Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Les propositions péquistes : changeons la politique pour que rien ne change !

La réponse du Parti québécois à la crise de la légitimité politique et aux rejets des élites politiciennes est tout simplement pitoyable. Dans le document préparé pour son prochain Conseil national, qui se tiendra à la fin janvier 2012, il présente 13 propositions. Il est intitulé Changeons la politique... Mais les auteur-e-s auraient pu ajouter à ce titre trompeur, les mots suivants : ... pour que rien de change. Cela aurait permis d’éclairer le sens de ce qu’il faut bien décrire comme une triste manoeuvre.

Une opération de récupération

Le document constate que les Québécois-e-s sont devenus critiques face à leurs institutions. Trouvera-t-on dans la publication du Parti québécois une analyse de cette situation ? Trouverons-nous une identification des causes du discrédit qui frappe la classe politique ? La vaste majorité de la population ne fait-elle pas l’expérience des discours creux, des promesses trompeuses des périodes électorales, suivies de politiques qui servent d’abord et avant tout les intérêts de l’oligarchie régnante ? La population du Québec n’a-t-elle pas fait l’expérience de la concentration du pouvoir dans les mains de quelques-uns et particulièrement du premier ministre qui s’est moqué durant de longs mois de la volonté de la population qui souhaitait que la lumière soit faite sur les scandales de corruption qui se multipliaient aux différents niveaux de l’appareil gouvernemental. Des secteurs importants de la population du Québec ont dû se mobiliser pour protéger leur patrimoine face à des gazières qui se croyaient tout permis et qui recevaient la protection de l’équipe gouvernementale et plus spécialement du premier ministre du Québec. La population du Québec a vécu le refus systématique des gouvernements qui se sont succédé de réformer le mode de scrutin, pour que la diversité des opinions et des orientations présentes dans la société québécoise puissent trouver une expression politique véritable.

Ne faudrait-il pas changer ces institutions ? Ne faudrait-il pas les démocratiser pour donner plus de pouvoir aux citoyennes et aux citoyens du Québec ? Ne faudrait-il pas remettre en question la concentration du pouvoir dans les mains d’une élite très restreinte ? L’objectif du Parti québécois est beaucoup plus modeste. Il ne s’agit pas d’opérer une transformation réellement démocratique des institutions. Il ne s’agit surtout pas d’impliquer la majorité de la population dans la transformation des institutions politiques. Il s’agit d’abord et avant tout de "redonner confiance aux Québécois en leurs institutions démocratiques. " Il faut changer la manière de faire de la politique.

Changeons, mais pas trop, la politique

Le document « Changeons la politique » présente quelques questions et des propositions autour de trois thèmes : a) gouverner en toute transparence, b) réformer le régime politique et c) la participation électorale.

Comment parler de transparence, sans parler de la concentration des médias et de la convergence des réseaux qui modifient la diffusion de l’information ? On nous invite à y réfléchir. Mais aucune proposition n’aborde le problème majeur de la concentration de la presse au Québec dans les mains de deux grands trusts, Québécor et Gesca, et toutes les manipulations antidémocratiques que permet cette concentration. On nous propose de rendre les informations gouvernementales accessibles sur Internet, de présenter un portrait clair des finances publiques six mois avant des élections, de systématiser les assemblées publiques dans les circonscriptions et de donner à l’Assemblée nationale le pouvoir non de nommer, mais d’interpeller, avant la confirmation de leur nomination, toute personne désignée par le conseil des ministres, comme des sous-ministres, des dirigeants de sociétés d’État ou de délégué général. Avec une telle proposition les député-e-s seront invités à donner leur avis, mais l’essentiel du pouvoir restera concentré dans les mains du premier ministre.

On nous propose bien de modifier la Loi sur la consultation populaire, afin d’y ajouter la possibilité de déclencher des référendums nationaux d’initiative populaire. Et, il faut sans doute saluer une telle ouverture. Mais, ici comme ailleurs, le diable est dans les détails. Et les conditions de leur exercice et la réalité de leur pouvoir ne sont pas définies. Le caractère approximatif du propos laisse tout l’arbitraire possible à un futur gouvernement. Il en est de même des propositions floues sur la décentralisation.

De nouveau, le rejet du scrutin proportionnel

Le document péquiste propose de baisser l’âge légal des électeurs à 16 ans. Fort bien. Il propose même le vote par anticipation des jeunes sur leur lieu d’étude. Que cela facilite la participation électorale, on ne pourrait que s’en féliciter. Mais, pour ce qui est de l’enjeu réel important à ce niveau, qui a donné lieu à d’importantes consultations populaires qui ont permis de dégager de larges consensus ? Et bien là, on ferme la porte à toute réforme véritable. Pas question de proposer un mode de scrutin proportionnel ou mixte. Par question de permettre la reconnaissance de tous les votes. Pas question de permettre l’expression de la diversité des opinions politiques et que ces dernières puissent trouver une expression sur le terrain parlementaire. L’important c’est de défendre, c’est de dégager des majorités stables et de faire taire et de marginaliser des courants politiques qui pourraient se développer comme des alternatives de transformation sociale. C’est pourquoi le PQ se propose d’étudier la mise en place d’un système électoral uninominal à deux tours.

Non seulement le document refuse de s’ouvrir à une démocratie plus saine au niveau du mode de scrutin, mais toutes les réformes envisagées se feraient sans impliquer le peuple québécois. Le gouvernement et des commissions restreintes sont les seuls invités à l’exercice de redéfinition des institutions politiques. L’idée d’une constituante élue semble, ici étrangère à la culture péquiste, alors que l’élection et la tenue d’une telle constituante pourraient être un moment essentiel de la redéfinition des institutions d’une véritable démocratie citoyenne.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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