Édition du 17 décembre 2024

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Espagne

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Madrid, 29 septembre 2012 : déclaration lue sur la Plaza Neptuno

En une semaine, trois vastes manifestations contre la politique du gouvernement ont marqué la capitale de l’Etat espagnol. La répression brutale exercée contre celles et ceux qui, le mardi 25 septembre 2012, ont voulu encercler le Congrès des députés a suscité l’indignation.

Le quotidien El Pais (30 septembre 2012) écrit à ce propos : « Les manifestant·e·s [le 29 septembre] exprimaient l’indignation face au comportement de la police, comme face aux déclarations du gouvernement qui affirma que cette intervention policière avait été “extraordinaire”, ”splendide”, “brillante” et “exemplaire”. » De plus, Mariano Rajoy eut l’outrecuidance, depuis New York, de saluer « l’immense majorité » de ceux qui ne manifestent pas, qui ne regardent pas le téléjournal, qui ignorent les unes de la presse, qui travaillent « pour atteindre cet objectif national qui nous est propre à tous, celui de sortir de cette crise ». La manifestation du 29 septembre concrétisa la riposte populaire face aux affirmations de Rajoy et à sa politique d’austérité qui partage la brutalité des forces policières.

Les premières indications ayant trait au budget 2013 indiquent que les retraité·e·s, les veuves, les orphelins risquent de voir le « pouvoir d’achat » de leurs allocations encore réduit.

Sauver les banques a coûté et coûte cher. Ainsi, le gouvernement a révisé pour la quatrième fois les estimations des déficits publics pour 2011 et pour la cinquième fois celles concernant 2012 ! Ainsi, en 2011, l’objectif était un déficit équivalant à 6% du PIB. Au cours des quatre révisions, le déficit a été estimé à 8% du PIB, puis à 8,5%, puis à 8,9%, puis à 9,4%, cela en date du 29 septembre ! Il en a été de même pour les déficits publics de 2012 : de 5,8% à 7,4%… et ce n’est pas terminé. Le « sauvetage des banques » opère comme une véritable prise d’otage de la société et des mécanismes démocratiques bourgeois les plus élémentaires. La population commence à la refuser. La déclaration publiée ci-dessous entre en syntonie avec une opposition englobant des secteurs sociaux de plus en plus larges dont le refus devient actif. (Rédaction A l’Encontre)

Le 25 septembre 2015 nous avons appelé à encercler le Congrès des députés [à Madrid] pour affranchir la souveraineté populaire de la séquestration réalisée par Troïka [UE, BCE, FMI] et par les marchés financiers. Une occupation opérée avec le consentement et la collaboration de la plupart des partis politiques. Malgré les menaces constantes, les manipulations médiatiques et l’intense campagne pour répandre la peur dans la population, des dizaines de milliers de personnes sont venues au rendez-vous. Et nous avons dit à haute et intelligible voix que nous n’avons pas peur, que nous sommes ensemble sur cette question et que nous n’allons pas nous arrêter jusqu’à ce qu’ils démissionnent et soit engagé un processus constituant.

Le gouvernement nous a répondu avec des coups, des provocations avec des infiltrés, des détentions et de la violence aveugle, des blessés et un déploiement policier absolument inédit. Et pourtant… il a perdu. Les images de la répression ont fait le tour du monde. La visite du président du gouvernement Mariano Rajoy à l’ONU [24 septembre 2012] a été complètement ternie par la capacité d’organisation et de communication dont nous avons fait preuve. Le débat sur la légitimité de l’action du 25 septembre est ouvert. Aujourd’hui l’ensemble de la société espagnole en parle, en débat, donne ses opinions et prend position. Nous avons initié un grand dialogue, et c’est là la voie que nus voulons suivre.

Même si le gouvernement et les médias essayent de déformer nos revendications pour en faire un problème d’ordre public, le fait de sortir dans la rue pour revendiquer des droits c’est faire de la politique, manifester c’est faire de la politique, prendre la parole c’est faire de la politique.

Nous sommes en train d’apprendre. Aujourd’hui 29 septembre, les rues se sont à nouveau remplies de milliers de personnes qui disent basta et qui tirent sur le frein d’une réalité qui devient de plus en plus insupportable. D’ailleurs, nous sortons aussi aujourd’hui pour accompagner – et nous sentir accompagnés par – nos frères et sœurs portugais, grecs et italiens qui entourent eux aussi leur propre parlement. Les « cochons » [PIGS] ce sont eux [acronyme pour Portugal, Italie, Grèce, Espagne qui signifie porcs en anglais]. Nous sommes le sud de l’Europe ; et sans le sud de l’Europe, il n’y a pas d’Europe possible.

