Dans sa lettre, le chef Picard souligne que les droits des Premières Nations n’ont encore jamais été pleinement reconnus par le gouvernement provincial. Déplorant que « jusqu’à maintenant, il a été trop facile pour les gouvernements qui se sont succédé à Québec de faire la sourde oreille ou de regarder ailleurs », Ghislain Picard prévient que « le gouvernement de la province de Québec ne peut plus se cacher derrière le gouvernement fédéral pour échapper à ses obligations envers les Premières Nations ».
La lettre soulève aussi cinq « exigences fondamentales » auxquelles le chef Picard demande des « engagements concrets ». Ces exigences sont :
Le droit à la sécurité pour la population des Premières Nations
Un cadre permettant le respect intégral des titres et droits ancestraux et issus de traités
Des actions pour la réconciliation avec les Premières Nations
Le développement d’une l’économie par et pour les Premières Nations
Des services aux Premières Nations respectueux de leurs cultures et mode de vie
« Bien qu’il y ait eu des progrès au cours des dernières années, nous sommes encore loin d’une relation politique respectant les principes d’une relation de gouvernement à gouvernement. Le prochain gouvernement du Québec devra donc, non seulement adhérer pleinement à la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, mais aussi reconnaître et respecter que nous formons des gouvernements, avec tous les attributs que cela signifie », explique le chef Ghislain Picard.
« Et, comme le disait René Lévesque : une population dont le territoire est planifié par d’autres, aménagé par d’autres, géré par d’autres, exproprié par d’autres et au profit des autres, est réduite à l’insignifiance », de conclure le chef Picard.
La lettre de l’APNQL aux chefs des partis politiques du Québec est disponible à l’adresse suivante : www.apnql.com.
Copie de la lettre du chef de l’Assemblée des Premières nations au Québec et au Labrador (APNQL), Ghislain Picard, transmise le 9 septembre 2018 aux chefs des partis politiques en campagne électorale au Québec, intitulée « Vous ne pouvez plus contourner les Premières nations ».
Madame, Monsieur,
La formation politique que vous dirigez souhaite former le prochain gouvernement de la province de Québec.
Je tiens à être très clair : la relation politique de gouvernement à gouvernement entre les Premières Nations et la province de Québec est totalement à revoir. Si vous êtes élu-e à la tête du Québec, vous devrez accepter de relever ce défi avec nous dès le début de votre mandat. En effet, dans les cent jours suivant sa formation, l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) convoquera le prochain gouvernement provincial à une rencontre formelle avec son Assemblée de chefs.
Le but de ma lettre aujourd’hui, alors que la campagne électorale est bien amorcée, est de vous indiquer quelles sont les engagements concrets attendus du prochain gouvernement provincial et de la prochaine Assemblée nationale.
Pour les Premières Nations, qui habitent depuis toujours ce territoire jamais cédé et qui est au cœur de notre identité, nos revendications ne sont pas nouvelles. Nous les mettons de l’avant depuis toujours, peut-être trop discrètement, peut-être trop poliment. Jusqu’à maintenant, il a été trop facile pour les gouvernements qui se sont succédé à Québec de faire la sourde oreille ou de regarder ailleurs.
Au nom des Premières Nations, dans nos communautés comme en milieu urbain, au nom de nos jeunes qui ont des projets d’avenir mais qui sont trop souvent exclus du développement, au nom des femmes et des aînés qui vivent dans l’insécurité, au nom de nos citoyens plus vulnérables, l’APNQL a l’obligation de ne plus se contenter de réponses évasives et d’exiger de vous des engagements concrets.
Le gouvernement de la province de Québec ne peut plus se cacher derrière le gouvernement fédéral pour échapper à ses obligations envers les Premières Nations. Une véritable réconciliation ne pourra se faire sans l’implication concrète des provinces et sans la reconnaissance de nos titres et droits ancestraux et issus de traités, particulièrement en matière d’accès au territoire et aux ressources.
Dès le début de votre mandat, les chefs de l’APNQL vous inviteront à discuter d’exigences fondamentales dont, entre autres :
Le droit à la sécurité pour la population des Premières Nations
Que la sécurité publique devienne une priorité et que les services policiers des Premières Nations soient reconnus comme un service essentiel et soient soutenus à la hauteur des besoins spécifiques des Premières Nations. Nous insisterons particulièrement sur ces principes dans le contexte de la légalisation du cannabis. Nous nous attendons à un engagement qui permettra aux communautés qui en font la demande de créer leur propre service de police, plutôt que de devoir recourir aux services de la Sûreté du Québec.
Un cadre permettant le respect intégral de nos titres et droits ancestraux et issus de traités
À court terme, les Premières Nations veulent que l’Assemblée nationale adopte un projet de loi qui inscrive la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) en tant que guide de toutes les mesures gouvernementales provinciales touchant les Premières Nations. L’APNQL attend du prochain gouvernement qu’il invite les Premières Nations à contribuer à la rédaction du projet de loi.
La réconciliation avec les Premières Nations exige des actions
Les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation requièrent la responsabilité de tous les gouvernements. Votre parti politique doit répondre aux appels de la Commission de vérité et réconciliation. Le gouvernement du Québec doit exercer un rôle de premier plan pour assurer les conditions gagnantes pour une coexistence harmonieuse entre les membres des Premières Nations et la société québécoise. Ce seul chantier demande un courage politique trop souvent, absent. Ce ne sera pas facile, parce qu’il faudra oser parler de discrimination et de racisme. Il faudra identifier ensemble des solutions.
Le développement d’une économie par et pour les Premières Nations
L’APNQL exigera un engagement ferme et concret de votre formation politique envers la participation significative des Premières Nations au développement de leur économie, du territoire et des précieuses ressources qu’il recèle, en déterminant des conditions de partenariat appropriées. La mise à niveau nécessaire sur les plans social et économique pour nos nations ne sera assurée qu’avec la pleine et entière participation de celles-ci. L’APNQL n’a pas la prétention de se substituer aux processus bilatéraux existants entre le gouvernement québécois et certaines Premières Nations, mais croit fondamentalement que les conditions avancées par le Québec sont insuffisantes.
Les services aux Premières Nations respectueux de leurs cultures et de leur mode de vie
En tant que formation politique qui aspire à former le gouvernement, votre parti devra s’engager à donner toute l’attention nécessaire au rapport que produira la Commission Viens, que le gouvernement actuel s’est finalement décidé à mettre sur pied après des mois d’efforts constants de la part de nos organisations représentatives. La Commission doit déposer un rapport à la fin de ses travaux et on peut espérer qu’il contienne des propositions concrètes pour améliorer les relations entre les Autochtones et les institutions québécoises. Il ne faudra surtout pas fermer les yeux sur les événements qui sont à l’origine des travaux de la Commission. Les services policiers chargés d’assurer la sécurité incluant celle de nos membres, sont en cause. Nous prendrons tous les moyens nécessaires pour que ce droit fondamental à la sécurité leur soit garanti.
Vos réponses à ces attentes légitimes pourraient constituer une base suffisante pour une nouvelle relation politique qui reconnaîtra et respectera la responsabilité de nos gouvernements envers leurs membres, où qu’ils soient.
Les Premières Nations sont en attente d’engagements clairs leur permettant enfin de réaliser leurs aspirations. Dans la Paix et l’Amitié,
Ghislain Picard, Chef de l’APNQL
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