Ralentir la transition
En soutenant que le gaz est une énergie de transition, le gouvernement et les groupes intéressés pratiquent un déni de la science en s’appuyant sur des « faits alternatifs ». Il existe un consensus scientifique sur le fait que le gaz n’a aucun rôle à jouer dans les scénarios de transition énergétique [1].
Le gouvernement de Philippe Couillard s’est engagé à réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre du Québec d’ici à 2020, de 37,5 % d’ici 2030, et de 80 à 95 % d’ici 2050. Mais il est encore bien loin d’atteindre ces objectifs. Les bilans officiels montrent que, en dépit d’investissements de près de 4 milliards de fonds publics prévus d’ici à 2020, le Québec ne parviendrait qu’à stabiliser ses émissions [2]. Les analystes notent une incohérence dans l’attribution des fonds destinés à la transition. Par exemple, au cours des dernières années le gouvernement a attribué 45 millions de dollars provenant du Fonds vert – le fonds dédié à la transition énergétique – à Énergir (Gaz Métro) pour prolonger son réseau de distribution de gaz naturel dans plusieurs régions du Québec, alors que plus de 98 % du gaz naturel disponible au Québec est d’origine fossile, non renouvelable, et qu’il est majoritairement issu du schiste par fracturation [3].
Depuis 2011, le gouvernement distribue chaque année plus de 300 millions en soutien à la consommation et au développement des énergies fossiles [4]. Il utilise également le Fonds vert pour subventionner la conversion au gaz naturel des véhicules lourds et l’établissement d’un réseau de distribution de gaz pour alimenter les camions. Or il a été démontré que les véhicules lourds dotés de moteurs à injection (ce qui est le cas chez nous) qui roulent au gaz naturel liquéfié émettent 4 % plus de GES que les moteurs au diésel [5]. L’aventure gazière américaine a démontré que l’essor de cette industrie n’a en rien contribué à favoriser la transition souhaitée vers les énergies renouvelables, ni amélioré le bilan des émissions de gaz à effet de serre [6]- [7]. Au contraire, l’explosion des émissions de méthane liées à l’exploitation des gisements de gaz et de pétrole non conventionnels constitue maintenant un défi supplémentaire dans la lutte pour contrer le réchauffement de la planète [8].
Ce n’est pas en augmentant l’offre d’énergie fossile que l’on favorise la transition. Les ressources financières englouties dans le secteur des hydrocarbures annulent l’efficacité de la taxe sur le carbone et sont un gaspillage des fonds destinés à nous affranchir du pétrole et du gaz [9]. Pourtant d’autres avenues sont possibles, et elles sont nombreuses : réduction de la consommation énergétique, efficacité énergétique, géothermie, transport durable, hydroélectricité, collaboration entre les provinces pour développer l’interconnexion des réseaux et la distribution d’électricité à long terme dans l’est du Canada, développement et intégration à grande échelle des énergies renouvelables dans tout l’est du Canada [10]... De tels investissements permettraient d’assurer la reconversion des travailleurs et travailleuses du secteur des hydrocarbures vers des emplois plus durables, sains et sécuritaires.
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