Surprise, leur chef, le ministre François Blais, est un ancien universitaire progressiste qui, au début des années 2000, a été un ardent promoteur du revenu minimum garanti. Professeur en science politique à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval puis doyen de cette faculté, il a élu député libéral de Charlesbourg l’an dernier. Il a été nommé ministre de l’Emploi et de la (soi-disante) Solidarité sociale par Couillard.
Un revenu garanti pour tous
En 2001, le professeur Blais a publié un livre sur la nécessité d’instaurer un revenu minimum garanti. Expert reconnu en la matière il a même été consulté par Michel Chartrand qui, lui aussi, préparait un livre sur la question afin de soutenir une campagne de mobilisation qu’il a menée par la suite à travers le Québec même s’il était octogénaire. J’ai moi-même assisté à cette rencontre au sortir de laquelle le fougueux syndicaliste s’était dit d’accord avec la plupart de ses propositions.
Jusqu’au moment où il a fait le saut en politique j’avais beaucoup respect pour François Blais. À son invitation j’avais animé un séminaire sur le scrutin proportionnel organisé par le département de science politique de la faculté des sciences sociales il y a quelques années. Sa décision de se joindre aux libéraux m’a donc causé un choc puisque rien dans son parcours n’indiquait qu’il accepterait de devenir le maître d’œuvre des coupures qu’un gouvernement néolibéral imposerait aux assistés sociaux.
D’ailleurs voici comment l’auteur présentait, en 2001, la ligne directrice de son livre intitulé Un revenu garant pour tous : « La mise en place d’un système d’instruction publique et d’un système de services de santé, tous deux gratuits et universels, a constitué, en leur temps, de grandes victoires sociales. Aujourd’hui, face à la crise que traverse l’État providence, nous avons l’occasion, comme société, d’élargir notre solidarité en remplaçant intelligemment les programmes qui composent notre filet de sécurité sociale par une formule plus équitable : le revenu minimum annuel, garanti et inconditionnel, pour chaque citoyen et chaque citoyenne ».
Une attitude méprisante
Quelques semaines après avoir été nommé ministre, Blais a déclaré que le revenu minimum garanti lui semblait « la voie de l’avenir » et qu’il « verrait d’un bon œil une petite révolution fiscale en ce sens au Québec ». Mais en même temps il confirmait que son ministère subirait de fortes compressions pour contribuer à l’atteinte du sacro saint déficit zéro. Quelle incohérence ! Comme dirait Michel Chartrand, « il y a des coups de pied au cul qui se perdent ».
Le 28 janvier dernier, le ministre a annoncé que son gouvernement sabrait un autre 15 millions $ dans le programme d’aide sociale. Ces coupures sont d’ailleurs devenues un rite annuel pour Québec que le gouvernement soit libéral ou péquiste. Pour justifier sa décision il a notamment ressuscité la caricature du prestataire de l’aide sociale qui travaille au noir pour aller en Floride.
En réponse à ce genre de stéréotype la porte-parole parlementaire de Québec solidaire, Françoise David, a déploré : « C’est une attitude méprisante qui stigmatise les gens les plus vulnérables. Arrêtons de chercher des bibittes qui n’existent pas et trouvons plutôt des solutions aux problèmes réels des prestataires. ». Puis elle s’est demandé : « Où est passé le François Blais qui défendait les pauvres. Quel dommage qu’il mette maintenant son expertise au service d’un gouvernement qui les méprise ! »
Québec solidaire est le seul parti qui propose d’offrir un revenu minimum de 12 000 $ par année à chaque individu de plus de 18 ans comme l’avait proposé M. Blais dans son livre. Ce parti n’a d’ailleurs pas été le seul à dénoncer les récentes coupures. Des protestations se sont fait entendre un peu partout au Québec.
Paul Cliche,
Montréal, 3 février 2015