Celle-ci exacerbe la crise à laquelle une proportion considérable de ménages locataires sont confrontés, et ce, en pleine saison du renouvellement des baux et de la recherche de logements. Faut-il souligner que, à Montréal, près d’un ménage locataire sur cinq consacre 50 % et plus de son revenu aux dépenses de logement ?
Cette crise a soudainement permis de redécouvrir les vertus de l’interventionnisme d’état comme recours ultime afin de soutenir l’économie, le revenu et la survie des entreprises. Soudain, des budgets considérables sont dégagés par le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec. Il s’agit toutefois de mesures d’urgence qui visent le maintien des activités courantes. Une fois la crise surmontée, les mêmes gouvernements devront faire de nouveaux choix afin de rétablir le fonctionnement de l’économie à long terme, mais aussi de compenser les pertes subies par la population, principalement la plus vulnérable.
Déjà des économistes les interpellent afin de les inciter à investir dans les infrastructures considérées comme le fondement de notre économie. Le gouvernement Legault semble avoir entrepris un tel virage en constituant une escouade de sortie de crise formée de ses ministres économiques. Le député Sylvain Gaudreault, lui, est allé jusqu’à mettre de l’avant un « plan Marshall » misant avant tout sur des infrastructures vertes en vue de réaliser la transition énergétique et écologique. Et il propose donc d’inclure les ministres de l’Environnement et de la Santé dans l’escouade de sortie de crise.
Lorsqu’on parle d’infrastructures, on pense habituellement transport, routes, travaux municipaux. Or, le logement en fait aussi partie. Et non seulement il agit comme moteur économique, mais plus encore il représente un déterminant majeur de la santé et il joue un rôle essentiel dans la lutte à la pauvreté qui se sera fortement accrue au cours de la présente crise sanitaire. Il serait sans doute avisé alors d’adjoindre à cette escouade la ministre responsable de l’habitation.
Rappelons que le gouvernement fédéral avait justement choisi d’investir dans la production de logements publics afin de surmonter la crise économique des années 30, de répondre à la pénurie et à l’insalubrité des logements et de convertir le Canada à une économie de paix après la Seconde Guerre mondiale. C’est ce qui a donné lieu à l’adoption de la Loi nationale sur l’Habitation en 1944 et à la création de la Société centrale d’hypothèques et de logement en 1946.
Les différents paliers de gouvernement ont déjà en main les moyens d’intervenir dans le secteur du logement, principalement dans le logement social et communautaire (coopératives et organismes à but non lucratif). Malheureusement, là comme dans d’autres domaines sociaux, ils ont fait preuve de négligence et de manque de volonté politique. Il est temps qu’ils donnent un sérieux coup de barre et qu’ils mettent en œuvre les politiques à leur disposition pour faire du logement social et communautaire non seulement un outil de redressement économique, mais surtout une solution aux besoins de base des couches de la société les moins nanties et les plus éprouvées par la pandémie.
Du côté fédéral, il importe de mettre de côté les divergences constitutionnelles et de conclure au plus tôt avec le Québec l’entente permettant de mettre en œuvre la Stratégie nationale sur le logement lancée en novembre 2017. Rappelons que le Québec est la dernière province qui attend toujours la conclusion d’une telle entente qui mettrait à sa disposition des transferts fédéraux de 1,4 G$.
De son côté, le gouvernement du Québec est mal venu de se servir de ce prétexte pour se priver d’investir dans le développement de nouveaux logements sociaux et communautaires, ce qui a été le cas dans les deux derniers budgets. Avec les surplus considérables dont il disposait à son arrivée au pouvoir, et plus encore cette année, le gouvernement caquiste avait les ressources voulues pour ce faire. Maintenant, il peut faire du logement social et communautaire l’un de ses outils privilégiés de sortie de crise, mais aussi de transition écologique.
Quant à la ville de Montréal, elle entend se doter du Règlement pour une métropole mixte obligeant désormais les promoteurs privés à inclure dans leurs projets immobiliers 20 % de logements sociaux,
20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux. Nettement souhaitable, ce règlement n’entrera toutefois en vigueur qu’en 2021. Cela étant, il faut à tout prix éviter d’en détourner le sens initial.
De fait, avec ce règlement, il s’agit pour la Ville de pouvoir influer sur le marché immobilier en vue d’accroître la production de logements sociaux et communautaires. Or, l’on entend parfois présenter ce règlement comme devant être la norme pour tout projet immobilier, ce qui aurait l’effet inverse de réduire le potentiel de développement de logements sociaux et communautaires. Il importe d’insister ici sur le fait qu’un tel règlement ne concerne pas les projets d’aménagement où la Ville est propriétaire de plein droit des terrains, comme dans le secteur de l’Hippodrome, ni où elle peut exercer son droit de préemption, comme dans le secteur Bonaventure ou le secteur des Faubourgs. Dans de tels cas, la Ville dispose des pleins pouvoirs pour affecter en totalité les terrains au développement de logements sociaux et communautaires. Une telle option s’impose désormais d’autant plus que la Ville a elle aussi un rôle à jouer pour surmonter la crise sanitaire actuelle qui aggrave celle du logement. Cela étant, pour atteindre ses objectifs, Montréal a absolument besoin de la contribution des autres paliers de gouvernement.
Si l’on reconnaît l’harmonie qui règne en ce moment entre les divers ordres de gouvernement, il importe que nos élu(e)s conservent le même esprit de collaboration afin de s’attaquer conjointement au problème du logement et d’y apporter une solution durable en fonction de leurs pouvoirs respectifs.
Louise Constantin
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