Libre-échange : mensonges et aveuglements
Le Canada, dit Trudeau et son fan club, combat le méchant Trump par la promotion du libre-échangisme. Le commerce « libre de toutes entraves » serait l’antidote au nationalisme chauvin, au racisme, à l’exclusion. Ce serait aussi la pierre angulaire de l’économie canadienne. C’est d’ailleurs ce que répètent les gérants provinciaux de la gouvernance néolibérale comme Couillard. Pourtant, l’étude que vient de publier l’IRIS sur le bilan de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) nous donne l’heure juste. L’ALÉNA a été, au Québec et au Canada, une entrave au progrès social et non un gage de prospérité. Les écarts de richesse et la longue descente sociale et environnementale ont été facilités par cet accord qui imposait au Canada d’« ajuster » ses politiques selon les critères états-uniens. Les gouvernements et les entreprises ont eu beau jeu pour affaiblir le filet de sécurité sociale, réduire les conditions salariales et bloquer tout processus sérieux pour contrer la destruction de l’environnement. Entretemps, l’économie canadienne est devenue encore plus dépendante des États-Unis. En dépit de quelques importantes exceptions (Bombardier notamment), le Canada est, encore plus qu’avant, un autre pourvoyeur de pétrole et de minerais, avec les effets de dépendance que l’on connaît.
Attention à ne pas baisser la garde
Ce projet de l’ALÉNA avait été combattu à l’époque au Québec, surtout quand les États-Unis et le Canada avaient voulu l’élargir à tout l’hémisphère avec le projet de création d’une grande zone de libre échange (ZLÉA). Les syndicats québécois s’étaient joints aux mouvements latino-américains pour crier un gigantesque non à cette escroquerie. Aujourd’hui cependant, le ton a changé. Des organisations syndicales se mettent à appuyer « leurs » gouvernements, les uns pour garder intact l’ALÉNA, les autres pour appuyer les mensonges de Trump (« Make America great again !) En pratique, on se met à défendre le gouvernement Trudeau au lieu de sortir du faux débat actuel. C’est une pente glissante où tout le monde va perdre.
Reprendre le chemin de la lutte
Il est plus que probable que la concurrence entre les puissances capitalistes (États-Unis, Union européenne, Chine) s’intensifiera dans la prochaine période. Cela débouche déjà sur un discours belliqueux, à connotation raciste. Évidemment, il est plus facile de s’en prendre aux plus faibles, les réfugiés et immigrants en tête, qui sont là, pour reprendre l’expression de Trump, pour « contaminer » la « civilisation » américaine. C’est repris par Christian Rioux du Devoir qui applaudit la droite européenne pour sa volonté de tenir tête à l’« invasion barbare ». Au bout de la ligne en dénonçant la « menace » qui vient du Sud, on prépare l’opinion à des confrontations qui pourraient être énormes.
Il faut donc prendre acte. Les menaces contre l’emploi et la sécurité sociale ne seront pas confrontées en érigeant des barrières, ni en se faisant les apôtres d’une mondialisation heureuse et libre-échangiste. Il faudra revenir à la base, pour démontrer les racines et les aboutissements du « modèle » néolibéral et des institutions qui en sont les maîtres d’œuvre (ALÉNA, OMC, G7, etc.). On ne pourra pas faire cela sans relancer la lutte contre les discours racistes et militaristes. Enfin, on n’y arrivera pas non plus si on ne se remet pas à la tâche de construire des grandes convergences locales, nationales, continentales et internationales.
Pour terminer, j’étais content l’autre jour à Québec de constater que Québec Solidaire a mobilisé contre le G7. Les interventions d’Amir Khadir dans les médias ont mis le doigt sur le « bobo ». Pour autant, j’ose espérer que cet impératif anti-impérialiste apparaisse davantage dans la campagne électorale, même si ces dimensions internationales semblent lointaines pour tant de gens. Mais ce n’est pas un détail ou un luxe. Après tout, on ne vit pas dans une bulle. Un Québec plus juste et souverain va étouffer s’il ne confronte pas ce grand (dés)ordre mondial qui sévit aujourd’hui.
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