De quoi redonner du baume au cœur … et pourtant ça avait mal commencé. Quelques jours avant la grève (annoncée depuis septembre), on apprenait que le gouvernement ne communiquerait pas l’intégralité de la réforme. Au lieu d’informations claires et précises nous avons eu droit à un défilé de ministres nous expliquant que cette réforme était « égalitaire », « plus juste », « nécessaire », « salutaire ». Jolie tactique, car autant il est facile de lutter contre une perte de revenus de X €, autant ce n’est pas simple de protester contre l’égalité et la justice …
Pour noyer un peu plus le poisson, le gouvernement a choisi un angle d’attaque bien précis : les régimes spéciaux. En effet, dans le système de retraite actuel il existe 42 régimes spéciaux concernant les salariés du secteur public et de certaines branches industrielles. Des régimes qui tiennent compte de la pénibilité du travail (comme pour les cheminots) ou du bas salaire de base (comme pour les enseignants). Hors, la réforme de Macron consiste avant tout à imposer un même système pour tous et à supprimer ces régimes spéciaux. Certains vont y perdre beaucoup ! (600€ par mois pour les enseignants par exemple).
Face à la grogne, leur première excuse sera : « c’est une grève des privilégiés qui se prépare, ceux qui ont de bons systèmes de retraite ne veulent pas jouer le jeu de la solidarité, ils veulent garder leurs avantages. »
Mais cette basse manœuvre ne prend pas … Les français ne sont pas idiots, ils savent que ces régimes spéciaux n’ont pas été mis en place par hasard, ils ont une raison d’être. Mais ils savent surtout que certains régimes très spéciaux seront épargnés par la réforme et que ceux là, on ne leur en parle pas. Par exemple le régime des sénateurs qui, après un simple mandat de 6 ans, bénéficient de 2040 euros par mois …
Et mieux encore, le régime de celui qui vient nous demander un effort collectif, le régime présidentiel : liquidation de la retraite dès 60 ans (alors que la réforme prévoit un départ à 64 ans minimum pour tous les travailleurs), 6000 €/mois de pension + 11500 €/mois en tant que membre du conseil constitutionnel + une équipe de 7 secrétaires personnels + 1 collaborateur pour le conjoint + 2 policiers en garde personnelle et une équipe de surveillance pour le domicile + un logement de fonction meublé et équipé (dont tous les frais y compris le téléphone sont payés par l’état) + une voiture et 2 chauffeurs + le train et l’avion en première classe gratuit … tout ceci à vie ! Voilà un régime spécial intéressant ! En moyenne, un retraité présidentiel coûte aux français 1 361 000 euros par an ! Le double d’un président américain … Et on nous dit que les privilégiés sont les instituteurs et les cheminots !
Une autre chose étrange … Le deux décembre, trois jours avant la grève générale, les policiers déposent symboliquement leurs armes et menacent le gouvernement de ne plus le défendre s’il touche à leurs retraites. Le lendemain, le ministre de l’intérieur annonce que les policiers ne seront pas concernés par la réforme. Quoi ? Quelle injustice ! Pourquoi ne pas faire profiter nos braves forces de l’ordre d’un système plus juste, plus égalitaire où tout le monde est gagnant ???
Aujourd’hui on apprend que Jean Paul Delevoye, l’homme chargé de mettre en place cette réforme a « oublié » de notifier dans sa déclaration d’intérêts qu’il a des liens avec le monde des assurances … Étrange quand on sait que la retraite à points proposée par le gouvernement va propulser le marché très juteux des assurances privées !
Le voilà le véritable problème … Je crois qu’aujourd’hui, les gens ne se révoltent pas seulement contre une réforme à laquelle personne ne comprend rien (pas même ceux qui la font), ils ne vont pas dans la rue seulement pour défendre leurs petits privilèges qui leur permettent tout juste de vivre dignement, ils s’unissent contre un modèle social. Un modèle injuste, illogique et pervers.
Ce système, nous le connaissons tous, nous y participons tous, c’est celui qui dit que le temps c’est de l’argent, que chaque homme a son prix et que tout se négocie. C’est celui qui dit que l’homme pauvre peut demander des aides quand l’homme riche a droit à des subventions, lui qui met les nations en concurrence et les unions en compétition. C’est ce système qui réduit les chiffres du chômage en modifiant les droits d’accès au chômage plutôt qu’en créant des emplois, qui règle le problème de la pauvreté grandissante en supprimant l’observatoire de la pauvreté. Ce système est malade. C’est un cancer qui a finit par se propager bien au delà de notre humanité pour contaminer notre terre et tous ceux qui y vivent. On dit que la première réaction d’un malade atteint d’un cancer est le déni, il continue à faire comme si tout allait bien jusqu’à ce que l’évidence s’impose. Et c’est ce que nous avons fait, partout dans le monde nous avons vécu malgré la maladie, comme si tout allait bien. Nous l’avons laissée se propager.
Mais il semble que nous arrivions au point de non retour, à ce moment où notre cancer nous empêche de vivre. Qu’il soit économique, écologique ou social on ne peut plus ignorer le problème. Partout dans le monde des voix s’élèvent, toujours plus fortes et plus nombreuses, pour dire qu’il est temps de se soigner et de trancher ce qui nous contamine.
Les preuves de la toxicité de ce système ne manquent pas, tenez par exemple, je suis tombée sur ce petit calcul tout simple qui fait froid dans le dos : la fortune de notre fierté nationale, Bernard Arnault, s’élève aujourd’hui à 109 Milliards d’euros (enfin ça date de quelques jours et comme ce monsieur gagne 800 euros par seconde … voilà voilà). Si Lucy, notre plus vieille ancêtre, avait gagné un SMIC de sa naissance à aujourd’hui (3,2 millions d’années) sans jamais rien dépenser, elle n’aurait que 46 Milliards en poche … deux fois moins que Bernard Arnault.
