John Nichols, The Nation, 28 août 2020
Traduction, Alexandra Cyr
La Convention républicaine a fini comme elle a commencé : une flopée de mensonges, la détestation et la peur comme partie de la stratégie déterminée pour donner le coup d’envoi de la campagne électorale de D. Trump cet automne. Les organisateurs.trices se sont beaucoup trompés.es mais leur succès c’est d’avoir fait porter le message par les enfants et ayant-droit de D. Trump, par son entourage et ses employés.es, par les conspirateurs.trices qui l’accompagnent et les possibles candidats.es de la campagne présidentielle de 2024. Le contrat a été respecté par tous et toutes.
Lors de son allocution de jeudi soir, par laquelle il accepte la nomination à la candidature par le Parti républicain, il a repris sa divagation habituelle voulant que J. Biden soit un cheval de Troie qui se dirige vers la Maison blanche : « Malgré toute la grandeur de notre nation, ce que nous avons accompli est maintenant en danger. Cette élection est la plus importante de toute l’histoire de notre pays. Jamais encore les électeurs.trices n’ont été devant un tel choix entre deux parties, deux visions, deux philosophies et deux programmes. Cette élection décidera si le rêve américain est sauf ou si le programme socialiste sera adopté pour démolir notre destinée tant aimée ».
C’est un calcul absurde. Mais pas plus que celui du vice-président M. Pence qui conclut en disant : « J. Biden va mettre les États-Unis sur le sentier du déclin socialiste ». Ni non plus, l’annonce de la Présidente du Comité national républicain, Ronna McDaniels : « Les Démocrates ont choisi la voie déclinante du socialisme ». Ou encore Lara Trump (belle-fille de D. Trump n.d.t.) qui clame que : « Ce n’est pas simplement un choix entre les Républicains.nes et les Démocrates ou entre la droite et la gauche. Cette élection va décider si nous gardons intactes nos États-Unis ou si nous empruntons le chemin inconnu et effrayant du socialisme ». Et encore, Kimberley Guilfoyle (avocate ex procureure en Californie n.d.t.) qui affirme avec conviction que : « Biden, Harris et leurs camarades socialistes vont changer la nation fondamentalement ».
Le Parti républicain de D. Trump a rompu avec ses propres traditions et violé la plupart des normes politiques américaines. Mais quand s’agit de la Convention, il est traditionnaliste. Historiquement, les Conventions sont là pour structurer les campagnes électorales de l’automne. C’est exactement ce que celle-ci a fait. Elle a amplifié les gros mensonges à propos du travail « historique » que le Président a accompli en économie, dans la gestion de la COVID19 et du chômage de masse. La rhétorique de la « loi et l’ordre » a été mise de l’avant y compris « nous ne pouvons pas laisser la rue gouverner » subtilement tirée des propos de Spiro Agnew (vice-président sous R. Nixon n.d.t.) quand il niait la réalité du racisme systémique. Le présumé danger du socialisme a été invoqué avec une telle conviction qu’on pouvait se croire au Royaume Uni en 1945 quand le Parti conservateur de Winston Churchill s’apprêtait à sortir du pouvoir le Parti travailliste et les camarades chantant le « Drapeau rouge ».
Mais, nous ne sommes pas au Royaume Uni en 1945. Les Démocrates ne font pas une campagne socialiste. Loin s’en faut. Joe Biden est un centriste pur jus qui a des liens avec les entreprises. Il ne gouvernera pas comme l’a fait Clement Attlee, le Premier ministre socialiste britannique de l’après-guerre mondiale et dont les accomplissements font mentir ce que l’ancienne ambassadrice américaine aux Nations Unies, la républicaine Nikki Haley a clamé à la Convention : « nous savons que le socialisme a échoué partout ». Des variantes du socialisme ont pourtant souvent réussi : le socialisme démocratique, la sociale démocratie, le « commonwealth coopératif », le socialisme des provinces des prairies canadiennes, l’expérience socialiste de Milwaukee nommée péjorativement, « socialisme des égouts ».
C’était l’argument du Sénateur du Vermont, B. Sanders durant sa campagne électorale de socialiste démocrate en 2020. Il a été battu par un centriste indécrottable et le Parti démocrate va faire campagne avec une plateforme qui a évacué l’essentiel de son programme dont Medicare pour tous et toutes et le New Deal vert.
Durant la saison des Primaires cette année, on a souvent invoqué que la nomination de B. Sanders à la candidature à la présidence forcerait tout l’automne le Parti démocrate à contrer les attaques républicaines à propos du socialisme qui allait, selon eux, ruiner les États-Unis. C’était présumer que les Républicains.es allaient mener campagne sur la base de la réalité. Bien sûr, c’était naïf. D. Trump l’a annoncé le dernier soir de la Convention : « J. Biden est le cheval de Troie du socialisme. S’il n’est pas capable d’affronter les yeux dans les yeux les marxistes comme B. Sanders et ses camarades radicaux, comment voulez-vous qu’il vous regarde dans les yeux » ?
