’intervention développé en concertation avec les acteurs locaux pour minimiser les impacts d’un déversement sur les mammifères marins,

Le GREMM considère

‐ que le Québec ne dispose pas des ressources et des capacités nécessaires (étude d’impact sur les mammifères marins, plan d’intervention et capacité local d’intervention en cas de déversement) pour appuyer ce projet et

‐ que les risques pour les bélugas et les autres mammifères marins du Saint‐Laurent sont trop élevés pour que le projet soit acceptable.

Projet Oléoduc Energie-Est : une menace pour les mammifères marins du St-Laurent

« Une menace, telle que définie dans le document produit par Environnement Canada (2007) intitulé Version provisoire des lignes directrices pour l’identification et l’atténuation des menaces pesant sur les espèces en péril, s’entend de toute activité ou processus (aussi bien naturel qu’anthropique) qui a causé, cause ou pourrait causer une atteinte grave à un individu d’une espèce en péril, la mort ou des modifications de son comportement, ou la détérioration, la destruction et/ou la perturbation de son habitat jusqu’à entraîner des répercussions au niveau de la population. » (MPO, 2010)

Par son projet Énergie Est, l’entreprise albertaine TransCanada pourrait transporter jusqu’à 1,25 million de barils de pétrole par jour des Prairies jusqu’au Nouveau‐Brunswick. De là, une bonne partie du pétrole serait chargée à bord de pétroliers pour être exportée. Le tracé proposé pour l’oléoduc traverserait 860 cours d’eau sur le territoire québécois. La grande majorité de ces cours d’eau se déversent dans le Saint‐Laurent. En cas de bris et de déversement, le Saint‐Laurent se retrouverait donc directement menacé.

Selon une étude menée par Polytechnique Montréal pour le gouvernement du Québec, « l’aval du fleuve Saint‐Laurent est considéré extrêmement à risque à la suite d’un déversement accidentel ». Le rapport mentionne aussi que « l’un des écosystèmes les plus vulnérables se situe dans l’estuaire du Saint‐Laurent, soit en aval des traverses de cours d’eau pressenties pour le projet Oléoduc Énergie Est » (Polytechnique Montréal, 2015).

Comme expliqué par Émilien Pelletier, titulaire de la chaire de recherche en écotoxicologie moléculaire en milieux côtiers de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski, lors de la scéance du 15 mars 2016 de la première partie de l’audience du BAPE : un déversement dans les eaux salées du Saint‐Laurent serait extrêmement difficile à contrôler et à nettoyer. Bien qu’il existe des façons de récupérer du pétrole déversé, comme le recours à des barrières flottantes, l’efficacité de ces méthodes est limitée dans le cas du projet Énergie Est dû aux caractéristiques du milieu et aux types de pétrole transporté.

Caractéristiques du milieu

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Particularités du pétrole provenant des sables bitumineux

(…)

Conséquences d’un déversement sur les mammifères marins du St-Laurent

Quelles seraient les conséquences d’un déversement suite à un bris de l’oléoduc Énergie Est sur les mammifères marins du Saint‐Laurent, leur habitat et leurs ressources alimentaires ? Les informations fournies dans le cadre de la première partie de l’audience publique du BAPE ne nous permettent pas de répondre clairement à cette question. Cependant, vu l’importance et la fragilité de l’écosystème marin du Saint‐Laurent, cette question mérite que l’on s’y attarde.

Les conséquences sur les espèces marines dépendront de nombreux facteurs, dont l’ampleur et le lieu du déversement et la toxicité du pétrole et des diluants déversés. Une analyse de Pêches et Océans Canada publiée en 2015 mentionne que « trop peu de recherches ont été menées pour évaluer les effets potentiels du bitume dilué et du pétrole brut synthétique (bitume valorisé) sur les organismes aquatiques » (Pêches et Océans Canada, 2015).

Des études réalisées suite à des déversements majeurs – comme le déversement de l’Exxon Valdez, en Alaska, en 1989, et le déversement de la plateforme Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, en 2010 – font desmconstats inquiétants concernant les conséquences à long terme sur les mammifères marins. Premièrement, malgré les efforts de nettoyage, du pétrole persiste encore dans l’écosystème marin bien des années après l’incident. Deuxièmement, même si le pétrole ne cause pas nécessairement la mort des individus immédiatement après le déversement, une exposition à long terme peut entrainer des effets qui peuvent être observés plus tard dans la vie de l’animal ou dans les générations subséquentes. Ceci peut mener au déclin des populations et peut causer une cascade d’effets indirects qui empêchent les populations de se rétablir à long terme (National Wildlife Federation, 2015 ; NOAA, 2015 ; NOAA, 2012 ; Peterson et al. 2003). Dans le golfe du Mexique, plusieurs populations de cétacés exposées au déversement de la plateforme Deepwater Horizon en subissent encore les conséquences aujourd’hui. Les conséquences ont été particulièrement dramatiques pour la population de rorqual de Bryde – presqu’un quart des 50 individus de cette population est décédé suite au déversement et il est incertain que cette population pourra se rétablir – et le grand dauphin – au cours des 5 années suivant ce déversement, près de 75% des dauphins femelles gestantes observées dans la zone du déversement n’ont pas réussi à donner naissance à un nouveau‐né viable (National Wildlife Federation, 2015). En Alaska, les populations d’épaulards exposées au déversement de l’Exxon Valdez ont subi, au cours des 18 mois suivants le déversement, des ntaux de mortalité sans précédent, et ces populations ne se sont toujours pas rétablies seize ans après l’incident (Matkin et al, 2008 ; NOAA, 2012).

Bien qu’il n’y ait présentement pas de données suffisantes pour évaluer les conséquences d’un déversement sur les mammifères marins du Saint‐Laurent, une chose est certaine : les risques liés à une augmentation du transport des hydrocarbures le long du Saint‐Laurent s’ajoutent aux autres stress subis par cet écosystème fragile et précieux. Une douzaine d’espèces de baleines fréquentent le Saint‐Laurent du printemps à l’automne et une, le béluga, y réside à l’année. Près de la moitié de ces espèces sont des espèces en péril selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada.

Capacité d’intervention en cas de déversement

Pour le moment, aucun plan d’intervention n’a été développé en concertation avec les acteurs locaux pour minimiser les impacts d’un déversement sur les mammifères marins. Le GREMM, qui coordonne le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, considère ne pas avoir les ressources nécessaires (personnel, équipement, savoir‐faire) pour intervenir en cas de déversement.

La valeur particulière du béluga du St-Laurent

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Le statut du béluga du St-Laurent

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Autres considérations

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Nos recommandations

Une étude d’impact sur les mammifères marins du Saint‐Laurent n’ayant pas été réalisée dans le cadre de ce projet, beaucoup de questions demeurent. Par contre, en se basant sur les informations présentées lors de la première partie de l’audience publique du BAPE et les informations recueillies dans la littérature, le GREMM considère que les risques liés à ce projet pour les bélugas et les autres mammifères marins du Saint‐Laurent sont trop élevés pour que ce projet soit acceptable.

Une étude d’impact sur les mammifères marins du Saint‐Laurent, en bonne et due forme, devrait être réalisée dans le cadre de l’évaluation de ce projet.

Pour consulter l’intégralité du mémoire.

Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM)

Le GREMM est un organisme à but non lucratif, fondé en 1985, qui se voue à l’éducation pour la conservation du milieu marin et à la recherche scientifique sur les baleines du Saint‐ Laurent. Il s’est donné pour mission de comprendre et faire apprécier ces géants et leur fragile environnement.

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