photo et article tirés de NPA 9
Un tournant dans l’histoire des luttes politiques
Si le soulèvement n’est pas seulement causé par cette taxe WhatsApp, les nouvelles taxes (sur lesquelles le gouvernement a déjà reculé) on été perçues par la grande majorité des LibanaisEs comme une expression grossière de son mépris pour les difficultés du peuple et de sa priorité accordée à la protection de la classe dirigeante aux dépens de la majorité de la population.
Des manifestations massives, qui n’étaient pas complètement inattendues, se sont développées dans tout le pays.
Et alors que le Liban a connu dans la période récente d’autres « explosions de rue » contre la classe dirigeante (comme en 2015), la « Révolution d’octobre » libanaise de 2019 marque un tournant dans l’histoire des luttes politiques dans la période post-guerre civile.
Après près de trois décennies de politiques néolibérales qui ont approfondi les inégalités entre les classes, les gens sont descendus dans la rue pour, cette fois, clairement dénoncer la classe dirigeante, gardienne du néolibéralisme (et de ses propres intérêts de classe), dépassant les clivages communautaires/religieux qui sont d’habitude un excellent moyen, pour les dirigeants, de diviser la contestation.
Cette fois, la révolution commencé avec les classes les plus pauvres, chômeurEs et personnes sous-employées – qui sont la colonne vertébrale et la base électorale des partis communautai-res / religieux hégémoniques au travers de complexes réseaux de clientèle –, qui se sont tournées contre leurs « patrons ».
Profondes transformations sociales
Des milliers de motards se sont mobilisés jeudi soir, juste après la décision gouvernementale d’imposer de nouvelles taxes, bloquant les routes avec des feux de pneus et paralysant la capitale Beyrouth.
Des barrages routiers ont rapidement été établis dans d’autres régions, et les gens ont commen-cé à se rassembler sur les places et dans les rues du pays, dans une démonstration de colère qui ciblait clairement tous les dirigeants – sans exception, une première.
Les mobilisations initiales, qui ont pris la forme d’émeutes, ont rapidement attiré des centaines de milliers de personnes – probablement pour la plus grande surprise de certains.
Alors que les manifestations de 2015 étaient menées par des groupes de la société civile repré-sentant principalement les classes moyennes, avec un rejet de toute forme d’émeute ou de désobéissance civile au nom de la protection des manifestations contre les « infiltrés », les récentes mobilisations ont débuté avec ceux qui sont en général – et dans la plupart des cas à tort – considérés comme les « infiltrés ».
Ce ne sont pas seulement les modalités de la contestation qui sont différentes, mais aussi l’étendue du mouvement, qui est beaucoup plus importante que par le passé, avec de grosses manifestations dans des régions comme la Bekaa, Tripoli, Nabatiyeh, Tyr et Zouk.
Les slogans sont en outre très différents, avec principalement des injures contre les politiciens. L’écho de ces slogans « osés » parmi celles et ceux qui se mobilisent sur les places, qui les auraient rejetés et dénoncés il y a encore quelques années, révèle un très haut degré de colère, qui pourrait constituer un défi à la fois à l’autorité et à la morale – y compris chez les classes moyennes.
Ces différences ne sont pas des détails. Elles reflètent de profondes transformations sociales qui s’expriment dans la radicalité du mouvement. Les mobilisations de ces derniers jours sont le lieu de l’émergence d’une nouvelle alliance de classe entre les chômeurEs, les personnes sous-employées, les salariéEs et les classes moyennes, contre l’oligarchie au pouvoir. C’est une avancée considérable.
Publié en anglais sur opendemocracy, traduit par J.S.
Julien Salingue 25/10/2019
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