Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/03/06/le-porno-nest-pas-seulement-le-reflet-de-nos-desirs-il-les-faconne-et-met-en-danger-les-femmes-et-les-jeunes-filles/
Si vous avez regardé du porno ces dernières années, vous savez qu’il est devenu plutôt sinistre. Les images d’inceste et d’étranglement y sont maintenant monnaie courante, tout comme celles de coercition, de racisme et de violence sexuelle. Ces pratiques sont mises de l’avant sur des sites pornographiques destinés au grand public et sur de nombreuses plateformes de réseaux sociaux, sous l’influence d’algorithmes de recommandation dans le but de maximiser la participation de l’auditoire et les profits des producteurs. Nous sommes bien loin de l’époque où le porno « hardcore » signifiait un pénis en érection. Mais nous sommes peut-être à l’aube d’un changement.
La semaine dernière a été publiée uneétude indépendante longuement attendue, menée par Mme Gabby Bertin, une paire du party Tory, qui propose la plus importante révision de la réglementation sur la pornographieen plus de 40 ans. Les conclusions de cette étude constituent une mise en accusation claire de ce qu’est devenue le porno aujourd’hui et de l’inaction des gouvernements successifs pour y remédier. C’est un gouvernement travailliste qui a été le premier à adopter une loi sur la pornographie extrême en 2009, reconnaissant la nécessité d’un changement radical dans la manière dont nous réglementons ce média. Il est maintenant temps de franchir la prochaine grande étape, qui fera partie intégrante de la réussite de la mission du gouvernement travailliste, qui se propose de réduire de moitié la violence envers les femmes et les jeunes filles en une décennie.
L’approche du public envers une réglementation a changé. Pendant un certain temps, beaucoup ont cru qu’une approche non interventionniste de la réglementation renforcerait nos libertés sexuelles et protégerait notre droit à la vie privée. En réalité, c’est l’inverse qui s’est produit. Aujourd’hui, la plupart des contenus pornographiques étouffent notre liberté sexuelle. Ce que nous regardons n’est pas déterminé par le choix et les préférences de chaque utilisateur, mais par des algorithmes de recommandation d’IA axés sur le profit. Ceux-ci ont appris que nous sommes principalement attiré-es par des contenus qui provoquent en nous le dégoût, le choc et la rage.
Nos droits à la vie privée ont été bafoués par des conglomérats pornographiques multinationaux qui ont eu toute latitude pour exploiter certaines de nos données les plus intimes afin d’alimenter ces algorithmes. Une étude portant sur plus de 22 000 sites pornographiquesa révélé que 93% d’entre eux envoyaient les données de leurs utilisateurs à au moins une tierce partie, souvent à l’insu des utilisateurs.
Nous avons commencé à prendre conscience de l’impact de cette situation sur une grande partie de nos autres activités en ligne. En 2020,une étude sur les préjugés dans les prises de décisions algorithmiques, commandée par le ministère des Sciences, de l’Innovation et de la Technologie, a révélé que les attitudes racistes et sexistes étaient non seulement reproduites, mais aussi attisées par les algorithmes de recommandation. Et le commissaire à l’information a maintenant lancé une enquête sur la manière dont les plateformes de médias sociaux utilisent les données générées par l’activité en ligne des enfants pour leur proposer des contenus.
C’est en partie ainsi que nous en sommes arrivé-es à un point où tant de pornographie en ligne promeut et perpétue des clichés nuisibles, violents, misogynes et racistes. Les plateformes pornographiques elles-mêmes sont impliquées dans la production de ces préférences, poussant les hommes et de plus en plus les femmes plus loin que nous n’irions autrement.
Bien que le rapport de Mme Bertin n’approfondisse pas suffisamment la prise de décision algorithmique sur les sites pornographiques et son impact sur notre liberté et notre vie privée, il a l’avantage de proposer un plan d’action pour ce qui doit changer. Sa recommandation la plus importante est l’établissement d’une parité entre ce qui est réglementé sur des supports physiques et ce qui n’est pas encore réglementé en ligne. Il suggère également que les plateformes soient tenues d’adopter des mesures spécifiques de sécurité intégrées dès la conception des produits, via l’élaboration d’un code de pornographie sûre dans la Loi sur la sécurité en ligne, ou d’une nouvelle infraction relative aux publications.
Parallèlement, il recommande que la pornographiereprésentant des scènesd’inceste ou d’étranglement soit rendue illégale en vertu de la loi sur la pornographie extrême, et que le ministère de l’Intérieur soit reconnu comme l’habitat naturel de la politique en matière de pornographie. Cela créerait une filière claire de surveillance et de responsabilité et mettrait fin à l’approche de la réglementation qui consiste à « se renvoyer la balle » et qui a dominé le débat jusqu’à présent.
Le rapport mentionne également, au passage, un soutien à la vérification de l’âge intégré aux appareils, si les mesures visant à restreindre l’accès des enfants aux sites pornographiques dans la Loi sur la sécurité en ligne se révèlent inefficaces. Loin d’être une simple différence, ce changement modifierait considérablement la responsabilité de la sécurité des enfants ; celle-ci passerait des plateformes qui tirent profit de leur accès pour la renvoyer aux parents et aux tuteurs appelés à les tenir à l’écart de tout appareil vérifié. Ce n’est pas une meilleure option, et ce n’est certainement pas un système plus sûr ; sans surprise, les plateformes pornographiques préfèrent cette option car elle entraverait beaucoup moins leur trafic d’images.
Lors de la publication du rapport, le gouvernement a annoncé qu’il répondrait à chaque recommandation en temps voulu. Cet examen constitue le genre d’opportunité dont on pourrait dire qu’elle se présente qu’une fois dans une vie. Sauf qu’elle s’est déjà présentée. En tant que Premier ministre en 2013, David Camerona annoncé que, en matière de pornographie, « ce que vous ne pouvez pas obtenir en magasin, vous ne devriez pas pouvoir l’obtenir en ligne ». Douze ans plus tard, la première recommandation de Mme Bertin est la même : les contenus pornographiques dont la distribution est illégale sur des supports physiques devraient également être considérés comme des contenus illégaux sur les plateformes en ligne. Il nous a fallu plus de dix ans pour en arriver au même point. Ce n’est pas que nous ne savons pas ce qu’il faut faire. Nous avons juste besoin que le présent gouvernement se décide enfin à le faire.
Fiona Vera-Gray
Clare McGlynn a également contribué à cet article
Fiona Vera-Gray est professeure de violence sexuelle à l’université métropolitaine de Londres et codirectrice de l’unité d’études sur la maltraitance des enfants et des femmes.
Clare McGlynn est professeure de droit à l’université de Durham et experte en réglementation juridique de la pornographie.
https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/mar/03/porn-law-internet-review-ministers
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