Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique latine

Élections au Chili

Le Bloc au pouvoir a remporté la victoire. La démocratie a perdu

Pourquoi laisser durer les choses puisque le Bloc au pouvoir qui a organisé la vie politique chilienne depuis 24 ans a remporté la victoire. E. Matthei a perdu avec seulement 25% des voix, mais la droite célèbre cette défaite comme une victoire. Avec 46 % des voix, Bachelet ne pouvait pas s’imposer absolument au premier tour, mais elle le fera au deuxième tour , à moins d’une chute de météorites . Cela était connu et les escarmouches électorales du mois prochain n’apporteront rien de nouveau . Sauf pour ce qui est du spectacle médiatique parce que l’ essentiel a déjà été dit. Fini les veilleries, la table est mise pour le concertationisme élargi. Comme dans cette colonne, le socialiste Camilo Escalona socialiste a perdu le Sénat après avoir rejoint le régiment du 8e parachutiste de Région de la Costa . À Navarro on ne le dit pas pour le sauver. La fierté a été défaite.

(Article tiré de Rebellion - Traduction PTAG)

Est- ce à dire qu’ avec une alternance des tenants du Blco au pouvoir et le retour de l’ancien régime Bachelet II quelque chose se clôt. Pas réellement. Au contraire, une nouvelle situation politique s’ouvre qui s’inscrit dans un processus sociopolitique plus profond, celui de la lutte pour des changements structuraux que représente Roxana Miranda, Marcel Claude et de f açon ponctuelle Marco Enríquez - Ominami et Alfredo Sfeir .

C’est toute la période historique définie par les rapports de forces entre les groupes et les classes sociales, qui est en train de changer.

Quand un homme de droite comme Hernan Buchi fait valoir que les problèmes du Chili se résolvent par la « création de richesse » et la préservation les institutions existantes, on doit se demander ce qui manque dans ce dispositif idéologique et discursif de la propagande néolibérale, ou ce qu’il a l’intention de dissimuler .

 La différence entre le présent, où il jouera let le passé, où le Bloc au pouvoir a régné pendant vingt ans consolidant un modèle qui a permis la concentration de la richesse aux mains de quelques groupes économiques, avec l’aide de la Constitution pinochestiste et du système parlementaire d’alternance, c’est la perte de légitimité des puissants. Cela signifie que le discours dominant sur la nécessité de l’expansion du capital et l’accumulation de la richesse sociale monopolisé privément par un pôle de 1 à 5% a perdu de sa force. En paraphrasant des idées révolutionnaires classiques : les dominants ne peuvent gouverner comme auparavant, et les dominés ne veulent pas continuer à être régi comme ils le furent et d’autres, entre les deux, ne savent pas quel camp rejoindre.

 Ce qui a changé grâce aux protestations sociales et aux rébellions des peuples et des mouvements grévistes, c’est la prise de conscience de la nécessité de profonds changements pour répondre aux besoins sociaux. Nous avons vu une disposition ou une nouvelle subjectivité qui choisit, en cas d’absence de solutions institutionnelles aux conflits, l’action collective comme condition permettant la résolution de ces derniers. Il n’y a pas de processus sociaux qui soient « naturels ». Ce sont des changements résultant de l’extraordinaire capacité des hommes et des femmes de chair et de sang pour changer les conditions d’existence historiques, sociales, politiques et culturelles .

 En d’autres mots, c’est la mobilisation qui ouvre les portes à d’autres possibles. C’est l’enseignement que nous lèguent les luttes récentes. Comme l’ont fait les travailleurs dans tout le pays, le peuple mapuche, les lycéens et les étudiantEs des collèges, des communautés entières , les femmes et les pobladores.

Ricardo Lagos, un phare du Bloc au pouvoir, qui exprime bien la pensée opportuniste, soutient que nous sommes dans un « nouveau cycle politique et économique » et qu’ils, avec Bachelet, sont les mieux placés pour faire les réformes qui permettront de sauver le système politique et économique actuel. Selon lui , le nouveau cycle politique et économique du Chili est dû à une meilleure éducation et au $ 20,000 de revenu par habitant de Chiliens.

 Que cache cette fois, cette thèse déterministe de Lagos et des tenants du Bloc au pouvoir, qui disent que les gens qui se mobilisent, s’organisent et se rebellent c’est parce qu’ils sont bien, plus instruits et qu’ils visent à avoir plus ?

Tout d’abord, ils ignorent la situation réelle de violence, d’inégalité, d’endettement et d’exploitation dans laquelle vivent la majorité des citoyenNEs chiliens et surtout ceux et celles qui vivent du travail précaire. Deuxièmement, ils cachent la responsabilité des tenant du Bloc au pouvoir dans la prise de conscience de la nécessité de changements structurels dus aux abus, à la bureaucratie, à la fraude et à la collusion confirmée que le Bloc au pouvoir facilite et encourage.

 Les concertationnistes retournent pour la cinquième fois à la gouverne de l’État avec le même ancien personnel politique. Ils véhiculent les mêmes promesses ambiguës et les mêmes accords avec les secteurs d’activité des puissants dans le secteur de l’éducation, de l’énergie, des ressources naturelles, du commerce, de la pharmacie , etc .Ils reviennent avec la vieille méthodologie dans lequelle le bloc au pouvoir continue à consulter, non le peuple, les étudiants ou les travailleurs , mais des « experts »de la droite et des libéraux pour sauver le capitalisme et pour s’accommoder des demandes des citoyens et du peuple.

 Et on se retrouvera probablement dans un panier de crabes.

Le Bloc au pouvoir est de retour avec l’aide du puissant dispositif multimédia ( les presses de Copesa et El Mercurio) . C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de proposition visant à faciliter le pluralisme et les droits des citoyens qui soient bien informés sur le gouvernement Bachelet II. Le journal va continuer avec des subventions de l’Etat, Il va continuer à applaudir les partis de l’alternance parlementaire qui organisent la vie politique chilienne depuis 1989.

Malgré cela, le succès du Bloc au pouvoir et les disputes parlementaires ne parviendront à arrêter le mouvement en cours pour le changement. Les conflits latents sont nombreux. Parmi ceux-ci, la recomposition du mouvement de la classe ouvrière dans sa lutte antibureaucratique pour retrouver les droits niés par le Bloc au pouvoir et les partis de la droite libérale sera déterminante.

 Bachelet II ne peut pas acheter la nouvelle conscience qui s’est installée pour rester : celle de la nécessité de poursuivre le processus constituant en cours, tant dans les consciences que dans les différentes initiatives que nous voyons venir Le processus politique qui restaure le pouvoir et la liberté des citoyens et des travailleurs et qui devra converger vers l’élection d’une Assemblée constituante chargée d’élaborer une constitution authentique.

 Ce processus constituant qui s’est déjà mis en marche ne se fera pas sans différends idéologiques féroces entre les libéraux, les sociaux-démocrates de style républicain et la gauche anticapitaliste , antinéolibérale et démocratique, et elle devra être à la hauteur de ses tâches. Ce sera un banc d’essai sur le rapport de forces qui traverse la société chilienne. Ses secteurs les plus politiquement éduqués et conscients savent que l’élection d’une Assemblée constituante, comme l’a affirmé un ouvrier dans une assemblée citoyenne des étudiants en Juin 2011 au siège de l’ Université du Chili, est et sera la mère de tous batailles.

Condorcet et Thomas Jefferson ne disaienjt-ils pas que chaque génération a besoin d’ une nouvelle Constitution ?

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