Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le nouveau hurleur des Lucides : Alain Lemaire de Cascades-Junex

Un nouveau nom vient de s’inscrire au firmament des Lucides : Alain Lemaire P. D-G de Cascades et administrateur chez Junex. Lors d’une rencontre de la tribune des Manufacturiers et exportateurs du Québec : « Les divers groupes de pression mènent actuellement les entrepreneurs québécois et les promoteurs par le bout du nez », selon M. Lemaire.

Les hurlements d’Alain Lemaire

Tirant à boulets rouges sur les groupes écologistes et citoyens qui s’opposent à l’exploration et à l’exploitation des gaz de schiste et du pétrole, le nouveau lucide ajoute : « Peut-être est-ce qu’on fait de la démagogie ? Sûrement. »

Ce refrain maintes fois entendu vise à remettre une couche dans la démagogie corporatiste de l’industrie des énergies fossiles. Celle-ci a démontré à plusieurs reprises qu’elle n’hésite pas à user de chantage ou d’amalgame pour discréditer l’opposition citoyenne aux énergies fossiles et au comportement quasi-dictatorial des entreprises qui cherchent le pétrole et le gaz jusque dans la cours des citoyens.

Ce discours veut faire porter le blâme des difficultés économiques du Québec sur le dos des opposants aux projets de développement, utilisant des projections démagogiques pour faire passer les opposants pour des partisans du statu quo alors que les entreprises auraient le rôle positif de développeurs et de créateurs de richesses. Il va jusqu’à comparer le système de protection de l’environnement des États-Unis avec celui du Québec s’interrogeant sur le « Pourquoi une analyse environnementale prend-elle trois mois aux États-Unis et qu’ici, c’est deux, trois ans ? » Peut-être qu’une majorité de Québécoises et Québécois n’est pas dupe et constate le laxisme qui caractérise le système américain et la connivence des éluEs avec l’industrie comme l’ont clairement démontré les enquêtes sur la marée noire du Golfe du Mexique et le comportement de BP dans ce dossier. Malgré le fait que les dés semblent pipés, une opposition se forme dans certains États comme le New Hampshire et le Texas devant la catastrophe annoncée.

M. Lemaire passe sous silence que des intérêts corporatistes sont à l’origine de sa sortie. Cascades possède des intérêts dans des entreprises qui explorent les gaz de schiste. M. Lemaire lui-même siège au CA de Junex aux côtés d’André Caillé. La découverte de gisements permettrait de récolter un joli pactole au passage pour Junex et ses associés.

M. Lemaire est le même personnage qui a fermé l’usine de Norampac à Québec en 2010 et s’apprêtait à faire de même avec l’usine Smurfit-Stones à Matane. De tels gestes sont sûrement motivés par un souci de développement économique. Il est aussi un anti-syndicaliste notoire se plaisant à affirmer que les succès financiers de Cascades sont dus à l’absence de syndicat dans la plupart des usines du groupe.

Les intérêts de l’évaluateur environnemental

Selon un article paru dans Le Devoir du 19 avril, la firme d’ingénierie qui réalise l’étude scientifique commandée par le gouvernement du Québec pour évaluer les risques liés à l’exploitation des énergies fossiles dans le Saint-Laurent a acquis, il y a quatre mois, une entreprise albertaine spécialisée dans la conception et la gestion d’installations pétrolières et gazières. C’est la firme d’ingénierie Genivar qui a obtenu le contrat pour la réalisation de la deuxième évaluation environnementale stratégique (EES) suite au dépôt du rapport du BAPE en mars dernier.

À la fin 2010, Genivar a acquis Tundra Engineering Associates, de Calgary. Cette société « oeuvre dans le secteur des installations de gaz naturel et de pétrole brut ». Elle offre « des services de conception détaillée et de gestion de projets pour la réalisation d’ouvrages tels que pipelines et réseaux de collecte, stations de compression, installations pétrolières et gazières, usines de traitement de gaz naturel et systèmes de télémétrie », selon ce qu’on pouvait lire dans le communiqué émis le 8 décembre dernier par Genivar. « Tundra fournit un éventail complet de services dans le cadre de nouveaux projets et de projets existants ; allant des études de faisabilité et d’obtention de permis, au design final, à l’approvisionnement, à la gestion de projets et à la surveillance des travaux », ajoutait-on.

Au ministère des Ressources naturelles, le directeur du bureau des hydrocarbures, Sébastien Desrochers, a quant à lui assuré que toutes les mesures étaient prises pour éviter les conflits d’intérêts. « Ce n’est pas une situation qui nous rend inconfortable. On a ce qu’il faut pour s’assurer que l’entreprise agit de façon tout à fait correcte. » Il a aussi rappelé que le contrat pour cette EES a été octroyé à la suite d’un appel d’offres public et que toute cette démarche est « complètement transparente », propos rapportés par Le Devoir.

Le fait qu’une majorité de puits connaissent des fuites et problèmes techniques ne semble pas émouvoir la direction du ministère. Les hauts risques de conflits d’intérêts non plus. Pour tout observateur sérieux, il y a là un exemple de la proximité entre les politiciens et l’industrie et de la complaisance qui caractérise ces liens.

Le nécessaire débat sur l’exploitation des énergies fossiles

Devant de tels faits, le mouvement citoyen de contestation de l’industrie des gaz de schiste et du pétrole doit demeurer vigilant. Il ne peut faire l’économie d’une surveillance de tous les instants comme l’a démontré l’opposition des citoyenNEs de St-Hippolyte, de Ste-Adèle et de Ste-Marguerite qui se mesurent actuellement à la compagnie Ontrack Exploration qui fait de l’exploration dans les Laurentides. Ou comme celles et ceux de St-Denis-sur-Richelieu qui ont tenu une manifestation samedi dernier pour réclamer un vrai moratoire. Il doit dans le même temps ouvrir le débat largement sur la pertinence ou non de s’opposer à l’exploitation des énergies fossiles et lui opposer un plan de développement des énergies vertes. Une telle opération requiert un large débat public qui doit se répercuter dans tout le Québec. Le mouvement contre les gaz de schiste doit devenir le mouvement pour une énergie verte et renouvelable.

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