Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Le PS obtient les pleins pouvoirs, mais pour quoi faire ?

Jamais autant d’élus sous la Ve République. Ils étaient 285 députés dans le groupe PS en juin 1981 (l’Assemblée comptait alors 450 députés et non 577 comme aujourd’hui). Ce dimanche soir, ils sont 280 plus une grosse dizaine de dissidents qui seront réintégrés. A l’issue de ces législatives, les socialistes sont majoritaires sans même le renfort de leurs alliés traditionnels radicaux de gauche et chevènementistes. Ceux-là pourront former un groupe avec leur quinzaine d’élus à eux deux (dont 12 pour le PRG), tout comme les écologistes (17 députés) et le Front de gauche (10 élus, auxquels pourraient s’ajouter des députés d’outre-mer).

18 juin 2012 | Mediapart.fr

En prenant en compte la possible arrivée, dans un gouvernement dont tous les ministres candidats ont été élus, de ministres d’ouverture (un chevènementiste, voire un Robert Hue ?), le pluralisme est respecté en apparence. Mais hormis des moyens et des gratifications supplémentaires, un temps de parole minimum assuré et quelques opportunités d’initiative législative, le poids politique de ces autres groupes de gauche est, sinon insignifiant, en tout cas tributaire de la volonté du PS de leur accorder intérêt.

Bien sûr, cela pose la question de la représentativité des institutions de notre pays (lire l’analyse de François Bonnet). La majorité est « rose horizon », mais le total de la gauche n’a recueilli que 51 % des voix. La conduite du pays sera cependant toujours plus « hollandaise », tant il faudrait que les désaccords soient forts pour que les proches de Martine Aubry ou de Benoît Hamon (qui entrent en force à l’assemblée – plus d’une quinzaine d’élus) en viennent à s’opposer à la « majorité du changement ».

Deux symboles du PS de ces dernières années ont été mis à la retraite parlementaire anticipée, Jack Lang et Ségolène Royal. Deux personnalités socialistes d’obédience mitterrandienne, l’une « paillette », l’autre « participatif ». Le « socialisme sulfureux » a lui été, en partie, sanctionné. Si Jean-Pierre Kucheida dans le Pas-de-Calais a été éliminé grâce à un candidat de dernière minute, Sylvie Andrieux à Marseille et François Pupponi à Sarcelles ont été réélus. Désormais, place au « hollandisme responsable ».

Comme en 1981, les nouveaux sabras de la « génération Hollande » sont eux aussi souvent enseignants ou caciques du parti. Ils sont désormais une cinquantaine à avoir moins de 40 ans dans l’hémicycle. Et y figurent 155 femmes, contre 107 en 2007. Le PS fait mieux que l’UMP, mais est loin de la parité avec 106 femmes élues sur 282. Ce relatif renouvellement sera-t-il une garantie de ne pas assister à une nouvelle valse des godillots ?

Pas de majorité des 3/5e

« Si nous demandons une majorité présidentielle solide, elle sera franche avec le gouvernement. Il ne s’agit pas de faire du parlement une chambre d’enregistrement », expliquait fin mai le premier ministre Jean-Marc Ayrault. Dimanche soir, l’ancien président du groupe PS à l’Assemblée s’est bien gardé, publiquement, de tout triomphalisme. « Confiance et responsabilité », a-t-il déclaré depuis Matignon. Il a noté, comme s’il était lui-même mal à l’aise face à la majorité absolutiste qui vient de sortir des urnes, qu’il faudrait respecter « le besoin de pluralité des Français ». C’est aussi l’objet de ses concertations multiples, qu’il entend engager avec les « corps intermédiaires » français.

Conférences salariales, environnementales ou éducatives… Sa ligne de route est claire, et il a une majorité « solide » pour l’appliquer : « Rien qui n’a été dit ne sera fait, tout ce qui se fera aura été dit », n’ont cessé de répéter François Hollande et son premier ministre durant les campagnes présidentielle et législative. Jean-Marc Ayrault a précisé quatre lignes ce dimanche soir : « rétablir nos comptes publics, retrouver la croissance, faire reculer le chômage, rendre à notre industrie son dynamisme ».

Rien n’a été dit sur la rénovation des institutions françaises, alors que l’abstention a encore marqué un record dans l’histoire des législatives dans la Ve République (43,7 %, hors Français de l’étranger). Pourtant, si la vague a été rose, elle n’a pas submergé suffisamment le parlement français pour obtenir la majorité des 3/5e, qui autoriserait une révision de la constitution et une refonte des institutions. Sénat (348 membres) plus Assemblée (577), elle est de 555 sièges. La gauche au complet n’en aura qu’entre 517 à 527.

Difficile en de telles circonstances de faire voter le droit de vote des étrangers. Certains, dans l’entourage de Jean-Marc Ayrault, plaident pour que soit organisé un référendum, afin d’honorer la promesse n°50 du projet de François Hollande. Et que celui-ci soit l’occasion de proposer une série de réformes elles aussi promises par le candidat Hollande, et ayant le mérite de ne pas coûter d’argent. Ainsi, le mariage pour tous et l’homoparentalité, la réforme du conseil supérieur de la magistrature, la suppression de la cour de justice de la République, et d’autres mesures ayant trait au financement des partis politiques, à la morale publique ou aux nominations.

Quant à la situation économique et sociale, personne ne peut encore dire comment le gouvernement et la majorité parlementaire se comporteront, tant dans la gestion de la crise européenne que dans la capacité de réaction aux événements. Un coup de pouce sur le Smic, le contrat de génération et le redressement productif suffiront-ils à contenir la vague d’austérité européenne ?

Le quinquennat Hollande commence maintenant.

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