Édition du 26 novembre 2024

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Le mot F

La ministre responsable de la condition féministe du gouvernement PLQ dit maintenant qu’elle est féministe, après avoir dit qu’elle ne l’était pas. C’est pathétique, et en même temps, cela reflète la pensée de ceux qui nous gouvernent. Il est probable que Lise Thériault ne s’est jamais approchée ni de près ou de loin du mouvement féministe, de ses revendications et de ses luttes. Elle provient de cette médiocre élite économique et du cercle rapproché de ces politiciens professionnels qui occupent l’État en espérant de pouvoir le restructurer au profit du 1 %.

On pourrait trouver ce dernier incident ridicule, et cela l’est, mais il y a au moins quelques bonnes raisons pour ne pas laisser passer cela.

La première et la plus évidente est que c’est le mouvement féministe qui a permis à notre société de sortir de la grande noirceur, au moins en partie, dans lequel on était confinés pendant de longues décennies lorsque nous étions menés par une voyoucratie réactionnaire. Cet avancement a été, comme chacun sait (mais probablement pas Lise Thériault) une lutte, une action volontariste. Par ailleurs, ceux et celles qui penseraient que cette lutte est terminée sont soit ignorants, soit malhonnêtes (ou peut-être les deux, dans le cas de Thériault). Je vous laisse consulter l’abondante documentation (notamment de la FFQ) sur les discriminations systémiques qui continuent de nous accabler et qui indiquent la centralité des revendications féministes dans toute la société. 

La deuxième raison est un peu plus subtile. Thériault, comme Couillard, Letao, Coiteux et les autres, portent très mal leur nom de « libéraux ». S’ils étaient honnêtes, ils diraient qu’ils sont en fait des néolibéraux, à des années-lumière de ce qu’ont été des personnes associées dans le passé au PLQ, et qui avaient eu l’intelligence de comprendre le message qui venait des mobilisations sociales à la base de la révolution-pas-si-tranquille et qui réclamaient non seulement des services, mais aussi l’élargissement des droits pour ouvrir l’accès aux mouvements populaires, autrefois réprimés et confinés dans les marges. Les féministes ont alors fait irruption dans notre société et tout a changé. Or aujourd’hui pour le PLQ et leurs émules ailleurs dans le monde, la société n’existe pas. Il y a des individus qui sont responsables de leurs propres affaires, et quant à l’État, son rôle est d’assurer que tous et toutes aient « leur chances », sans agir sur les causes de ces inégalités qui font que les femmes et les couches populaires en général ne naissent pas et ne vivent pas comme « égaux » avec le 1%. Mais selon les Libéraux, à partir du moment où chacun-e a sa chance, les choses vont s’améliorer dans le merveilleux monde du « libre » marché. La balle est dans le camp des individus, et non de la société, comme le dit l’Institut économique de Montréal, le think-tank du PLQ. Quant aux mouvements populaires, féministes, syndicaux, il faut confiner leur action et les diminuer en les présentant comme de vulgaires « groupes de pression »,

Où cette politique nous conduit-elle ? Pas besoin d’être un génie pour constater la dévastation de notre monde, l’aggravation des écarts, la pauvreté et l’indignité qui grandit partout. Aujourd’hui, les gains arrachés par les mouvements féministes et populaires sont menacés par les politiques austéritaires, les coupures dans les CPE, le rabaissement des conditions dans la santé et l’éducation (où les femmes sont très majoritaires). Le blabla du gouvernement sur l’« égalité des chances » apparaît alors comme une sinistre farce. Aurélie Lanctôt l’a dit, « les libéraux détestent les femmes »…

Mais nous, on ne va pas rester passifs.

Ce qui m’amène à une dernière observation. Les féministes ont confronté et continuent de confronter, le mot n’est pas trop fort, le mouvement populaire. Elles l’ont forcé, jusqu’à un certain point, à se regarder dans le miroir et à intégrer les revendications de cette « deuxième moitié du monde », comme on le disait à l’époque, pour toucher le cœur du problème qui est la question du pouvoir. Dit autrement, le féminisme a changé la cartographie de l’émancipation sociale. Se réclamer du féminisme est maintenant un honneur, un devoir et une opportunité.

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