Édition du 29 octobre 2024

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Environnement

Mémoire déposé dans le cadre des audiences du BAPE sur le projet GNL Québec

Soumis par Normand Beaudet de l’équipe du Centre de ressources sur la non-violence Le Québec et ses régions n’ont plus de temps à perdre avec des projets du siècle dernier. Nous devons enclencher dès maintenant une transition économique, et utiliser notre hydroélectricité pour lutter contre les changements climatiques. Le projet d’usine de liquéfaction de gaz sur le Saguenay est inacceptable, voici les bases de notre analyse...

Des bureaux de vente, de promotion et de relations publiques.

Le projet GNL Québec, représenté par Énergie Saguenay ; ainsi que le projet Gazoduq sont des aberrations. Le véritable promoteur de ces projets est représenté par de simples bureaux de vente et services de relations publiques qui ne seront jamais redevables devant la population. Les audiences publiques du BAPE ne permettront jamais d’entendre les véritables promoteurs et bénéficiaires de ce vaste montage financier de 13 milliards de dollars. Le plus absurde ici est que notre société d’État, Hydro-Québec figure en tête de liste des partenaires financiers de cet immense projet d’exportation d’hydrocarbures. Le gouvernement accepte que l’hydroélectricité des québécois soit la « caution verte » du projet.

Absence du monopole canadien de transport du gaz TC Energie

Les investisseurs internationaux ne pourraient jamais investir de telles sommes s’ils n’avaient pas l’appui d’influentes entreprises « locales », crédibles et impliquées dans l’extraction et le transport du gaz de schiste au Canada. L’entreprise TC Energy, le monopole canadien du transport gazier est le principal bénéficiaire de ce projet, car le gazoduc sera connecté à son réseau qu’elle vise à désenclaver vers l’est. La société historiquement connue comme Transcanada Pipelines est le maître d’œuvre et l’opérateur des principales canalisations gazières depuis les années 1950 au Canada. Grâce aux travaux du Centre de recherche économique l’IRIS, on réalise que, dans cet étrange projet, les principaux intéressés TC Energie et ses partenaires se cachent. Les investisseurs locaux ne pourront pas être questionnés, terrés derrière des sociétés écran basées dans des abris fiscaux.

Notre hydroélectricité au service de la compétition, les gazières.

Le gouvernement a accepté qu’Hydro-Québec fournisse l’électricité à rabais à sa compétition, l’industrie gazière canadienne. Notre hydroélectricité sert de levier vert à un projet de gazoduc et d’usine de liquéfaction qui servira à désenclaver le réseau de transport, et de distribution ontarienne de TC Energie en vue d’exportations. Ce joueur majeur du secteur gazier en Amérique du Nord se nommait il y a peu de temps encore Trans Canada Pipelines, promoteur du défunt projet Énergie Est, un projet d’oléoduc rejeté massivement par les Québécois.e.s et les Premières Nations. L’acteur principal de transport gazier au Canada et son partenaire québécois la société Energir (anciennement Gaz Metro) le monopole de la distribution de gaz au Québec sont pourtant des compétiteurs directs de Hydro-Québec. Pourquoi l’hydroélectricité devrait-elle servir de levier pour accroître les volumes de vente du polluant gaz de schiste, et par le fait même accroître les marges de bénéfices de la compétition ? Ce sont ces sociétés qui devront ultimement rendre des comptes sur ces projets. Ce sont ces sociétés qui sont en mesure de répondre précisément à nos questions sur la pertinence et l’impact réel de cet important projet de développement gazier. Que ces sociétés ne soient pas présentes dans le cadre des audiences publiques du BAPE est scandaleux. Cette situation est ubuesque, et c’est peu dire.

Des emplois grâce aux fonds publics.

Énergie Saguenay, le service de relations publiques local de l’albertaine TC Energie parle de création d’emplois lorsqu’elle vend l’idée de construire un nouveau pipeline de 780 km connecté au réseau de gazoducs canadien. Cette prolongation du réseau de TransCanada ne créera que peu d’emplois une fois les infrastructures construites. On promet du boulot aux travailleurs de régions qui en ont bien besoin. Dans les régions où passera la canalisation qui traverse l’Abitibi pour aboutir au Saguenay, on parle au mieux d’une centaine d’emplois permanents, à long terme. Les pipelines et gaz naturel liquéfié sont des industries à fort niveau de capitalisation, à haut niveau d’automatisation, et à faible demande de travailleurs. Mais sans des centaines de millions, voir même des milliards en fonds publics, le projet qui se connectera à une usine de liquéfaction de gaz naturel en bordure du fjord n’est pas possible.

Hydro-Québec est un important client de Transcanada qui abuse scandaleusement de sa situation dans le dossier de la centrale au gaz de Bécancour. La société refuse de résilier le coûteux et inutile contrat de maintien de la centrale du parc industriel. Notre société d’État lui construit pourtant présentement la ligne de haute tension Micoua-Saguenay, dont l’essentiel de la puissance initiale sera consommé par l’usine de liquéfaction. Et, bien sûr, les contribuables québécois offrent déjà des tarifs avantageux à long terme aux promoteurs de projets énergivores. Ce sera le cas pour l’usine de liquéfaction GNL Québec. Bien entendu les véritables promoteurs déjà soutenus par la Caisse de dépôt s’attendent toujours à un appui financier des gouvernements. C’est sans compter le fait que du point de vue fédéral, le gaz et la société TC Energie sont le fer de lance de la politique énergétique nationale depuis des décennies. Tous ces avantages financiers visent ultimement à garder compétitif le prix du gaz de schiste en Amérique du Nord et sur les marchés mondiaux, ce qui est contraire à l’intérêt supérieur des hydro-québécois.

