Édition du 17 décembre 2024

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Politique canadienne

Les dépenses militaires au Canada : excès et dépassement de coûts

L’an passé, à l’IRIS, nous avons publié une courte note sur les dépenses militaires du gouvernement fédéral. En gros, nous y démontrions que ces dépenses atteignent des niveaux records. En fait, le Canada a aujourd’hui un budget militaire plus important qu’à n’importe quel moment de son histoire depuis la fin de la guerre de Corée.

Trois éléments avaient retenu notre attention l’an dernier : l’augmentation rapide des dépenses militaires depuis la formation du premier gouvernement Harper, les prévisions de poursuite de cette augmentation pour les 20 prochaines années et la part grandissante des dépenses militaires dans le PIB canadien et dans l’ensemble des dépenses du gouvernement fédéral. Entre 2005-2006 et 2010-2011, les dépenses militaires au Canada ont augmenté de 8 milliards $, soit une augmentation de 54,2 %. D’ici 2027, les prévisions gouvernementales prévoient la poursuite de cette tendance à la hausse avec une augmentation dépassant les 10 milliards $.

Cette lourde augmentation exerce une forte pression sur les finances publiques ainsi que sur l’économie canadienne en général. Comme le montre le graphique suivant, l’importance des dépenses militaires dans l’économie générale du Canada est en hausse de 28 % depuis le début du nouveau millénaire.

Dépenses militaires au Canada en % du PIB, 2000-2012

Source : Perspective Monde, Université de Sherbrooke. http://perspective.usherbrooke.ca/

Au niveau des finances publiques, la même hausse s’observe. Accaparant aujourd’hui 7,86 % du budget du gouvernement fédéral, comme le montre le graphique plus bas, le niveau actuel des dépenses militaires en vient à empêcher le gouvernement de financer adéquatement ses autres secteurs d’intervention.

Dépenses militaires au Canada en % des dépenses du gouvernement fédéral, 2000-2012

Source : Perspective Monde, Université de Sherbrooke. http://perspective.usherbrooke.ca/

Bref, il est de plus en plus difficile de décrire le Canada comme un pays de sympathiques casques bleus. Au contraire, l’espace qu’occupe l’industrie militaire dans la structure économique canadienne ou encore la place de l’armée dans l’appareil d’État ont plutôt tendance à croître ce qui, comme on peut s’en douter, finit par déteindre sur les orientations stratégiques et de politique étrangère.

Les délires

À cela, il faut ajouter quelques délires qui caractérisent la présente gestion du renouvellement des équipements militaires par le gouvernement Harper. Au scandale bien connu des F-35 qui, en raison de dépassements de coûts force le gouvernement à enfin lancer un processus d’appel d’offre, nous pouvons maintenant ajouter celui du renouvellement des navires de l’armée canadienne. Les documents gouvernementaux, qui misaient sur un taux d’inflation de 2,7 % pour la construction des navires de soutien interarmées, ont largement raté leur cible. Le taux d’inflation dans cette industrie oscillant plutôt, selon David Perry, analyste à l’Institut de la conférence des Associations de la défense, entre 7 % et 11 %.

Dernièrement, le Directeur parlementaire pour le budget, M. Kevin Page, révélait également que le coût de remplacement de deux navires de ravitaillement était bien loin des estimations initiales. Si le gouvernement Harper estimait ce coût à 2,6 milliards $, il s’avère que les contribuables devront éponger une facture pouvant atteindre 4,13 milliards $.

L’incapacité du gouvernement actuel de jouer son rôle d’arbitrage entre la volonté des militaires de se doter de nouveaux équipements à la fine pointe de la technologie et les besoins bien concrets de la population est de plus en plus problématique. Lorsque le ministre des finances déposera son budget dans les prochaines semaines (le 21 mars NDLR), il sera intéressant de suivre l’évolution des sommes que le gouvernement canadien entend allouer aux forces armées. Dans un contexte de restrictions budgétaires, plusieurs seront certainement déçus et M. Harper fera encore une fois la preuve qu’il a un sens des priorités plus que discutable ou qu’il est incapable de dire non à des hommes en uniforme.

Philippe Hurteau

Chercheur à l’IRIS

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