Nous continuons à encercler le Congrès parce que nous voulons faire un bond dans la mobilisation sociale et mettre au centre la reconquête de la souveraineté populaire et du pouvoir citoyen, c’est-à-dire la démocratie. Au cours de cette année et demie nous avons appris à intégrer, à penser et à agir collectivement, forgeant des alliances imprévisibles : des marées de toutes les couleurs ont inondé la ville ; des habitants empêchant les expulsions, les fonctionnaires bloquant les rues… Nous avons appris à déchiffrer des concepts économiques et légaux complexes, à nous protéger et à protéger les autres, à mieux communiquer, à gérer des espaces de participation et de débat dans les réseaux, les places et les centres de travail ; nous avons appris à rire de la stupide violence du pouvoir devant lequel, de plus en plus, nous résistons au lieu de nous enfuir. Nous avons réussi à élargir les méthodes des vieilles formes de lutte et nous avons mené à bien des initiatives que nous voulons continuer à développer, depuis en bas, sans raccourcis, pas à pas.

Car nous pensons que le temps des décisions prises par quelques-uns est terminé ; parce que, face à ceux qui veulent nous laisser sans avenir, nous avons les moyens et l’intelligence collective pour décider et de construire la société que nous voulons ; parce que nous n’avons pas besoin de faux intermédiaires, mais plutôt de ressources et d’outils collectifs qui encouragent activement la participation politique de tous dans les affaires qui concernent tout le monde.

Nous continuons à encercler le Congrès pour dire NON à ceux qui sont aux commandes ; pour dire que nous désobéirons à leurs injonctions injustes, comme celle de payer leur dette pour dire que nous allons défendre nos droits collectifs : le logement, l’éducation, la santé, l’emploi, la participation démocratique, les salaires. Pour commencer un processus qui permettra que les responsables de la crise ne bénéficient plus de l’impunité, pour que les pyromanes qui ont provoqué cette crise ne soient pas récompensés et qu’ils commencent au contraire à être jugés.

Ni le gouvernement de Zapatero [PSOE, 2004-2011], ni celui der Rajoy ne nous ont écoutés. Les deux ont trahi leurs propres électeurs en appliquant des mesures qu’ils avaient promis de jamais les appliquer. Ils n’obéissent pas aux citoyens, ils n’ont ni le courage, ni l’intérêt de le faire. Le gouvernement Rajoy ne nous sert donc à rien, et nous exigeons sa démission.

Aujourd’hui ont été présentés les budgets généraux de l’Etat pour l’année à venir. Ces budgets sont le résultat d’une réforme de la Constitution qui a été faite par le PSOE et le PP sans que les citoyens n’aient pu se prononcer à ce sujet. Ces budgets consacrent beaucoup plus d’argent au paiement d’une dette illégitime qu’aux besoins sociaux qui pourraient articuler une sortie collective de la crise. Ces budgets sont une honte pour la souveraineté nationale, pour la démocratie. C’est la raison pour laquelle nous devons les bloquer.

Nous voulons appeler à une nouvelle mobilisation lorsque les budgets seront discutés au Parlement. Nous voulons à nouveau être présents à ce moment-là pour leur dire NON, pour leur dire qu’on ne peut plus gouverner sans demander notre avis.

Nous exigeons également que cesse la criminalisation, qu’on rende la liberté à la personne qui est encore détenue et que l’on retire toutes les charges retenues contre les autres camarades qui ont été battus et maltraités en vertu d’un acharnement qui est intolérable dans un Etat de droit. Nous exigeons l’ouverture d’une enquête sur les agissements de la police le 25 septembre.

Ces jours passés nous avons vu que si nous nous organisons, si nous communiquons entre nous, si nous utilisons nos réseaux, nous pouvons inspirer la confiance, le calme et l’intelligence collective. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de participer à la Coordination du 25 septembre, non seulement à Madrid, mais partout ; que vous organisiez vos propres anneaux de cette chaîne, que vous vous appropriiez les appels… Ils sont en train de nous enlever le peu que nous avions à défendre. Il nous reste tout à construire.

Nous n’avons pas peur.

Nous allons entourer les budgets de la honte

Qu’ils partent.

Oui, nous pouvons

(Traduction par A l’Encontre)

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