Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Le PQ carbure-t-il à l'énergie citoyenne ?

Mémoire pamphlétaire présenté aux consultations énergétiques organisées par le Parti québécois et qui ont présentement cours au Québec.

Qu’est-ce que je fais encore ici ? À l’automne 2010, j’étais en train de présenter un mémoire au BAPE sur les gaz de schiste. Mémoire dans lequel je m’inquiétais du développement de ce dangereux hydrocarbure et de la technique de fracturation particulièrement néfaste pour l’environnement. Imaginez mon déplaisir de me trouver, trois ans plus tard, devant un autre gouvernement, à devoir tenir les mêmes propos.

Il m’apparaît que le gouvernement tient les présentes consultations pour fabriquer le consentement à propos du virage pétrolier qu’il compte entreprendre et pour valider l’oxymore contenu dans le programme du PQ : l’indépendance pétrolière pour une transition écologique. J’entends mettre au jour quelques contradictions du présent gouvernement, car je suis une citoyenne à part entière et je fais mon devoir. Je suis mécontente d’avoir à exercer autant de vigilance auprès d’élus qui promettent en élection un plan vert cohérent et qui, ensuite, s’en détournent.

Pendant mes années de militance dans le regroupement de gaz de schiste, j’ai été en contact avec Daniel Breton. À l’époque, il était l’animateur d’un groupe appelé Maître chez nous, 21e siècle. Ce groupe invitait les femmes et les hommes de toutes les générations pour aider le Québec à se sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Qu’est-il arrivé à ce personnage ? Probablement jugé trop dérangeant, il a dû démissionner de son poste de ministre. Il s’occupe maintenant de l’électrification des transports en temps qu’adjoint parlementaire. Je ne doute pas que ce dossier soit entre les bonnes mains, cependant je suis déçue du rapetissement du mandat de Monsieur Breton : il était l’expert qu’il fallait au ministère de l’Environnement.

Une autre personne croisée dans les groupes militants était Martine Ouellet. Je dis bien était, car nous ne la voyons plus depuis l’élection, elle, qui était de toutes les manifestations. En 2011, elle s’est même rendue en Pennsylvanie. Avant les élections, la députée Ouellet a pris des positions très fermes contre la fracturation hydraulique et aussi dans le dossier des mines, dont les redevances auraient dû être rehaussées substantiellement à l’en croire. Nous voyons maintenant que cette posture n’est plus que fantomatique. Le pétrole que nous apprêtons peut-être à exploiter à Anticosti et à Gaspé utilisera un procédé dangereux : la fracturation au gaz liquéfié. La ministre aurait-elle changé son opinion au point d’en perdre sa crédibilité ?

La question centrale que je me pose : pourquoi rejouons-nous le même psychodrame ? Deux dossiers ont pris place dans l’actualité ces derniers mois et peuvent illustrer mon propos. J’adopte une vision plus large que le seul dossier de l’énergie pour éclairer un pattern que je qualifierais de nocif.

Le premier a été le Sommet de l’éducation supérieure en janvier dernier, lequel a conduit au compromis d’une indexation qui est comme un gel. Un autre oxymore sorti de la bouche des équipes de relations publiques. Se souvient-on au PQ qu’un exercice, exactement identique, s’était tenu en 1997 et s’intitulait les États généraux sur l’éducation ? A-t-on égaré le dossier ? Les conclusions ont-elles tellement changé qu’il faille faire l’exercice une deuxième fois ? Le sommet fut une manière de faire avaler un consensus aux étudiants.

Deuxième dossier, la Charte des valeurs. Pourquoi faire revivre la crise de 2007 ? La commission Bouchard-Taylor a fait le tour de la question et y est allée de recommandations. Seraient-elles déjà obsolètes ? Cela cause une tempête médiatique ces jours-ci et risque d’emporter la paix sociale pour des broutilles, d’autant qu’elle risque de ne pas être adoptée, puisque nous sommes en présence d’un gouvernement minoritaire. Si elle l’était par miracle, elle serait stoppée au fédéral par une instance juridique ou l’autre qui lui opposerait la Charte canadienne des droits et libertés. Voyez-vous apparaître un modèle ? Refaire le même exercice, qu’il soit de consultation ou de débat, permet de canaliser l’opposition et de la disqualifier, en plus de consommer des sommes inouïes d’énergies venant des groupes militants. Une sorte de catharsis sociale.

Revenons maintenant au dossier de la transition écologique. Y a-t-il présentement un moratoire sur les gaz de schiste au Québec ? Au printemps, le ministre de l’Environnement, Monsieur Blanchet, a présenté un projet de loi sur un moratoire partiel contre le gaz de schiste sur certains territoires seulement. S’il s’avérait que l’on découvre du pétrole de schiste dans ces formations, les populations ne seraient pas protégées. Le BAPE de 2010 portait exactement sur cette question. Encore des sommes d’énergies gaspillées en vain, en plus de deniers publics dépensés pour traiter d’une question dont on connaît déjà la réponse. La fracturation n’est pas une bonne technique, le gaz ou le pétrole de schiste ne sont pas des énergies de transition et qu’on fasse circuler ces matières par train ou par pipeline, il y a toujours de grands risques environnementaux reliés à leur exploitation. À nouveau, on force le consensus en jouant sur les mots.

Nous assistons à cette consultation, et je peux d’ores et déjà donner la conclusion qui en sera tirée : elle se basera sur une antithèse pour nous obliger à un accord commun. La recette de cette formule de gouvernance est tirée d’un roman anglais intitulé 1984. L’opération de transformer le noir en blanc s’appelle la novlangue. Les technocrates l’utilisent en abondance, mais nous ne sommes pas dupes. Nous ne vivons pas dans un roman, mais dans la vraie vie. Dans la vraie vie, les déversements pétroliers causent des dommages, les trains explosent et tuent. Les sources deviennent contaminées si on les infecte avec des produits chimiques. En 1996, lors d’une consultation sur les énergies présidée par Monsieur Alban D’Amour, un grand nombre des groupes représentés parlait déjà d’efficacité énergétique et de valorisation des énergies renouvelables. Est-il utile de répéter ce qui déjà été dit ? À quoi bon gaspiller mon énergie ? Ce qui me ramène à notre question de départ : qu’est-ce que je fais ici ?

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