Édition du 19 novembre 2024

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Le blogue de Donald Cuccioletta : La Gauche américaine en 2020 : Stratégies et perspectives

Le 3 novembre, deux positions de la gauche s’affrontent

Les élections américaines ont lieu aujourd’hui, le 3 novembre et nous savons que Trump et Biden vont tout faire pour gagner. C’est la dernière étape de la course qui va déterminer le vainqueur. Dans un blogue antérieur, j’ai écrit que la gauche socialiste prônait une stratégie qui rejette à la fois la candidature de Trump et la candidature de Joe Biden. Comme le slogan de Black Lives Matter en 2016 « ni les démocrates ni les républicains » une partie de la gauche socialiste semble vouloir prendre cette même position pour les élections de 2020.

Mais plus le 3 novembre approche et plus des personnes au sein de la gauche socialiste commencent à remettre en question cette stratégie. Cette gauche a une stratégie à moyen terme (qui prendra encore plusieurs années à se développer) et elle tient à créer un mouvement socialiste à travers les États-Unis. Un tet mouvement est nécessaire afin de solidifier les victoires et les acquis, tout en constituant un tremplin pour créer ultimement un véritable Parti socialiste représenté dans l’ensemble des cinquante États. Cette stratégie fait l’unanimité parmi les socialistes, mais la question demeure parmi une certaine cohorte, que faisons-nous avec Biden ? Cette question divise actuellement les socialistes américains et américaines.

Ce débat n’est pas nécessairement antagonique, mais il met les socialistes devant des enjeux tactiques. Le grand amour n’existe pas au sein de la gauche socialiste américaine, ni d’ailleurs parmi les progressistes au sein du Parti démocrate pour Joe Biden. Biden est vu comme un néolibéral qui a défendu l’avancement des capitalistes comme Sénateur démocrate du Delaware et comme Vice-président sous la présidence de Barck Obama. Certains et certaines soutiennent que son néolibéralisme a ouvert la porte à l’autoritarisme de Trump et même au glissement vers le fascisme.

En somme, le dilemme soulevé dans ce débat est celui des liens entre une tactique et une stratégie : ceux et celles qui nous disent qu’il faute voter Biden, défendent l’idée que ce n’est qu’une tactique qui peut contribuer au développement du mouvement socialiste comme stratégie à moyen et à long terme.

Leur analyse est basée sur l’idée que sous Trump, l’autoritarisme a pris le contrôle de la gouvernance du pays. Cet autoritarisme a aussi donné un feu vert pour les suprémacistes blancs, aux milices, aux extrémistes populistes et aux racistes, et a surtout provoqué un glissement de la Maison-Blanche vers le fascisme.

Le mot « fasciste » est devenu très populaire dans le lexique de la gauche socialiste depuis la venue au pouvoir de Donald Trump. Avec ces prises de position sur les milices (ils sont des patriotes), sur Charlottesville et le Klu Klux Klan, son mépris de la presse en général, son discours raciste et sa croyance dans la loi et l’ordre, plusieurs intellectuels de la gauche l’ont déjà qualifié de fasciste. Trump est sans doute un autoritaire, et généralement l’autoritarisme est synonyme avec le fascisme, mais Trump n’est pas pour un corporatisme d’état. Au contraire, pour lui il ne devrait pas y avoir aucun rôle de l’État ni dans l’économie ni dans la société. Il est un partisan d’une économie de libre marché à la Adam Smith, et cette position est très similaire de la période de la fin du 19e siècle, appelée « The Gilded Age » où la bourgeoisie contrôlait tout et prônait un capitalisme sauvage.

S’il a des tendances fascisantes, c’est un fascisme social et culturel, défini par l’auteur Bertram Gross, comme un fascisme amical et culturel1. Gross avait observé se phénomène de fascisme amical comme un début pour apprivoiser et changer la mentalité de la population américaine, en d’accueillir un éventuel corporatisme d’état, la pierre angulaire du fascisme. Les éléments sont là dans la société américaine. Si nous regardons les agissements des frères Koch, avec leurs agents et leurs influences électorales, la voie est déjà tracée, mais le fascisme n’est pas encore encré. Certes les milices, et les partisans de Trump font preuve d’autoritarisme et de militarisme, mais le fascisme est avant tout une structure économique et idéologique. Ceci ne veut pas dire que le danger ne plane pas, et pour certains et certaines de la gauche socialiste, avec un deuxième mandat de Trump comme président, les États-Unis seraient plus près des chemises noires. Il faut l’arrêté maintenant, même s’il faut se pincer le nez et voter Biden. Les espaces que Biden créerait avec ses politiques pour faire croire qu’il est un véritable progressiste donneraient à la gauche socialiste des ouvertures pour manœuvrer, pour faire avancer la cause du socialisme et approfondir la construction du mouvement. C’est un argument qui a du mérite, et Il faut dire que cette position semble être majoritaire.

Ceux et celles qui pensent que la priorité est de concentrer toutes nos forces, pour accélérer la venue d’un mouvement socialiste défendent l’idée que Biden n’est qu’un néolibéral et qu’il défendrait les mêmes politiques néolibérales que celles qui ont été mises en place depuis Bill Clinton. En plus, cette faction de la gauche socialiste pointe le doit au Parti démocrate comme un parti qui a trahi la classe ouvrière américaine, en délogeant sous la présidence de Clinton les idées de Franklin Delano Roosevelt qui étaient encore présentes au sein du parti jusqu’au moment où Clinton l’avait converti en parti de droite - une droite, modérée certes, mais néanmoins un parti de droite, avec l’appui de Biden.

Les grèves des enseignantes et des enseignantes qui avaient bouleversé les États-Unis sur une période de douze mois n’ont jamais eu l’appui de ces fameux progressistes du parti comme Kamala Harris et Joe Biden. Comme l’avance cette faction de la gauche socialiste les événements des dernières années démontrent que le Parti démocrate est un parti de droite, et Biden a été un des architectes de cette transformation vers la droite. C’est même Biden comme sénateur sur le plancher du sénat, qui a défendu la réforme de la loi sur les impôts fédéraux qui a aidé les riches proches du le Parti démocrate de baisser leurs impôts, comme le fait Trump pour ses impôts et toute la bourgeoisie du 1%. Pour cette faction de la gauche socialiste, il ne faut pas s’attendre que Biden découvre subitement une sensibilité progressiste. Il faut au contraire, peu import les résultats, continuer la lutte contre les deux pions du capitalisme qui se présentent à cette élection présidentielle.

Le point positif dans tout ce débat sur les tactiques et les stratégies, c’est qu’il y a un débat. Ce n’est pas un débat qui affaiblit la gauche socialiste, mais au contraire la renforce, en approfondissant sa connaissance de la lutte de classe pour maintenant et pour l’avenir. La gauche socialiste n’a pas peur de débattre les questions de tactique, parce qu’elle a déjà une stratégie pour l’avenir, soit le socialisme. Un exemple à suivre ?

Lotta Continua

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