Édition du 29 octobre 2024

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Environnement

La prochaine mission de TES Canada : éduquer les récalcitrants

Selon M. Gauthier, PDG de TES Canada, seul « un petit bassin de gens » s’opposent au projet. Mais alors, que faut-il penser de la multitude de pancartes qui sur le territoire témoignent du contraire, comme des stigmates anticipés sur un territoire qu’on se prépare à sacrifier. Ce démenti formel serait donc l’œuvre d’une petite minorité ?

De plus, ces opposants seraient ignares ? Sinon, comment comprendre ce besoin avancé par M. Gauthier «  d’éduquer les gens sur les impacts des éoliennes. Y a des impacts ». Éduquer, ici, signifierait-il dissoudre les nuisances réelles dans une rhétorique fallacieuse conduisant à faire de ce moindre mal la voie royale vers un grand bien ? D’autant plus qu’il est question de « démontrer que certaines des préoccupations et des craintes on les évite ou ne sont tout simplement pas là… »

Un an s’est presque écoulé depuis l’annonce du projet, et nous devons avouer, qu’au sein de ce « petit bassin de gens », les préoccupations et les craintes, loin de se dissiper, ont crû à la mesure des connaissances acquises de la filière éolienne et du projet de TES en particulier. Pourquoi avoir tant tardé à vouloir nous éduquer ? Ne serait-ce pas plutôt parce que « ces préoccupations et ces craintes », on voulait avant tout « éviter » d’en parler ?
Évidemment, M. Gauthier a l’excuse de circonstance, l’échappatoire morale capable de disculper les consciences de toute faute. Et oui, il lui suffit de dire « on a fait le meilleur projet qu’il était possible de faire ». Mais pour qui ?

Et de conclure comme s’il luttait contre une implacable fatalité dont TES Canada ne serait pas à l’origine «  on a écouté la population »

Ce discours est-il suffisant pour se dédouaner d’impacts réels pouvant être évités ? Nous ne le croyons pas.

Si un territoire habité ne peut permettre la création d’un parc éolien sans créer de graves préjudices à la population qui l’habite, ne serait-ce pas parce que ce n’est pas l’endroit idéal pour le créer ?

Ne serait-ce pas parce que le promoteur ne veut surtout pas s’engager à respecter certaines normes protégeant véritablement les citoyens, les considérant trop exigeantes et donc susceptibles de l’empêcher de répondre entièrement à ses désirs ?

TES Canada n’a pas « écouté la population » parce que ce projet fut pensé sans la consultation de cette population. L’écouter l’obligerait à modifier ce projet, à éloigner les éoliennes de la population, mais cela nécessiterait des coûts supplémentaires et TES Canada, de l’aveu même de M. Gauthier, ne veut pas franchir ce pas. Trop dispendieux, pas suffisamment de profit. La solution est simple, sacrifions le territoire et sa population au nom de la rentabilité. Qu’importe la démesure entre la taille du projet et la possibilité d’accueil du territoire, poussons pour qu’il y entre tout de même.

« certaines des préoccupations et des craintes on les évite »

Vraiment ? Essayons de voir ce qu’il en est. Illustrons notre propos à l’aide d’une mesure possible parmi bien d’autres. TES Canada pourrait s’engager à éliminer les nuisances produites par le bruit, s’il avait véritablement « écouté la population ». Que nous promet-il ? Qu’il n’excèdera pas la norme provinciale de 40 décibels la nuit, et de 45 le jour. Notons toutefois qu’il n’est pas vraiment méritoire de s’engager à la respecter quand on sait que ces seuils de décibels sont prescrits par la loi. Un véritable signe de bonne volonté de la part de TES Canada serait d’abaisser ce seuil, de s’engager à ce que 35 décibels soit le seuil maximum du bruit émanant de l’éolienne qui puisse être entendu à l’emplacement d’une résidence. Voilà un engagement qui serait probant envers la population. Mais pourquoi, direz-vous placer ce seuil à 35 décibels ? Mais tout simplement parce qu’un rapport datant du 28 octobre 2014, sur une étude menée en 2012 par Santé Canada sur une période d’un an, dans des parcs éoliens d’Ontario et de l’Île-du-Prince-Édouard, montre parfaitement que les seuils de 40 et 45 décibels ne sont pas aptes à protéger le bien-être des citoyens. «  Une augmentation statistiquement significative du désagrément a été observée lorsque le bruit des éoliennes dépassait 35 dBA  », voilà un des résultats obtenu par Santé Canada dans cette étude. En Ontario 16,5% des répondants déclaraient être « fortement incommodés » lorsque le nombre de décibels étaient plus grand ou égal à 40 décibels. TES Canada serait donc prêt à sacrifier ce pourcentage de la population ? Il n’aurait donc « écouté » que 83,5% de la population ?

