Tiré de Entre les lignes et les mots
Nous luttons pour construire une société où les droits des femmes sont effectifs, où notre autonomie est garantie, où les violences sexistes et sexuelles ne s’exercent plus. Comme nous l’indiquons dans notre charte des valeurs, nous sommes laïques. Nous constatons, que « dès que le pouvoir politique est influencé ou se confond avec le pouvoir religieux, les droits des femmes sont attaqués et reculent. Nous refusons que les religions, affaires de foi et de croyance, aient une place dans l’État et dans le champ politique. Nous pensons la laïcité comme une condition préalable, un moyen à l’émancipation des femmes et à la mise en place de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. » Or, le Pape est accueilli par nos représentants politiques, le Président Macron envisage d’assister à la messe. Des moyens considérables sont alloués pour garantir la sécurité du Pape et lui assurer un accueil fastueux.
La venue du Pape accentue les divisions au sein de la société.
Le Pape représente le Vatican et l’Eglise. Que doivent alors penser les athées et les croyant.es d’autres religions devant ce déploiement de faste et ce tapage médiatique ? Ce sont pourtant l’ensemble des habitant.es qui contribuent à financer cette visite et personne ne peut croire, qu’un accueil équivalent sera, cette année, organisé pour des représentants religieux de même rang, issus d’autres religions. Nous dénonçons alors l’instrumentalisation de la laïcité, qui ne consiste ici qu’à asseoir le pouvoir de l’Eglise catholique.
La visite du Pape véhicule des valeurs et des principes conservateurs et rétrogrades.
Nous pensons que les organisations politiques, syndicales et la société civile assument la responsabilité de faire de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes une priorité dans l’ensemble des domaines. Sensibiliser la population pour changer les mentalités est indispensable pour que les inégalités ne soient plus une fatalité et pour enfin transformer le quotidien de chacun-e. Or, en 2015, le Pape a déclaré au sujet du féminisme : « Il s’agit de colonisation intellectuelle. Ils colonisent les peuples avec des idées qui cherchent à changer les mentalités et les structures (…). Mais il n’y a rien de nouveau. Cela a été fait par les dictatures du siècle dernier, a-t-il déclaré, citant les jeunesses hitlériennes et ‘Opera Nazionale Balilla’, leur homologue italien fondé sous le régime de Mussolini. » En 2019, au cours d’un sommet exceptionnel au Vatican portant sur les violences sexuelles sur mineur.es dans l’Eglise, il a encore déclaré : « Inviter une femme à parler, ce n’est pas entrer dans la mode d’un féminisme ecclésiastique, parce qu’à la fin, chaque féminisme finit par être un machisme avec une jupe ». Il assume donc de renvoyer dos à dos machisme et féminisme ; et de sa posture d’autorité, il contribue ainsi à renforcer la confusion sociale au sujet du féminisme. Il oublie bien vite que le féminisme ne génère ni agressions sexuelles, ni viols, ni meurtres… contrairement au machisme !
Nous ne souhaitons pas que des hommes nous invitent à parler ! Nous voulons parler en tant qu’égales et prendre notre place à tous les postes en tant qu’égales ! Mais au Vatican et dans l’Eglise nous en sommes loin. D’après les chiffres publiés par le Saint-Siège en 2023, la proportion de femmes n’a augmenté que de 4,2% depuis le début du pontificat en 2013. En dix ans, la proportion de femme n’est passée que de 19,2% à 23,4% !
Le Pape défend la complémentarité entre les femmes et les hommes, il s’oppose à l’égalité !
Le Pape ne rompt pas avec ses prédécesseurs. Il assigne et réduit les femmes à des rôles sociaux différents de ceux des hommes. Il associe les femmes à l’Eglise et déclare ainsi en 2013 « l’Église est féminine, épouse, et mère ». La même année, il ajoute « C’est un peu la mission des mamans et des femmes que de témoigner à leurs fils, petits-fils, que Jésus est vivant, ressuscité ». C’est à se demander où sont passées les filles et les petites-filles… ? Il ajoute « Les femmes ont eu et ont encore un rôle particulier pour ouvrir les portes au Seigneur », la transmission de la foi se fait par « la voie du cœur ». Il revendique ainsi les stéréotypes qui nous condamnent, nous les femmes, à nous limiter aux rôles d’épouses et de mères des fils. Nous nous voyons limitées à la « voie du cœur », quand les hommes eux, peuvent se réserver la « voie de la raison ».
Le Pape défend l’hétérosexualité, il s’oppose à l’homosexualité
En janvier 2023, il a déclaré « l’homosexualité n’est pas un crime, mais c’est un péché ». Il a ensuite persisté en déclarant se baser sur « l’enseignement moral catholique ». En 2018, dans un livre publié dans dix langues, il avait déjà déclaré « L’homosexualité est une question très grave qui doit faire l’objet d’un discernement adéquat des candidats à la prêtrise et à la vie religieuse. Dans nos sociétés, il semble même que l’homosexualité soit à la mode et cette mentalité, d’une certaine manière, influe aussi sur la vie de l’Église. C’est quelque chose qui m’inquiète ». La même année, à un journaliste qui lui demandait ce qu’il dirait à des parents constatant les orientations homosexuelles de leur enfant, il a répondu « Quand cela se manifeste dès l’enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. C’est autre chose quand cela se manifeste après 20 ans ». Le Pape contribue alors à propager l’idée reçue selon laquelle l’homosexualité est une maladie mentale dont on pourrait guérir, ou que l’on pourrait attraper à tout âge. Quand l’on sait les ravages causés par les thérapies de conversion, quand l’on sait les discriminations et les violences subies par les personnes homosexuel.les, quand chaque année nous pouvons encore compter les personnes tuées parce qu’elles sont homosexuel.les, on prend alors la mesure de la responsabilité du Pape et de l’Eglise !
