Tiré de Courrier international.
L’opération s’appelait “Chanson douce-amère” et aurait duré près de deux ans. Elle consistait à rapatrier en Israël la dépouille mortelle du soldat Zachary Baumel, commandant de char, tué avec deux de ses camarades lors d’un accrochage avec l’armée syrienne sur le sol libanais dans la lointaine année 1982. Ses restes ainsi que les quelques effets personnels du soldat de Tsahal ont été solennellement remis par le président russe Vladimir Poutine lors de la visite du Premier ministre israélien à Moscou le 4 avril dernier. “Nous voulons remercier le ministère de la Défense, l’armée russe. Nous n’oublierons pas cet acte. Il entrera dans l’histoire” a dit Benyamin Nétanyahou lors de la cérémonie à laquelle de hauts gradés russes étaient présents.
“Un soldat et des terres”
“Compte tenu de l’importance qu’accorde la société israélienne au retour de tous ses soldats, vivants ou morts, le leader israélien va rentrer renforcé de son voyage à Moscou”, pronostique le quotidien libanais L’Orient-Le Jour dans un long article consacré à cette opération. Pour le journal, son timing n’a rien du hasard : “Le fait que l’annonce de la réussite de l’opération ait été faite mercredi dernier, à cinq jours des élections législatives israéliennes, semble ainsi ne rien devoir au hasard. Benyamin Nétanyahou a utilisé cette carte au meilleur moment”, poursuit L’Orient-Le Jour. Pour la plupart des commentateurs – notamment arabes – la restitution de la dépouille de Zachary Bauman apparaît bel et bien comment un joli cadeau préélectoral offert à l’inoxydable Premier ministre de l’Etat hébreu. “Un soldat et des terres, les deux cadeaux offerts à Nétanyahou au détriment de la Syrie”, titre le journal syrien d’opposition Enab Baladi, dans un article repris par la presse russe, en référence aux déclarations récentes de Donald Trump réaffirmant la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan. “La date du retour de Zachary Baumel n’a rien à avoir avec les élections. Elle a été uniquement dictée par des considérations opérationnelles”, a estime le chef du gouvernement israélien, cité par le quotidien The Jerusalem Post.
Une opération “pas simple”
Peu d’éléments ont filtré, en revanche, sur les détails de cette opération. Le Premier ministre israélien a simplement expliqué que “les soldats russes, au péril de leurs vies, ont ramené les restes de Zachary sur le territoire israélien”. Vladimir Poutine a, lui, déclaré qu’il n’avait “pas été facile” de retrouver ces restes.
Selon The Jerusalem Post, tous les services spéciaux d’Israël et de son armée, étaient mobilisés depuis 37 ans pour “ramener la dépouille du soldat à la maison”. Mais, d’après l’analyse de L’Orient-Le Jour, c’est bien l’entrée de la Russie dans cette équation complexe qui a accéléré le processus. Vladimir Poutine, lui, a tenu à remercier l’armée de Bachar Al Assad pour avoir aidé les forces spéciales russes à retrouver le site d’inhumation du soldat de Tsahal. Et au quotidien libanais de se demander : comment se fait-il que le Hezbollah et ses mentors iraniens, passés maîtres dans ce genre de négociations avec les Israéliens, ont été tenus à l’écart de l’opération “Chanson douce-amère” ? Et de conclure :
Le président russe met en avant le rôle des Syriens, qui entretiennent pourtant une propagande très forte contre l’État hébreu, comme pour mieux les distinguer de l’Iran et du Hezbollah. Vladimir Poutine semble vouloir faire comprendre à Israël que l’État syrien doit rester en dehors du conflit de Tel-Aviv avec l’Iran, à un moment de vives tensions autour de la question du Golan, où le Hezbollah se déploierait, selon Israël.
Comme toutes les opérations condamnées à rester secrètes, le “retour à la maison” de Zachary Baumel recèle encore bien des surprises.
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