Depuis quelques années, l’idée que les hommes vont mal gagne des adeptes. Cette prétendue crise de la masculinité aurait une cause : les femmes, et surtout les féministes, qui domineraient la société québécoise. Des partisans de la « cause des hommes » grimpent sur les ponts pour y déployer des banderoles, intentent des poursuites judiciaires contre des militantes, prennent la parole en commissions parlementaires, font du lobbyisme auprès d’institutions politiques, publient des livres et multiplient les attaques sur le web. Certains vont même jusqu’à harceler des groupes de femmes.
La première édition de cet ouvrage pionnier paru en 2008 a reçu des échos très enthousiastes jusqu’en Europe. Actualisée et bonifiée, la réédition s’intéresse au nouveau souffle de ce courant résolument antiféministe, qui tend à se cristalliser autour des réseaux sociaux. En plus de documenter le mouvement masculiniste québécois et d’expliquer comment il nuit à l’égalité entre les hommes et les femmes, ce livre expose une facette peu connue du sexisme contemporain et recense plusieurs stratégies de résistance féministe.
Mélissa Blais est doctorante en sociologie et chargée de cours à l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) de l’UQAM. Elle a publié au Remue-ménage « J’haïs les féministes ! » : Le 6 décembre 1989 et ses suites (2009) et codirigé Retour sur un attentat antiféministe (2010).
Francis Dupuis-Déri est professeur en science politique à l’UQAM et responsable du Groupe interdisciplinaire de recherche sur l’antiféminisme (GIRAF) de l’IREF. Il a récemment publié Démocratie : Histoire politique d’un mot (Lux, 2013) et dirigé le collectif À qui la rue ? Répression policière et mouvements sociaux (Écosociété, 2013).
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« Le mouvement masculiniste contemporain émerge dans les années 1980 en Occident, soit à un moment historique marqué par un ralentissement ou même un recul de plusieurs mouvements progressistes (dont le mouvement syndical et le mouvement souverainiste au Québec), un durcissement du marché du travail qui fragilise les conditions matérielles de nombreux travailleurs et travailleuses et un retour en force du conservatisme (Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, Ronald Reagan aux États-Unis, Brian Mulroney au Canada). Ces trois phénomènes vont attiser le mécontentement de plusieurs hommes et pousser certains d’entre eux à chercher un bouc — ou une brebis — émissaire, les féministes et les femmes en général.
L’antiféminisme, comme le racisme, entre donc en résonance avec d’autres dynamiques socio-économiques et politiques, qui exacerbent sa virulence. Ainsi, le racisme comme l’antiféminisme sont généralement moins violents lorsque les hommes hétérosexuels à la peau blanchâtre savent profiter dans diverses sphères de leur vie de reconnaissance, de services et de biens matériels. Ils cherchent des coupables, par contre, quand l’économie décline et que leur condition socio-économique se détériore ou n’est pas à la hauteur de ce à quoi ils estiment avoir droit. On ciblera alors les immigrants et les immigrantes, les accusera de “voler” le travail des nationaux, ou encore les femmes, dont les percées dans l’espace public priveraient les hommes de la place qui leur serait due. Le discours antiféministe décliné sur le mode masculiniste semble donc d’autant plus cohérent et logique qu’il fait écho à des inquiétudes concrètes et qu’il est au diapason des mouvements conservateurs particulièrement forts et influents à partir des années 1980 en Amérique du Nord (voir le chapitre de Diane Lamoureux). Blâmer les femmes permet de détourner la colère de la masse des hommes vers les femmes, évitant ainsi qu’ils ne confrontent les patrons ou les idéologues et politiciens néolibéraux qui sont en fait les vrais responsables de la dégradation de la situation. »
— Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri
Introduction [extrait]
« J’ai choisi d’arrêter d’écrire temporairement pour me protéger de cette violence. Mon expérience, ainsi que celles que m’ont confié d’autres cyberféministes – blogueuses ou non – confirme qu’Internet est un espace hostile aux femmes et au féminisme. [...] Lorsque ces féministes, ces femmes, répliquent, contestent et réagissent à cette violence, elles se font par la suite accuser d’être elles-mêmes violentes. N’est-ce pas la logique même du discours masculiniste ? Injurier les féministes sur les réseaux sociaux et s’attendre à ce qu’elles restent polies, douces et dociles. »
— Sarah Labarre, Les féministes, les réseaux sociaux et le masculinisme.
Guide de survie dans un no woman’s land [extrait]
Engagées, critiques et libres, les Éditions du remue-ménage
publient depuis 1976 des livres féministes.