Comment peut-on tolérer de telles choses, me direz vous ? Comment peut-on accepter que des enfants meurent de faim quand d’autres gagnent de quoi les nourrir tous ?
Par le mensonge. Tout simplement. Aujourd’hui, le mensonge s’appelle « élément de langage » ou politique … il n’en reste pas moins un mensonge, une mise en scène.
Nous sommes gouvernés par des gens qui usent du mensonge dans chacun de leurs mots ou de leurs actes. En France, nous avons un champion, un président qui, après avoir insulté son peuple durant deux ans (des gaulois réfractaires, ceux qui ne sont rien, des fainéants etc …) déclare avec aplomb « Vous ne m’avez jamais entendu manquer de respect à qui que ce soit. »
A-t-on à faire à un malade atteint d’un syndrome de La Tourette aggravé d’un sévère Alzheimer ? Ou à un menteur pathologique ? C’est une question rhétorique, cet homme est évidemment un menteur de la pire espèce qui pense que parce qu’on dit une chose on la rend réelle. Et ça marche … chez certains. Certaines personnes sont tellement perdues qu’elle croient ce qu’elles entendent, notre système cancéreux leur a ôté la vue. Alors ils en usent et en abusent, ils déclarent avec fierté s’être réunis pour discuter en réunion de l’éventualité d’une discussion sur le réchauffement climatique et … miracle, les voilà héros de la planète ! Ils répètent sur tous les plateaux TV « les français savent bien que les retraites vont devoir baisser, ils ont raison » alors puisqu’on a raison de penser ça … pensons le !
Mais tout ça va bien au delà de nos retraites, de nos frontières, de nos générations. Non, les français ne sont pas dans la rue pour défendre leurs privilèges ! Dans les cortèges, les pancartes disent « fin du monde, fin du mois, même combat », « un jour les pauvres n’auront plus rien d’autre à manger que les riches », les chants réclament la justice pour tous, les gens avant l’argent, etc …
Partout on se réveille, les gens ouvrent les yeux (malheureusement pour se les faire crever par la police), et soudain ils voient le stratagème.
Récemment nous avons fêté les un an du mouvement des gilets jaunes. Un an de manifestations tous les samedis, ça n’est pas rien. Pour ce jour exceptionnel, une grande manifestation était attendue, elle avait été déclarée en bonne et due forme et le préfet avait imposé un itinéraire. Il avait choisi la place d’Italie. Chose étrange, en arrivant sur la place, les manifestants remarquent qu’elle est en travaux et qu’il y a à leur disposition des tas de pavés, un marteau piqueur, des barrières d’acier etc … le Noël des casseurs ! Cadeau ! Quel heureux hasard !
Avant même que la manifestation ne commence, juste au moment où tout le monde se met en place, le préfet déclare que certaines personnes ont commis « des violences » (entendez par là ont tagué une banque ou lancer un pavé) et que donc il est obligé d’interdire la manifestation. En une déclaration, tous les manifestants pacifiques venus là pour exercer leur droit deviennent des hors la loi, la police encercle la place et les nasse, les matraque, les gaze. Les gens qui sont venus ce jour là, ceux qui sont passés par là par hasard, ont tous vu l’évidence : un état policier qui tente de traumatiser la population pour la dissuader de revenir en manifestation, un piège, une trahison.
Effet pervers de toute menace, si elle ne dissuade pas elle encourage. Ceux qui étaient place d’Italie ce jour là ont compris, ils voient désormais et ils reviendront. Ils parleront à leurs proches qui à leur tour raconteront leur histoire et ils reviendront toujours plus nombreux. Certains en parleront plus loin, au delà des frontières et d’autres leur répondront « ici aussi on comprend, ici aussi on est réveillés » et ils finiront par se rejoindre.
Le mensonge que nos États ont construit est le même pour tous, ici en France, ou chez vous quelque soit le pays, le mensonge est mondial. Alors la révolte devra se mondialiser elle aussi si elle veut pouvoir l’abattre.
Oui, nous devons continuer de lutter pour conserver nos acquis mais ça ne suffira pas. Cela fait des années que les français luttent pour leurs retraites, que les québécois luttent pour leurs hôpitaux, que les chinois luttent pour leur démocratie … et rien ne change. Parce que nous ne devons pas lutter pour garder ce que l’on a mais pour changer ce qui peut l’être. Nous devrions lutter pour que plus jamais aucune génération n’ait à défendre sa retraite, ses hôpitaux, son droit de vote. Nous devrions exiger un renouveau du système, car à chaque droit que nous parvenons à garder individuellement, on nous en ôte un autre en compensation, à nous ou au voisin. Et je crois que nous sommes tous fatigués de nous battre pour défendre des lambeaux d’un système qui nous tue...
Si demain, les 99% d’oppressés se dressent contre les 1 % de privilégiés … pas besoin d’être un génie pour savoir qui gagnera. Alors, oui, je sais, il faut trouver un meilleur système pour remplacer l’ancien, ce sera le chaos, l’anarchie tout ça tout ça … Des solutions existent, beaucoup de solutions différentes, les penseurs de tous temps ont imaginé des centaines de systèmes sociaux divers qui n’attendent que nous pour prouver leurs valeurs. Alors qu’attendons nous ? Préférons nous perdre un œil ou une main pour gagner le droit de travailler toute une vie pour un salaire de misère ou choisissons nous de risquer le tout pour le tout ?
Nous avons internet pour nous rassembler et nous cultiver, nous avons des problèmes et des espoirs communs, des intérêts communs … il ne nous manque plus que le courage.
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