Cette déclaration a soulevé les dénégations des différents partis politiques. Jean Charest a affirmé, sans rire, de Rio, que le PLQ agissait en toute légalité. Que des organisateurs et collecteurs de fonds du PLQ aient été arrêtés par l’UPAC et accusés devant les tribunaux n’empêche pas le premier ministre de s’enfoncer dans les dénégations. Pauline Marois a aussi défendu l’intégrité de son parti. Bref, les principaux partis politiques à l’Assemblée nationale seraient blancs comme neige. Devant des révélations pour le moins embarrassantes, les partis et leurs avocats ont commencé à tirer sur le messager.
C’est ainsi que les contre-interrogatoires ont pris des allures surprenantes. Au lieu, de demander à M. Duchesneau d’expliquer ses révélations, on a eu droit à des questions pointilleuses qui visaient à remettre en question la crédibilité du témoin. Le procureur du gouvernement avait une seule fonction : démontrer la bonne foi du ministère des Transports et la qualité de sa collaboration avec l’enquête. Le procureur du gouvernement était plus intéressé à connaître les fournitures de bureau de l’enquêteur qu’à faire préciser le passage de hauts fonctionnaires du ministère vers les firmes privées de génie-conseil. Les avocats du gouvernement n’avaient aucune question à poser à ce sujet. La réalité de la collusion semblait beaucoup moins intéresser les avocats que leur volonté de discréditer le témoin. M. Duchesneau répondit par cette formule suave : « Je vous indique la collusion, vous regardez mon doigt. » L’interrogatoire aura au moins permis de démontrer que le gouvernement Charest avait dressé des obstacles au travail de l’enquêteur qu’il avait lui-même nommé.
Mais on n’était pas au bout de nos surprises. Le 21 juin, l’avocate du Parti québécois, Me Estelle Tremblay se livrait au même petit jeu et, à son tour, se montrait plus intéressée à discréditer le témoin qu’à vouloir lui permettre d’étayer et d’illustrer son témoignage. Elle lui reprocha d’avoir continué à enquêter sur le financement des partis politiques après son licenciement par le gouvernement Charest. Avoir fait un tel rapport aurait discrédité son auteur qui n’avait pas de mandat pour le faire, comme si un simple citoyen, pour l’avocate, n’avait rien à dire à la Commission à moins d’être engagé et salarié pour ce faire. Elle a même affirmé qu’il avait déshonoré ses fonctions de dirigeant de l’Unité anticollusion. Rien de moins. Ce n’était pas un message très rassurant pour toute citoyenne ou tout citoyen qui serait tenté de témoigner. Plus, l’acharnement de l’avocate du PQ contre le témoin Duchesneau a non seulement surpris, il a semé des doutes sur les intentions d’un tel interrogatoire. Quel était donc l’intérêt du Parti québécois dans cette affaire ? Pourquoi réclamait-elle l’accès au rapport Duchesneau sur le financement des partis politiques dont elle dénonçait la production par ailleurs ? Le PQ avait-il quelque chose à cacher ? Pauline Marois a dû intervenir et avouer que son avocate avait peut-être poussé le bouchon trop loin. Quel mandat avait-elle donc reçu de son parti ?
Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises. Les éditorialistes, eux-mêmes, les Pratte et cie sont aussi entrés dans le jeu. Leur indignation se concentrant, pour eux également, non pas sur le financement illégal des partis politiques, mais sur les imprécisions du témoignage de Jacques Duchesneau. Du témoignage, l’éditorialiste de service du gouvernement libéral, Pratte affirmait péremptoirement que ce que soutient Jacques Duchesneau ne pouvait être considéré comme parole d’évangile.
Malgré tout, le témoignage de Jacques Duchesneau a permis d’entrevoir que la culture de la corruption et de la collusion gangrène les partis municipaux et provinciaux et que les révélations que la Commission Charbonneau sera sans doute amenée à faire vont être dévastatrices pour certains partis politiques et particulièrement pour le Parti libéral du Québec.
Pas étonnant que Jean Charest ait repoussé tant qu’il a pu, malgré une volonté populaire clairement affirmée, la tenue d’une enquête publique sur l’industrie de la construction. Et, il faut être particulièrement cynique et retors, pour placer, comme il le fera sans doute, la tenue des prochaines élections avant que les travaux de la Commission Charbonneau aient livré son lot de révélations. Le gouvernement Charest se révèle, par ses sombres manœuvres, le défenseur acharné du désordre établi.