Le Pape défend une sexualité limitée au mariage. Il s’oppose à la contraception et à l’avortement !
En 2023, le Pape affirmait encore que « tout acte sexuel en dehors du mariage est un pêché ». En 2015, 265 évêques et cardinaux ont remis au Pape le rapport du Synode sur la famille. Ce rapport se montrait inflexible sur la contraception et sur le port du préservatif… Le Pape a accusé « les pays et organisations internationales de promouvoir la doctrine de la contraception ». En 2014, il ose un raccourci terrible en déclarant que « l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables ». En 2018, dans son homélie prononcée lors de sa traditionnelle audience sur la place Saint-Pierre, au Vatican, il déclare « Interrompre une grossesse c’est comme éliminer quelqu’un. Est-il juste d’éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il juste d’avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème ? Ce n’est pas juste de se débarrasser d’un être humain, même petit, pour résoudre un problème. C’est comme avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème ». L’avortement a été conquis de haute lutte en France. 41% des femmes dans le monde vivent encore dans un pays qui restreint l’avortement, notamment pour des raisons religieuses. Ces propos viennent justifier le fait que des femmes soient emprisonnées dans certains pays pour avoir avorté ! Ces propos nous privent de liberté dans nos sexualités, ils nous confisquent nos corps et nous empêchent de choisir si l’on souhaite avoir un enfant. Il nous met en danger : c’est un droit que l’on peut perdre, comme nous le voyons aux Etats-Unis, et nous n’oublions pas qu’une femme meurt toutes les 9 minutes des suites d’un avortement clandestin (OMS) ! Nous sommes solidaires des femmes qui partout luttent pour défendre ou acquérir le droit à l’avortement !
Le Pape ne défend pas suffisamment les victimes de violences sexuelles au sein de l’Eglise et ne condamne pas concrètement les agresseurs et les violeurs !
En 2019, le Pape déclare, lors d’une messe au Vatican, que les violences sexuelles sont liées à « Satan ». « Nous sommes aujourd’hui face à une manifestation du mal flagrante, agressive, destructrice ». Nous pouvons alors nous demander, quelles mesures concrètes il envisage pour combattre Satan et faire en sorte qu’il n’y ait plus aucune victime… ?! Le rapport de Jean-Marc Sauvé, président de la Ciase, a permis d’affirmer que 330 000 personnes avaient été victimes de violences sexuelles dans l’Église, ces 70 dernières années ! En réponse, le Pape a notamment proposé d’instaurer une « journée de prière pour les victimes de violences sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience au sein de l’Église » Sauf que dans le dossier d’animation transmis par l’Eglise, rien ne va ! Pas une ligne pour dénoncer et condamner les agresseurs et les violeurs ! Nous pouvons y lire quantité de phrases, qui n’engagent pas la responsabilité des adultes pour faire cesser les violences. Les victimes sont invitées à s’en remettre à Dieu… : « Saint Paul nous rappelle que l’espérance ne déçoit pas, l’amour de Dieu nous a été donné. Aujourd’hui, Seigneur, accueille toutes celles et ceux qui sont blessés dans leur corps, dans leur cœur ; que ton Esprit les accompagne dans l’épreuve afin que l’espérance renaisse et jamais ne faiblisse. » Pire, dans le chemin de croix préconisé lors de cette journée, il est conseillé de dire « J’ai réalisé que je n’aimais pas que l’on me touche, et que l’on touche mon corps. Et ça, ça a été pendant très longtemps et je ne savais pas pourquoi. » Ce genre de phrases et ces recommandations entretiennent les inversions de responsabilités, en faisant croire que le problème vient du fait que « l’enfant n’aimait pas », plutôt que de dire très clairement qu’un adulte n’a pas le droit de toucher un.e enfant ! Plus loin dans le texte, au lieu de dénoncer et de condamner, nous trouvons un « appel à se préparer au pardon mutuel » ! A quand le renvoi systématique des prêtres fautifs, la révocation des évêques qui ont protégé des coupables, la publication des archives sur les violences et leur dissimulation ?!
Le Pape François n’a rien de moderne ou de progressiste !
Dire qu’il n’est pas le pire des papes, ni le plus conservateur, ni le plus réactionnaire, en dit long sur ceux qui l’ont précédé compte tenu des propos qu’il assume ! Nous ne pouvons normaliser ses prises de position, quand on connait leurs effets très concrets en termes d’exclusion sociale, de discriminations, de violences, de viols, d’assassinats. Ces positions vont à l’encontre de l’égalité entre les femmes et les hommes et contribuent à perpétuer les violences sexistes et sexuelles. Nous, féministes, nous nous demandons comment, en 2023, un tel accueil peut être organisé dans notre ville pour un Pape, et nous nous inquiétons des répercussions d’une telle réception et d’une telle tribune accordée à des positions anti-féministes.
Osez le Féminisme 13
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