Ce genre d’affrontement à propos de l’oléoduc Énergie est, est sans danger politique pour l’un comme pour l’autre. M. Jean n’a rien à y gagner si ce n’est que de prouver à de possibles électeurs-trices qui cherchent une droite unie, qu’il a le pied à l’étrier politiquement.
Depuis des mois, M. Coderre a exprimé des doutes et des préoccupations quant aux impacts environnementaux que pourrait avoir le projet d’Énergie est qui va traverser tout le Québec. Que vous croyez ou non que ces peurs sont justifiées, dans une démocratie, on peut dire qu’il est légitime d’en parler pour un élu d’une juridiction qui pourrait subir ces impacts.
M. Jean, qui n’est peut-être pas encore au courant que le Canada et l’Alberta sont des démocraties, s’est dit « outragé » de voir que M. Coderre « interférait » dans le droit divin de l’Alberta de construire des oléoducs où bon lui semble et de faire voyager son bitume dans ses tuyaux.
Du point de vue du leader du Wildrose, nonobstant le manque de logique de certains de ses arguments, sa position est de la bonne politique. Il cherche à dire que la Première ministre NPD de l’Alberta et son gouvernement n’ont pas la bonne stratégie. Au lieu de chercher « l’approbation sociale » ils devraient, selon lui, pour de tels projets, adopter l’attitude intimidante de Steven Harper. Le reste du Canada s’est habitué à essuyer cette manière de faire de la part de l’Alberta, sur cet enjeu.
M. Jean a mis le feu aux poudres en janvier dernier quand il a interpelé M. Coderre à propos du piètre état du système d’égouts de Montréal. Temporairement des évacuations d’eaux usées se faisaient directement dans le St-Laurent durant des réparations urgentes. M. Coderre avait répondu que le politicien albertain et ses conseillers étaient : « des personnes qui croient que l’émission les Pierre à feu est un documentaire ».
Le Premier ministre Trudeau a réussi à calmer M. Coderre, un ancien ministre libéral fédéral. Mais l’accrochage entre les deux hommes a été suffisamment tranchant pour qu’ils aient , apparemment, développé une inimitié réciproque. En ce moment, M. Jean revient à la charge. Il a publié un communiqué de presse, largement évoqué dans les grands médias, où il accuse M. Coderre de « continuer ses tentatives d’interférences dans le processus de révision du projet d’Énergie est, indépendant et de classe mondiale ». Il enjoint M. Coderre de se retirer de ce processus et l’accuse d’attaquer personnellement les commissaires de l’Office national de l’énergie. Ce n’est pas ce que M. Coderre a vraiment fait quand il a demandé une suspension des audiences parce que les commissaires de l’agence fédérale de régulation basée à Calgary, ont rencontré privément l’ancien Premier ministre du Québec, M. Jean Charest, qui agissait à titre de lobbyiste pour l’entreprise qui mène le projet.
M. Coderre invoque « un problème majeur de perception » à propos de l’indépendance qui entoure ces audiences. Qu’on soit d’accord ou non avec cela, c’est une position raisonnable. D’ordonner à M. Coderre de retirer ses assertions n’aura que l’effet opposé à celui recherché. Le Maire de Montréal parle au nom de ses commettants-tes. M. Jean a ramené l’affaire des déversements d’eaux usées dans le St-Laurent qui a pris fin aussitôt que les réparations ont été complétées en novembre dernier, et a insulté M. Coderre dans des termes condescendants : « Un politicien qui déverse les eaux usées dans les eaux fraiches de sa ville alors qu’il accepte des milliards de dollars de la péréquation qui viennent de l’Alberta, n’a aucun droit de juger de l’indépendance du processus d’évaluation de l’Office national de l’énergie » peut-on lire dans ce communiqué. Et il continue : « J’encourage M. Coderre à se concentrer sur ses lourdes tâches à la ville de Montréal, et de laisser aux professionnels-les le soin de construire les oléoducs ». Ces professionnels-les seraient les politiciens-nes de l’Alberta….
M. Jean est sûrement dans le vrai quand il dit que « la science arrivera à rendre les oléoducs sécuritaires un jour ». (…) Mais quand un oléoduc est construit, on ne peut plus le retirer. C’est le problème politique auquel fait face le Maire Coderre.
M. Jean doit également être au courant que la péréquation est assurée par tous les contribuables canadiens dont ceux du Québec. Ce genre de discours ne fera rien pour convaincre qui que ce soit au Québec qui a des doutes sur le projet d’Énergie est, que M. Coderre a tort. Au contraire !
Par contre il peut séduire les conservateurs-trices de l’Alberta qui soutiennent les conditions par lesquelles la politique de la recherche de l’approbation sociale du gouvernement N.P.D. serait vouée à l’échec. Quoi qu’il en soit, les insultes envers les politiciens-nes québécois-es font partie des vieilles coutumes des politiques de l’Ouest canadien. Elles tombent toujours dans des oreilles bienveillantes dans certains segments de l’électorat albertain.
Il est un peu étonnant que M. Jean soit si troublé par les « interférences » de M. Coderre dans le processus d’approbation du projet d’oléoduc. Il n’a pourtant eu aucun problème lorsque le Maire de Calgary, M. Naheed Nenshi, est récemment intervenu, un peu de la même manière, dans un processus provincial concernant la célèbre clause Enron. Elle permet aux compagnies qui vendent de l’électricité, dont Enmax Corp., propriété de la ville de Calgary, de faire payer leurs pertes par l’ensemble des contribuables albertains. Il s’agit là d’un revirement des conservateurs de la province qui avaient critiqué M. Nenshi pour son prétendu trop grand libéralisme.
M. Jean ne se prive pas non plus de donner des conseils au gouvernement fédéral sur la manière de conduire ses affaires. Comme il a démissionné de son siège aux Communes en 2014, il n’a plus de rôle à y jouer.
À titre de législateur, M, Jean comprend sûrement que la démocratie fonctionne ainsi. Mais peut-être qu’il est d’accord avec Ralph Waldo Emerson, l’essayiste et poète américain du 19ième siècle qui croyait que Dieu se répand sur la nature, que la meilleure manière de comprendre la réalité est de s’en remettre à cette nature et que les grands esprits, de toute façon, n’en font qu’à leur tête.