Dans les faits, une source de bruit de 40 décibels, probablement imperceptible en milieu urbain, sera belle et bien perceptible dans un rang en campagne, justement là où seront les éoliennes. Car c’est le bruit ambiant qui détermine si une source d’un bruit particulière sera perçue. Dans un rang, en campagne, la nuit, un bruit de 40 décibels dérangera. Peut-être même dérangera-t-il le jour lors de l’accalmie des activités humaines. TES Canada nous annonce que cela correspond au bruit d’une conversation à voix basse. Aimeriez-vous dormir avec des gens qui chuchotent toute la nuit à proximité, et cela parfois pendant plusieurs nuits ? Surtout si la discussion est ennuyante ? Poser la question, c’est y répondre.
Le programme d’éducation projeté par TES Canada comprendra sûrement un petit cours de géométrie et/ou de géographie, car certaines notions sont assez complexes à saisir. Pensons à l’obligation légale précisant que la source d’alimentation électrique doit être « adjacente » à l’usine qu’elle dessert, alors que certaines éoliennes seront à plus de 35 kilomètres. La formation prévue vous permettra de résoudre cet épineux problème par une solution ingénieuse : il suffit de doter le terme « adjacent » d’une extension infinie. Inscrivez-vous dès maintenant, les places sont peut-être restreintes.

Enfin, ce projet d’éduquer la population n’atteindra pas son objectif, s’il ne s’attaque pas à la classe plus cultivée de la population. On peut donc s’attendre à ce que les universitaires de maintes disciplines, les experts forts de plusieurs années d’expérience dans leur champ de compétence, de même que plusieurs joueurs s’activant dans les coulisses de la politique provinciale, seront également invités à parfaire leur « éducation » afin de rectifier leur vue erronée sur la décarbonation proposée par TES Canada, leur attachement excessif à la nationalisation de l’électricité, leur méthode de calcul des bilans financiers, etc. Il y a tant à faire pour « éduquer » la population. Encore une fois, merci TES Canada, pour tout effort allant en ce sens.

Il est incontestable que le projet de TES Canada ne fait pas l’unanimité et que les gens réfractaires à sa réalisation sont beaucoup plus nombreux que ne l’affirme M. Gauthier. Il est également manifeste que les raisons de cette résistance excèdent, et de beaucoup, celles mentionnées plus haut et qu’elles ne peuvent être condensées dans une seule lettre d’opinion.

TES Canada profite du climat apocalyptique, des craintes légitimes engendrées par le dérèglement climatique, essaie de distendre les règles de l’autoproduction pour ouvrir une brèche vers la privatisation de l’électricité, et bénéficie d’une politique gouvernementale fonçant tous azimuts vers des choix mal planifiés, fortement contestés et ne répondant pas au mandat pour lequel il fut élu. Sans ces trois conditions réunies, l’évidence nous sauterait aux yeux : le projet de la création d’un parc éolien, en milieu habité, pour alimenter une usine sise à des dizaines de kilomètres, et impactant considérablement 12 municipalités apparaîtrait pour ce qu’il est : une aberration énergétique.

Gaston Rivard,
Saint-Adelphe

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