Les surplus énergétiques du Québec, pour nos régions.

Nous sommes les dindons de la farce ! Tous ces avantages financiers pourraient servir à éliminer les hydrocarbures du mix énergétique des régions du Québec. Le Québec ne produit pas d’hydrocarbures, la totalité est importée. Chaque unité d’hydrocarbure qui n’est plus brûlée par un Québécois, équivaut à une sortie de capitaux de moins dans notre balance commerciale. Les québécois n’ont donc aucun avantage à voir les fonds publics canalisés vers les investisseurs milliardaires étrangers, les promoteurs nationaux terrés dans des abris fiscaux et en bénéfices pour des sociétés multinationales d’hydrocarbures qui compétitionnent avec leur société d’État. Cette réalité va à l’encontre de nos intérêts.

En cette ère d’urgence climatique, les avenues de création de la richesse et d’emplois en utilisant comme levier notre hydroélectricité sont multiples : Investir les surplus énergétiques dans de vastes programmes d’acquisition et de partage d’une large gamme de véhicules électriques comme le propose la Fédération Canadienne des Municipalités ; offrir la tarification énergétique préférentielle aux MRC et municipalités, au prorata du volume de réduction de consommation de combustibles fossiles et de l’électrification de services ; Accélérer à vitesse « grand V » le développement de la production alimentaire de proximité en serres, afin de réduire le transport des aliments frais et périssables ; Multiplier les micro-réseaux électriques intelligents comme celui de Lac Mégantic, afin de gérer l’échange bi-directionnel des microproductions électriques, et ainsi accélérer la rentabilisation des installations éoliennes et solaires, ainsi que la production de boucles géothermiques communautaires ; Positionner le Québec au centre de la production, de la réutilisation et du recyclage des batteries performantes, en développant une technologie efficace de postes d’échange de batteries afin d’obtenir une instantanéité de recharge. Chacun de ces gestes réduira les importations d’hydrocarbures et améliorera la balance commerciale du Québec. Bref les seules limites à la création d’emplois alternatifs dans nos régions est notre imagination et notre capacité à mobiliser notre patrimoine hydroélectrique en vue d’une transition énergétique.

Un gouvernement qui endosse les manigances.

Même si on a affaire à un seul et même projet, le gouvernement du Québec a décidé de favoriser l’entreprise (TC Energie) qui se cache, et de faire deux évaluations environnementales distinctes. Pour répondre aux tactiques de manipulation du promoteur, une première audience a lieu pour l’usine de liquéfaction, et une seconde aura lieu pour le gazoduc, tout ça, aux frais des contribuables. Nous avons donc un seul bénéficiaire de deux projets complémentaires, sachant bien que l’un ne peut pas aller sans l’autre. Comment se fait-il que le gouvernement du Québec se conforme à ce stupide jeu de camouflage ?

L’économie de nos régions doit cesser d’être dépendante de méga-projets polluants. N’y a-t-il pas de plus grandes violences que celle de la destruction consciente de nos milieux de vie ? Nos étudiantes et étudiants qui se mobilisent présentement le savent et comprennent que chaque ressource collective dirigée en appui aux hydrocarbures fait reculer d’autant la réalisation d’une transition énergétique que nous savons toutes et tous inévitable. La prévention des violences commence par la protection de nos communautés et de leur environnement. Maintenant. 7,8 millions : le nombre de tonnes de gaz à effet de serre généré par le projet, qui suffirait à lui seul à saboter les efforts du Québec pour réduire substantiellement ses émissions. Ce chiffre monte à 50 millions de tonnes, si on calcule les GES produits lors de l’extraction du gaz et sa consommation.

17 : le nombre d’espèces menacées ou vulnérables touchées, dont le béluga du fleuve Saint Laurent, qui verrait son habitat naturel fragilisé par les 160 super méthaniers. Fracturation hydraulique : c’est le procédé destructeur et énergivore d’extraction utilisé pour pomper ce gaz du sol, une technologie qui contamine les cours d’eau, entraîne des fuites de méthane et a même été pointée du doigt comme source probable de tremblements de terre. Cette vision de la très grande entreprise industrielle milliardaire venant ici investir ses capitaux dans de très grands projets en utilisant comme levier le soutien public est un modèle économique du passé. Ce modèle à courte vue est dommageable au développement de nos régions. Lorsque l’opportunité économique s’estompe, les communautés restent avec les éléphants blancs que deviennent les installations et se trouvent aux prises avec le défi du nettoyage des sites saccagés.

Rendre les régions dépendantes d’un chantage continu de grandes entreprises qui soutirent le soutien de l’État sous peine de mises à pied, n’est plus une voie économique viable. Le développement économique de l’avenir reposera non pas sur la dépendance envers de méga projets industriels, mais sur l’accroissement de l’autonomie de nos régions. Pour les générations futures, nous devons orienter nos ressources vers ce virage maintenant.

Normand Beaudet

Centre de ressources sur la non-violence
www.nonviolence.ca
Mémoire déposé dans le cadre des audiences du BAPE sur le projet GNL Québec

Normand Beaudet

L’auteur est fondateur du Centre de ressources sur la non-violence et
propriétaire d’une entreprise de consultation en informatique.

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