L’exemple actuel du patronat québécois et du lobby de l’industrie du pétrole et du gaz illustre parfaitement cette cupidité qui, depuis une trentaine d’années, s’est répandue, sans limite et sans gène, chez trop de nos dirigeants économiques et dans la droite.
Françoise Bertrand, la présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), qui ne manque décidément jamais une occasion pour démontrer la mentalité réactionnaire d’une fraction importante des petits commerçants et gens d’affaire, a déclaré en commission parlementaire que la refonte de la Loi sur les mines proposée par le gouvernement Charest fera fuir les investisseurs.
Le patronat québécois aime bien la Loi sur les mines actuelle, qui date de 1880. Ah, le XIXe siècle, quelle belle époque pour faire des affaires… La FCCQ propose plutôt la mise en place d’un guichet unique pour l’ensemble du Québec. La démocratie municipale ? « Non au droit de veto aux municipalités », a-t-elle renchéri. « Tout pour nous-mêmes et rien pour les autres ».
L’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ) a quant à elle lancé à ses membres un appel à la mobilisation. « C’est un enjeu majeur pour les membres, a dit Ghislain Poirier, président de l’AEMQ. C’est tout le climat d’investissement qui est touché. On instaure une fragilité qui est loin d’être négligeable. » Le projet de loi causerait « potentiellement un préjudice aux conséquences économiques incalculables pour des centaines de PME minières, écrit M. Poirier, ce qui serait un précédent dangereux pour des droits légalement acquis ».
L’Association lance donc une campagne auprès de ses membres corporatifs afin de se donner les moyens d’un lobbying efficace (avec un objectif de 1,5 millions $) pour que rien ne change dans le domaine des mines au Québec, pour qu’on revienne aux pratiques du XIXe siècle. « Tout pour nous-mêmes et rien pour les autres ».
Selon Christian Simard, de Nature Québec, la réaction de l’AEMQ est absurde. « Le périmètre urbanisé, c’est 0,5% du territoire québécois, dit-il. Et dans le Nord-du-Québec, on ne parle pas vraiment de périmètre urbain. Évidemment, il reste à définir ce qu’est une zone de villégiature. Mais on sent qu’il y a un mouvement de panique dès qu’on parle d’améliorer un tout petit peu le régime minier. »
Voici la réponse du président de l’AEMQ : « Quand même que c’est 1% ou 2% du territoire, cela fragilise les investissements miniers. Les investisseurs internationaux ont des choix à faire en fonction des risques. La planète est grande. » « Tout pour nous-mêmes et rien pour les autres ».
Selon Alexandre Shields, journaliste au Devoir, l’AEMQ aurait 13 lobbyistes inscrits (au registre provincial seulement). Ils seront très actifs dans les semaines qui viennent pour questionner « la légitimité du projet de loi 14 » qui, selon leur discours totalement hystérique, aurait le « potentiel de mettre à mort la filière minérale québécoise. » Pourtant, comme le souligne Alexandre Shields, « en dehors des zones urbanisées ou consacrées à la villégiature, le « free mining » doit continuer de s’appliquer, selon les dispositions du projet de loi 14. Cela veut dire que la Loi sur les mines a préséance sur plusieurs législations en vigueur au Québec. »
« Derrière les discours d’acceptabilité sociale et les campagnes de relations publiques que l’industrie met à l’avant-scène se cache en fait un lobby qui ne veut faire aucune concession sur les très nombreux privilèges dont l’industrie bénéficie depuis maintenant plusieurs décennies », souligne Ugo Lapointe de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine (qui fonctionne avec un budget de 2000 ou 3000 $).