photo et article tirés de NPA 29
Le moyen de transport le plus polluant de la planète
Le présent est la vitesse, l’immédiateté. S’il y a un élément qui résume la vitesse, c’est l’avion. Avec leurs ailes en acier et leurs moteurs puissants, ils raccourcissent brusquement les distances.
Un voyage en avion de Berlin à Madrid est, en temps, l’équivalent d’un voyage en voiture de la capitale à Mérida. La vitesse de l’aviation est sans aucun doute une qualité attractive qui con-tribue à cette conception du monde globalisé. Sans surprise, le secteur établit sa domination et sa croissance économique sur des privilèges que certaines ONG commencent à dénoncer.
C’est le cas de Stay Grounded (SG « Restez au Sol »), une plateforme composée de plus d’une centaine d’organisations sociales qui réclament une diminution de l’aérien. En d’autres termes, « arrêtez de voler » comme colonne vertébrale de la lutte environnementale. Cette prémisse repose non pas tant sur l’élimination du transport aérien que sur la réduction du nombre de vols qui parcourent le ciel du monde chaque jour.
Mais pourquoi voulez-vous limiter ce moyen de transport qui facilite les déplacements ? Pour la pollution.
L’industrie aéronautique – le moyen de transport le plus polluant, est à l’origine de 2% des émissions totales de CO2, selon les données d’un rapport de SG publié par « Ecologistes en action ».
Chaque passager voyageant sur un vol Paris à New York a la même empreinte CO2 qu’un citoyen européen pour garder sa maison au chaud toute une année, selon les données de la Commission européenne . Une réalité qui repose sur une série de privilèges économiques inscrits dans le rapport « Aviation Decrease : la réduction du transport aérien de manière équitable ».
L’aviation bénéficie, dans la majeure partie de la planète, d’exonérations fiscales promues par un accord international, la Convention de Chicago, approuvée en 1944 et qui visait à faciliter l’expansion du secteur à une époque de l’histoire où toutes les pratiques économiques commençaient à être industrialisée. Parmi les accords de ce traité, l’interdiction des taxes sur les carburants et autres formes de taxes.
Ainsi, la centaine de plateformes environnementales qui intègrent Stay Grounded, dénoncent que ce traité génère des privilèges qui ont permis au secteur de croître de façon exponentielle ces dernières décennies, car la rareté des mesures fiscales permet de réduire le prix des billets et augmenter le nombre de vols quotidiens.
Transport & Environment rapporte dans une publication récente que la pollution par le dioxyde de carbone associée à la combustion de carburant d’avion a augmenté de plus de 26% au cours des cinq dernières années.
Selon le rapport Stay Grounded, l’introduction d’une taxe sur le kérosène – le principal carburant des avions – d’une valeur de 0,33 euro par litre générerait une collecte annuelle de 17 000 millions d’euros et réduirait les émissions de CO2 de 11 % par an. Dans le cas où une TVA de 19% serait appliquée, la collecte européenne serait de 30 milliards par an et les émissions seraient réduites, de 18%, car cela affecterait le prix du billet et réduirait le nombre de ventes et de voyages.
Cette réalité abordée par la plateforme environnementale n’est pas du fanatisme antiaérien. Ce journal a rendu compte d’un document caché de la Commission Européenne dans lequel il concluait que l’instauration de taxes sur l’aviation réduirait les émissions de 11%, ce qui équivaudrait à éliminer près de huit millions de voitures des routes du continent.
Les privilèges sont mieux visualisés en comparant la taxe moyenne du kérosène avec d’autres carburants utilisés par les véhicules terrestres. Ainsi, alors que le diesel a une perception fiscale moyenne de 73,76 euros par tonne de CO2 et l’essence de 85,85 euros par tonne, les charges fiscales du kérosène chiffrent le chiffre à 4,61 euros par tonne de CO2.
Environ 90% de la population mondiale n’a jamais pris l’avion, dénonce le rapport. Dans une certaine mesure, le vol est une question de classe. Nous trouvons, d’une part, une majorité mondiale qui, en raison de sa pauvreté, ne prend jamais l’avion dans sa vie. Mais, au sein des voyageurs, il existe des sous-catégories. Un verre de champagne, offert par la maison, ou des genoux coincés dans le dos pendant des heures, montrent qu’il y a des classes sociales dans un avion.
L’écologie aérienne est consciente de cette réalité. Pour cette raison, elle avertit qu’une législation fiscale peut avoir des conséquences sociales négatives, tout en obligeant les entreprises à payer et que taxant les billets peut entraîner une augmentation des prix qui fait du vol une pratique élitiste.
Stay Grounded propose une nouvelle mesure fiscale appelée Frequent Travellers Rate (TVC). Cet outil, permettrait d’équilibrer le solde et de rendre les billets plus chers progressivement si un certain nombre de vols sont effectués dans un espace de temps réduit.
En outre, un taux de kilomètres parcourus (TKR) qui augmente le prix des billets en fonction des distances parcourues par le consommateur au cours des quatre dernières années est également envisagé. De cette façon, plus chaque voyageur parcourt de kilomètres, plus il paiera ses prochains billets. Le TVC et le TKR envisagent également une augmentation de prix plus élevée pour ceux qui voyagent en classe affaire.
« Les chiffres sont sans équivoque : malgré l’augmentation de l’aviation à bas prix, il existe d’énormes disparités et inégalités dans la mobilité aérienne entre les nations et à l’intérieur de celles-ci, entre les classes sociales, les groupes ethniques et les sexes, les enquêtes indiquent que les classes sociales les plus privilégiées occupent la grande majorité des vols low-cost, « Stay Grounded, stipule que ces types de taux d’imposition peuvent limiter le nombre de voyages de ce qu’on appelle une » élite hypermobile « .
La voie proposée passe par la suppression des privilèges fiscaux du secteur, la mise en place d’une TVA adaptée à la réalité environnementale et la création de tarifs permettant l’augmentation des prix des billets pour ne pas faire de l’aviation un moyen de transport élitiste.
À cela s’ajoutent la promotion d’autres alternatives de transport nationales et européennes : trains à grande vitesse, réseaux de bus ou bateaux propulsés par des énergies renouvelables.
Madrid 18/02/2020 Alejandro Tena
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