C’est cette fable que Trump et son Parti vont répéter jusqu’au jour de l’élection .
Ce qui nous amène à la question du genre de réponse que les Démocrates devraient donner.
Si B.Sanders était le candidat, il serait préparé ; il ferait de la formation sur le régime en place au Danemark et sur la loi de F.D. Roosevelt sur les droits économiques : « comme sitoyen.ne des États-Unis, vous avez droit à un logement décent, à des soins de santés corrects, à un emploi décent et à une retraite convenable ». Il le ferait avec l’assurance d’une personne qui parle de socialisme démocratique depuis 60 ans.
La représentante Alexandria Ocasio-Cortez élue en 2018 sous l’étiquette socialiste démocrate, est à l’aise avec le terme : « Donc, quand les jeunes parlent du concept de socialisme démocratique, ils ne parlent pas d’une espèce de bonhomme sept heures rouge effrayant. Ils parlent de pays et de systèmes qui existent réellement en ce moment et qui ont déjà fait la preuve de leur succès dans le monde moderne. Nous parlons d’une assurance santé pour tous et toutes gérée par le gouvernement qui est un succès sous différents modèles comme ceux de la Finlande, du Canada et du Royaume Uni ».
Mais, ni B. Sanders ni A. Ocasio-Cortez ne dirigent le Parti démocrate. Donc, que feront J. Biden et K. Harris qui n’ont jamais fait campagne à titre de socialistes ?
Se mettre sur la défensive chaque fois qu’ils auront à faire face à ce mot, ne leur permettra pas de gagner. S’ils semblent embarrassés ou essaient de faire comme si ça n’existait pas, les Républicains vont augmenter la charge. C’est ce qui s’est passé en 1988 quand le candidat Michael Dukakis a eu à se battre avec le terme « libéral ».
Il vaut mieux reconnaître que le socialisme n’est pas le virage absolu dont parlent les commentateurs.trices. Plus tôt cette année, un sondage Gallup montrait que 76% des Démocrates, 45% des indépendants.es et 17% des Républicains.nes voteraient pour un.e candidat.e socialiste.
Il existe des options pour M. Biden s’il veut défaire la peur instillée par les Républicains.es avec le socialisme. Il pourrait reprendre une page du Président Harry Truman : « Le socialisme c’est ce qui s’appelle le pouvoir public. Le socialisme c’est que ce qui s’appelle la sécurité sociale. Le socialisme c’est ce qui soutient les prix des produits agricoles. Le socialisme c’est ce qui s’appelle une assurance dépôt dans les banques. Le socialisme c’est ce qui s’appelle la croissance et l’Indépendance pour les organisations des travailleurs.euses. Le socialisme c’est presque tout ce qui peut aider la population ». Il a ainsi donné une leçon d’histoire aux critiques et les a désarmés.es quand Joe McCarthy (ex Sénateur du Wisconsin qui a mené campagne contre tout qui était présumé communiste n.d.t.) semait la peur « des rouges ».
L’ancien secrétaire au travail, Robert Reich propose une réponse de bon sens : « Si nous ne voulons pas vivre dans une société où seuls.es les plus adaptés.es puissent survivre, où seuls.es les ultra riches et puissants.es peuvent se maintenir, le gouvernement doit faire trois choses élémentaires : fournir une assurance contre les imprévus de la vie et soutenir les investissements nécessaires dans l’éducation et le transport public. Pour ça il faut absolument regrouper nos ressources en fonction du bien commun. Peu importe que cela soit la démocratie socialiste ou le capitalisme florissant, il le faut absolument pour (continuer à vivre) dans une société décente ».
Mais l’approche la plus convaincante que j’ai rencontrée est celle du Sénateur du Massachusetts, Ed. Markey. Il fait campagne actuellement contre le représentant Joe Kennedy 3ième qui le menace. Il est en politique depuis au moins 50 ans et ne s’est jamais identifié comme socialiste. Ce devrait être une leçon pour J. Biden et son équipe ; le mot ne lui fait pas peur. Avec A. Ocasio-Cortez il a présenté la résolution du New Deal vert en 2019. En rappelant ce moment, il déclare : « Ce New Deal a été qualifié par les Républicains.es et Fox News de « socialiste ». Alors comment appeler les baisses de taxes et d’impôts pour les industries de pétrole, de gaz et de charbon qui durent depuis 100 ans en faveur des plus riches industries aux États-Unis qui tirent l’argent de nos poches pour financer ces baisses qu’elles accaparent ? Voici ce que je dis : affectez une partie de ce socialisme à l’électricité solaire et par éoliennes, pour des véhicules tout électrique et des hybrides, pour le développement de la technologie des batteries. Alors, nous pourrons regarder l’industrie des énergies fossiles dans le rétroviseur ».
Pas d’excuses, par de mouvement de défense.
Si les Démocrates commencent à parler comme Ed. Markey, ni D. Trump ni M. Pence ne sauront comment les attaquer.
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