Le débat souverainiste est mort. Le référendum l’a crucifié. La décennie Charest a roulé la pierre du sépulcre. Ressuscitera-t-il ?
Depuis son élection, le Parti Québécois tente timidement de réanimer ce débat enterré. C’est à l’aide de dossiers comme l’assurance-emploi que notre gouvernement tente d’établir les bases d’un nouveau débat souverainiste.
Cependant, la méthode utilisée pour ranimer ce débat est stérile d’un point de vue intellectuel. Ce problème menace d’être endémique pour l’ensemble du mouvement souverainiste. On milite en faveur de la souveraineté à l’aide d’arguments défensifs. On justifie l’utilité de l’indépendance par la nécessité de se défendre contre l’Autre.
Or, la nation québécoise possède maintenant les principaux outils pour se défendre. Dans la plupart des cas, l’obstacle à notre préservation est nous-même. La protection de la langue française en fait foi. Cette protection dépend maintenant du courage politique du gouvernement québécois plutôt que d’une influence du fédéral.
Ne nous méprenons pas. Il fut une époque où la souveraineté se justifiait par la résistance. Il fallait survivre aux stratégies systémiques du conquérant britannique. Cette volonté d’indépendance répondait à des mesures colonialistes d’assimilation de la population francophone, à des assemblées législatives déséquilibrées, à une suprématie économique anglaise. Pourtant, on ne tente plus de nous coloniser : nous choisissons même jusqu’à un certain point nos propres immigrants. Nous tenons les rênes de notre Assemblée nationale. Et les Québécois sont devenus maîtres de leur économie. L’influence financière extérieure est maintenant celle des investisseurs internationaux. Une influence qui n’est étrangère à aucun pays souverain.
Reste le Parlement canadien. Une institution politique soumettant encore la nation québécoise à la volonté de l’Autre. Or, tout indique qu’après une sécession, les valeurs guidant le Québec seraient semblables à celles qui habitent présentement le Parlement canadien.
Nous sommes forcés de constater que les décisions du gouvernement québécois et du gouvernement canadien ont été guidées par les mêmes valeurs au cours des dernières décennies. Le Parti Québécois fait subir aux bénéficiaires de l’aide sociale provinciale des réductions de prestation, miroir de ce qui s’annonce pour les bénéficiaires de l’assurance-emploi fédérale. On remarque aussi que le gouvernement péquiste multiplie les coupures en culture ; un type de coupure qu’il dénonçait autrefois alors qu’elles étaient perpétrées par le gouvernement Harper. Ce comportement se répète également dans d’autres dossiers, ce qui démontre que la nation québécoise partage un grand nombre de valeurs avec le reste du Canada. Malgré quelques dissonances, on ne peut prétendre qu’un Québec indépendant s’orienterait différemment sur la question sociale.
Pourtant, le mouvement souverainiste nous oppose toujours au gouvernement canadien. Les valeurs de ce dernier seraient contraires à celle de notre Québec social-démocrate. Or, si le Nouveau Parti démocratique prenait le pouvoir, manquerait-il de raisons de faire sécession du Canada ? Avec le discours souverainiste qu’on nous sert aujourd’hui, il semble que oui. Cette opposition gauche-droite ne permet pas une justification durable de la souveraineté.
L’argument par défense contre l’Autre est faible, pauvre sur le plan intellectuel. Il ne permettra pas de convaincre. L’asservissement de la nation québécoise date d’une autre génération. L’argument par défense ne peut plus justifier la souveraineté.
Le débat souverainiste doit ressusciter autrement. Il ne faut plus se demander comment l’Autre nous brime, mais plutôt ce que Nous pourrions réaliser en tant que nation souveraine. Le rêve souverainiste doit passer d’un rêve défensif à un rêve constructeur, créateur. Réorienter le débat vers l’utilité d’une souveraineté au Nous lui donnera un nouveau souffle de vie. Le mouvement souverainiste sera alors capable de pousser le roc fédérateur, de sortir du sépulcre.