Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Monde

Les opposants au gaz de schiste de plus en plus mobilisés dans le monde

Alors que de plus en plus de pays autorisent l’exploration et l’exploitation des pétrole et gaz de schiste, les contestations se succèdent. Samedi 19 octobre, ils doivent être des milliers à manifester, en France (à Paris, Toulouse, Lille ou Nice), aux Etats-Unis, Canada, Angleterre, Allemagne ou encore Roumanie à l’occasion de la Journée mondiale contre le gaz de schiste.

Car si ces hydrocarbures non conventionnels font miroiter aux entreprises et aux pays revenus, recettes fiscales et emplois – jusqu’au rêve d’une indépendance énergétique –, ils sont vivement critiqués pour leurs conséquences néfastes sur l’environnement ainsi que sur le climat. Tour d’horizon de ces mouvements d’opposition.

En Roumanie : le recul de Chevron

C’est une victoire importante remportée par les opposants au gaz de schiste. Les deux mois de protestations de villageois contre des projets d’exploration à Silistea, dans le nord-est du pays, ont eu raison de Chevron. Le géant américain de l’énergie a annoncé la suspension de ses activités jeudi 17 octobre, au lendemain d’échauffourées entre gendarmes et protestataires qui bloquaient depuis lundi l’unique voie d’accès au site où le pétrolier comptait forer son premier puits d’exploration.

Le groupe avait obtenu en juillet des permis d’exploration dans trois villages de cette région pauvre, juste après la levée, en mars, par le gouvernement, du moratoire instauré l’année précédente. Après avoir vivement combattu ces hydrocarbures non conventionnels lorsque la coalition de centre gauche, à laquelle il appartient, était dans l’opposition, le premier ministre Victor Ponta s’est finalement rallié à cette nouvelle source d’énergie, rejoignant le président de centre droit Traian Basescu, fervent défenseur du gaz de schiste. Objectif : s’affranchir des coûteuses importations de gaz russe. Selon les dernières estimations de l’Agence d’information sur l’énergie américaine (EIA – Energy Information Administration), publiées en juin, le pays abriterait, avec l’Ukraine et la Bulgarie, 5 500 milliards de mètres cubes de gaz de schiste et 1,6 milliard de barils de pétrole de schiste.

Les opposants, eux, ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, la fracturation hydraulique, qui consiste à injecter à haute pression dans la roche d’énormes quantités d’eau additionnées de sable et d’additifs chimiques, pollue les nappes phréatiques, fragilise les sols, voire favorise les tremblements de terre.

En Ukraine : une mobilisation naissante

L’exemple roumain a fait des émules dans l’Ukraine voisine : jeudi 17 octobre, ce sont des centaines d’Ukrainiens qui ont manifesté contre les projets de Chevron d’exploiter le gaz de schiste dans leur pays.

L’an dernier, le géant américain avait remporté un appel d’offres pour exploiter le gisement d’Olesky, dans l’ouest du pays, dont le gouvernement estime les réserves à 2 980 milliards de mètres cubes de gaz. Un enjeu capital pour cette ex-république soviétique qui cherche à réduire sa dépendance par rapport à la Russie. Mais les populations locales s’inquiètent de l’impact sur l’environnement dans une région montagneuse qui est également un site touristique.

Au Canada : une opposition musclée

Coup de feu, cocktails Molotov et véhicules de la gendarmerie brûlés : au Canada, la mobilisation contre l’exploitation du gaz de schiste a également pris un tour violent jeudi 17 octobre. Une quarantaine d’opposants ont été arrêtés à la suite de heurts avec les forces de l’ordre.

Depuis le mois dernier, ces opposants, dont des Amérindiens, cherchent à empêcher une entreprise gazière canadienne, SNW Ressources, d’effectuer des tests sismiques dans l’est du Nouveau-Brunswick, sur la côte atlantique. Des travaux de prospection ont débuté dans ces zones qui seraient riches en hydrocarbures – le pays compterait 16 000 milliards de mètres cubes de réserves de gaz de schiste selon l’EIA. Les opposants ont notamment érigé des barrages sur une route à proximité de l’entrepôt qui abrite l’équipement d’exploration de l’entreprise, mais la justice a prononcé une injonction pour mettre fin au blocus. Le soir, deux cents personnes ont marché dans les rues de Montréal en signe de solidarité avec les manifestants du Nouveau-Brunswick.

Au Royaume-Uni : un mécontentement grandissant

Alors qu’une campagne de forage est en cours dans le sud de l’Angleterre, l’engouement de la population britannique pour le gaz de schiste s’érode. Selon un sondage publié le 1er octobre par l’université de Nottingham, 55 % des Anglais soutiennent aujourd’hui la fracturation hydraulique, contre 62 % en juillet.

Entre ces deux mois, des manifestations de milliers d’opposants ont secoué la région du Sussex, après le début des forages par l’entreprise Cuadrilla Resources le 2 août. La société britannique avait obtenu du gouvernement, en décembre 2012, l’autorisation de reprendre ses explorations qu’elle avait dû interrompre en 2011 en raison de secousses telluriques.

Autre sujet de mécontentement des opposants : le coût de la fracturation hydraulique se révèle deux fois plus élevé qu’aux Etats-Unis, ce qui devrait entraîner une baisse très limitée du prix de l’électricité dans le pays, selon des données de l’agence Bloomberg. Le gouvernement, au contraire, assure que les promesses de ressources de gaz de schiste avancées par Cuadrilla (3 000 milliards de mètres cubes) sont un gage d’indépendance énergétique accrue. Mais rien ne dit à ce jour que les réserves se concrétiseront.

En France : la crainte d’expérimentations

Le contentieux qui déchaînait depuis plusieurs mois les passions en France a été tranché : la fracturation hydraulique reste interdite dans l’Hexagone. Le Conseil constitutionnel a en effet décidé, le 11 octobre, de valider la loi du 13 juillet 2011, dite loi Jacob, qui interdit l’usage de cette technique, la seule qui existe à ce jour pour extraire du gaz de schiste. Il a ainsi rejeté la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par l’entreprise texane Schuepbach après l’annulation, en octobre 2011, de ses deux permis miniers du sud de la France.

Si écologistes et ONG se sont réjouis de cette décision, ils estiment que le débat n’est pas totalement clos puisque la loi Jacob prévoit la mise en place d’une commission chargée, entre autres, d’"émettre un avis public sur les conditions de mise en œuvre d’expérimentations réalisées à des fins scientifiques, sous contrôle public". Or, cette commission, dont les membres n’ont pas tous été nommés, n’a jamais été réunie.

"Les industriels ont déjà commencé leur lobbying sur cette question de l’expérimentation, dénoncent plusieurs ONG, dont les Amis de la Terre, Attac et le Réseau action climat dans un communiqué. Ils jouent sur les difficultés de preuve et jusqu’ici des incertitudes légales pour poursuivre les recherches d’hydrocarbures non conventionnels, comme en Seine-et-Marne avec Hess Oil."

Sur le même thème : Le Monde

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...