Tiré du blogue de l’auteur.
Il y a des dates et des mobilisations citoyennes qui marquent une génération. La grève scolaire mondiale pour le climat du vendredi 15 mars en est une. Les chiffres frappent les esprits : plus d’un million de jeunes mobilisés aux quatre coins de la planète, dont 160 000 en France, font de cette journée la plus grande mobilisation internationale pour le climat jamais organisée. Qu’au lendemain de cette journée historique, 350 000 manifestant.e.s aient à nouveau manifesté dans 220 villes du pays pour un « printemps climatique et social » indiquent qu’un mouvement citoyen d’ampleur est en train de s’enraciner dans la durée et sur tout le territoire.
Un saut quantitatif – les manifestations climat de l’automne avaient regroupé environ 150 000 personnes – qui s’accompagne également d’un saut qualitatif notable : au fil des manifestations et de l’absence de réponse des pouvoirs publics, les discours se font à la fois plus précis et plus exigeants. Aux revendications en matière d’urgence climatique se mêlent désormais des revendications rodées et largement partagées en matière de justice sociale et fiscale. Ainsi qu’un discours plus affirmé sur le rejet du racisme, des violences policières et de la nécessaire démocratisation de nos institutions et pratiques politiques. De quoi permettre une alliance durable et féconde entre gilets jaunes, mouvement climat et marche des solidarités ?
Make Our BlaBla Great Again
Depuis cet automne, Emmanuel Macron et son gouvernement cherchent à amadouer ces nouveaux manifestants pour le climat, en court-circuitant les ONG et associations mobilisées depuis des années. Emmanuel Macron n’est-il pas celui qui s’est opposé à Donald Trump lorsqu’il décida de retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris ? L’Elysée et les ministres du gouvernement, comme Brune Poirson, agitent le slogan « MakeOurPlanetGreatAgain » dès qu’ils sont mis en cause, espérant sans doute qu’il leur serve de de totem d’immunité.
Profitant des sommets internationaux, Emmanuel Macron n’hésite d’ailleurs pas à multiplier les discours offensifs pour dénoncer le capitalisme financier ou la prédation des ressources. Il est temps de « transformer l’économie de marché contemporaine mondiale pour qu’elle intègre les critères environnementaux et durables » vient-il d’ailleurs d’affirmer depuis le sommet sur l’environnement de Nairobi. Une tactique désormais utilisée par certains de ses ministres, de Bruno Le Maire à Brune Poirson,
Des petites phrases qui ne semblent pas marquer l’opinion. Sans doute parce qu’elles sonnent faux au regard des politiques productivistes et inégalitaires menées par l’exécutif : Emmanuel Macron n’a-t-il pas signé des accords de commerce qui ne sont pas climato-compatibles ? Ne déroule-t-il pas le tapis rouge au monde de la finance ? Sa majorité à l’assemblée ne vient-elle pas coup sur coup de rejeter une proposition de loi visant à interdire que l’épargne populaire continue de financer les énergies fossiles, et repousser à 2025 l’interdiction de la production de certains pesticides ?
L’exécutif cherche à minorer sa responsabilité
Mis à l’index pour ses contradictions et son inaction climatique, l’exécutif semble désormais plus nerveux et moins sûr de lui. Dans sa réponse, indigeste, à la pétition de l’Affaire du siècle, François de Rugy tente ainsi de diluer la responsabilité du gouvernement en affirmant que le défi du réchauffement climatique ne pourra être relevé « que grâce aux décisions individuelles de chacun ». Un axe de défense qu’Emmanuel Macron mobilise également : « la solution au réchauffement climatique, c’est d’abord chacune et chacun d’entre nous » a-t-il déclaré à Gréoux-les-Bains le 7 mars dernier, avant d’affirmer depuis Nairobi, qu’en matière de réchauffement climatique, « ce n’est pas le peuple contre le gouvernement – il faut arrêter ces bêtises – c’est nous tous ».
Compte-tenu des slogans et de la détermination affichées lors de la grève scolaire du 15 mars et lors de la manifestation du 16 mars, il paraît peu probable de voir Emmanuel Macron et son gouvernement convaincre ainsi l’opinion. Pourtant, si l’on en croit les bruits qui nous parviennent de l’Elysée et du ministère de la transition écologique, il semblerait que l’exécutif n’ait aucune intention de faire des annonces rapides pour donner plus d’ambition à sa politique climatique.
Emmanuel Macron et son gouvernement vont-ils donc se contenter de dire aux centaines de milliers de personnes mobilisées qu’elles n’obtiendront rien ? Pensent-ils que la nouvelle mouture attendue du (petit) projet de loi « Energie » que François de Rugy doit prochainement présenter en Conseil des ministres suffira à calmer cette mobilisation historique ? Vont-ils se limiter à vouloir remettre sur le tapis une taxe carbone pourtant à l’origine du mouvement des gilets jaunes et alors que des propositions alternatives existent pour réduire les émissions et financer la transition (taxer les plus gros pollueurs) ?
Finalement, Emmanuel Macron et son gouvernement vont-ils rester sourds à cette puissante lame de fond qui parcourt une partie significative de la société ?
Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, Anthropocène, 2015.
PS : pour info, les 14 propositions de Attac France, pour nourrir le débat et nos revendications collectives.
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