Édition du 5 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Écosocialisme

Le greenwashing à la sauce PQ

Savez-vous ce qu’est le greenwash ? C’est une opération qui consiste à camoufler une activité polluante par le biais de discours, entre autres publicitaires, à saveur écologique. Ainsi, des compagnies de lessive et de meubles vont prétendre que leurs produits sont inoffensifs pour l’environnement ou qu’ils sont verts. On mettra de l’avant que la lessive est maintenant sans phosphate et que les meubles n’ont pas contribué à la déforestation en Amazonie, mais on omettra de parler de tous les autres problèmes.

L’auteure est militante écosocialiste.

Par exemple que lesdites lessives viennent dans des contenants en plastiques polluants ou que les chaises sont faites en Malaisie et que ce sont, en vérité, de très longs trajets pour transporter ces objets qui génèrent de la pollution. Ces opérations visent à séduire les consommateurs, inquiets de leur empreinte écologique et du peu de contrôle qu’ils ont en la matière, pour in fine changer leurs habitudes d’achat en faveur de leurs produits.

D’aucuns diront que c’est bien beau l’écologie, mais qu’on doit encore laver nos vêtements et s’asseoir sur une chaise quand on mange notre repas. Indiscutablement. Ce qu’on ne dit jamais, par contre, c’est que si nous voulons sauver la planète, il va falloir changer de logique. On ne peut infléchir les changements climatiques en consommant plus. Point barre.

Ce n’est qu’en consommant moins et mieux que l’on y arrivera. Sommes-nous prêts pour ce changement ? Honnêtement, à part quelques individus particulièrement vertueux - dont je ne fais pas partie, je l’admets -, nous n’y sommes pas rendus. Parce que les alternatives existantes sont peu nombreuses et coûteuses, on ne peut sauver la planète sur une base individuelle. Il faut être riche pour faire une épicerie entièrement bio et équitable, ce n’est que rarement à la portée des familles.
L’empreinte écologique est un leurre, car, même avec la meilleure des volontés, on ne peut la faire disparaître complètement, à moins de vivre comme un amish et sans téléphone. Doit-on abandonner le combat et laisser la planète mourir ? Bien sûr que non, mais il faut mettre nos énergies à la bonne place, soit dans la sphère politique, car c’est l’instance collective à laquelle nous déléguons notre pouvoir individuel. Pour freiner la pollution, le seul moyen possible demeure des lois et des règlements contraignants, le respect de la santé du plus grand nombre l’exige. Nous devons être des citoyens vigilants et exiger de nos politiciens qu’ils prennent de bonnes décisions en mettant de l’avant des politiques vertes.

Il faut arrêter de subventionner l’industrie pétrolière et diminuer notre dépendance aux hydrocarbures par une offre accrue de transport collectif et non de voitures individuelles, même électriques. Et quand c’est possible, laisser les gens travailler à la maison au lieu de les obliger à se déplacer au bureau. Il faut éliminer l’obsolescence programmée et augmenter la durabilité des produits. Ce ne sont pas des sujets dont on discute en développement durable et en gouvernance verte, parce que ces termes dissimulent un abandon des principes devant le libre marché et la toute-puissance de l’économie.

Alors, quand des politiciens utilisent leur passé d’écologiste pour avancer des affirmations qui conviennent particulièrement au modèle de développement sale de leur gouvernement, on ne peut qu’être déçu. « Même appliquée simplement aux pays industrialisés et donc au Québec, la décroissance économique comme prémisse du développement durable nie le fait qu’un développement respectueux de la nature est possible. C’est faux », affirme Scott Mc Kay pour justifier les timides mesures réglementaires des péquistes à propos des mines et du moratoire contre le gaz de schiste. Ainsi, suivant cette logique, il faudrait exploiter le pétrole de schiste - obtenu par fracturation hydraulique qui sera interdite dans les Basses-Terres du Saint-Laurent, mais seulement dans le cas du gaz, pas dans celui du pétrole - pour se guérir de notre dépendance au pétrole (o-0).

Notre brave politicien, ne se laissant démonter par rien, continue :
« Comme l’affirmait avec pragmatisme le président de l’AQLPA, André Bélisle, au moment de l’annonce de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec : Je consomme du pétrole et je vais en consommer encore pendant un certain temps, alors je pense que c’est possible d’exploiter le pétrole québécois pendant la période de transition. »

Bon, si un écologiste l’a dit, ça doit être vrai. Je suis fort surprise que ce soient les paroles exactes du président de l’AQLPA, celui-là même qui s’inquiétait, parmi les premiers, dans le dossier du gaz de schiste. Les puits de pétrole de schiste ne feront pas de bulles de méthane ? On ne brûlera pas de gaz à la torchère ? Il n’y aura pas d’émanations toxiques ? Consommons donc du pétrole de schiste et faisons passer des pipelines de pétrole bitumineux pour améliorer notre bilan de carbone. Ensuite, répétez après moi 2 +2 = 5.

Le 26 novembre dernier, en commission parlementaire, Amir Khadir a mis au défi les députés écologistes du PQ de rompre les rangs, car, selon lui, il y a des limites à se dire écologiste et à défendre des projets pétroliers majeurs. Riposte de Mc Kay : « M. Khadir ne comprend pas grand-chose aux principes écologistes, il aurait avantage à lire mon livre ». Inutile, il ne parle pas la novlangue politicouillonne.

Le ministre Blanchet, quant à lui, y va de ses lapalissades : « La planète n’est pas en mesure, à très court terme, d’être indépendante des produits pétroliers. »

Oh non, ce n’est pas la planète qui a besoin de pétrole, c’est surtout les nations développées... Ce n’est pas parce que nous sommes dépendants du pétrole qu’il faille lui faire des ponts en or. La Colombie-Britannique et les États-Unis ne veulent pas des sables bitumineux et nous, on les prendrait ? En plus, pour être sûrs de faire une meilleure transition, on laisserait bâtir un port méthanier à Cacouna ?Pour un Québec vert et bleu et indépendant ? Non, pas trop, disons plutôt un Québec pollué, pauvre et à la botte du Canada.

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