L’enjeu minier
Dans le sud du Kivu, les réserves d’or sont importantes. Une minière canadienne, BANRO Corporation, les évalue à 6 millions d’onces. BANRO est en place depuis 1997 alors qu’elle a racheté diverses entreprises dans des conditions plutôt obscures, alors que le gouvernement congolais était pratiquement absent du terrain. Les transactions se sont faites avec des seigneurs de guerre locaux aussi bien congolais que rwandais, ce qui a mérité à l’entreprise d’être pointée du doigt dans un rapport dévastateur de l’ONU produit en 2002. À Mwenga, BANRO exploite présentement une mine à ciel ouvert. Fait à noter, cette exploitation exige des autorités locales de « nettoyer » les mineurs artisanaux qui permettaient à de très petits exploitants de survivre dans la région. Les conditions de vie dans les villages environnants se sont détériorées. Un grand nombre de personnes n’ont plus les moyens d’avoir accès aux services de santé. Par ailleurs, BANRO a délocalisé plusieurs communautés. Enfin, très peu de Congolais sont employés par la mine, BANRO préférant l’embauche de mineurs provenant de Zambie, du Kenya, d’Ouganda et même de Malaisie et d’Indonésie.
Douteuse gestion et gros profits
La mine de BANRO pour extraire l’or doit remuer des quantités énormes de roches. L’entreprise prévoit de raser trois montagnes et de déverser les déchets dans les vallées voisines. Après usage, le cyanure est entreposé dans des réservoirs à ciel ouvert en attendant qu’il se dilue et la population craint les infiltrations dans la rivière qui les jouxtent. Il n’y pas de désintoxication des sites contaminés, des oiseaux meurent et les maladies respiratoires augmentent. Le plan de protection environnemental, prévu par la loi, n’a toujours pas été rendu public et l’Etat est trop faible pour imposer ses conditions.
Entre octobre 2011 et septembre 2012, la mine a produit 44.000 onces d’or. Le prix de l’once étant de 1.720 dollars environ, on peut donc estimer que cela lui a rapporté quelques 75 millions de dollars. Avec un versement forfaitaire de 1 million de dollars à l’Etat fédéral, elle a été exemptée de tout impôt, sans date limite. En effet, quand le code minier fut édicté en 2000, BANRO était déjà en opération et la compagnie a pu choisir son statut. Elle a opté pour une solution évitant de tomber sous les dispositions du nouveau code, qui prévoit une répartition des apports financiers de 60 % au national et 40 % au local.
Un « modèle » de responsabilité corporative ?
Entre-temps, BANRO a versé 1 dollar par once aux communautés locales, soit 44.000 dollars, remis au mwami (chef coutumier) de la région, pour des projets locaux. Le premier lingot produit, fin 2011, a été offert au président Kabila, qui est venu en personne le recevoir. Pour établir la sécurité de ses opérations, la mine s’assure, moyennant finance, les services des chefs locaux (qui en principe doivent être consultés) de la police et de l’armée (qui protègent le site et ses installations). Il est de notoriété publique qu’elle a aussi soutenu les diverses rébellions, mais, comme cela ne se fait pas devant notaire, il est difficile de le prouver. En 2005, l’entreprise a créé une fondation dont le but affiché est d’améliorer la vie des gens du sud-Kivu. Un centre de santé a été construit à Bukavu (capitale régionale) à la suite de donations faites lors d’un tournoi de golf à Toronto. Cela a mérité à BANRO d’être finaliste pour le Prix Canadien pour la Coopération internationale, attribué conjointement par l’ACDI et l’Association des exportateurs. Récemment, BANRO a voulu commencer l’exploitation d’une deuxième concession dans la région de Mukingwa sur des terres ancestrales, mais la population s’est organisée pour empêcher les prospecteurs de passer.
La population demande des changements
L’instabilité du Kivu et les prédations qui s’en suivent sont exacerbées par les interventions extérieures du Rwanda, de l’Ouganda et dans une certaine mesure du Burundi, ce qui est officiellement reconnu par le dernier rapport des Nations-Unies publié en septembre dernier. Mais plus grave encore, des entités privées, notamment du Canada, sont impliquées dans le pillage actuel. Les organisations sociales du Kivu appellent les ONG et les mouvements sociaux du Nord afin qu’ils fassent pression sur leurs gouvernements respectifs, pour qu’un processus de paix durable soit entamé et que cesse le saccage des richesses naturelles.