Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

La main miraculeuse de Mitt Romney

Le cas est fréquent, surtout en situation de crise. Le détenteur du pouvoir politique, pouvant difficilement assumer ses échecs, cherche à beaucoup parler de l’avenir et le moins possible de son bilan. Au contraire, son adversaire centre le débat sur le bilan du sortant, et promet pour l’avenir de faire beaucoup mieux, sans trop de détails. L’affrontement entre Barack Obama et son adversaire républicain, Mitt Romney, n’échappe pas à la règle.

LE MONDE | 01.09.2012 • Édito

M. Romney promet donc beaucoup. Elu, il réduira de 500 milliards de dollars chaque année les dépenses publiques tout en abaissant les impôts de tous et en "annulant les coupes irresponsables de l’ère Obama dans la défense nationale". Grâce à quoi l’emploi repartira, et la puissance de l’Amérique, phare du monde, avec lui. Comment ? Le candidat de la "restauration" de la grandeur flétrie de l’Amérique est, depuis le début de sa campagne, peu loquace sur le sujet.

A la lecture du programme officiel du Parti républicain, adopté par la convention de Tampa, "Croire en l’Amérique", on décèle ce qui en constitue l’ossature. "Lorsque la lourde main de l’Etat remplace la main invisible du marché, la victime inévitable est la liberté économique", avait déclaré M. Romney en mars à Chicago. Ce programme se résume à voir l’Etat s’effacer partout où cela est possible derrière cette main miraculeuse.

M. Romney promet "dès le premier jour" de signer l’abolition du plan Obama de couverture santé, de réduire massivement et tous azimuts les subventions publiques - aux services sociaux, aux chaînes d’information publiques, au planning familial, à l’aide extérieure, à la protection de l’environnement, on en passe... Il entend aussi abolir la quasi-totalité des régulations de la finance adoptées sous son prédécesseur.

Ainsi va le Parti républicain, à deux semaines du quatrième anniversaire de l’effondrement de la banque Lehman Brothers, qui fut le prélude à la plus importante crise financière de l’après-guerre et ouvrit une période de "consensus" quasi général sur les ravages des dérives de l’économie financiarisée. "Croire en l’Amérique" ne reflète pas seulement un soutien au moins d’Etat, moins d’impôts, plus de sécurité et plus de respect des "valeurs" morales. L’homme qui, il y a dix ans, s’était fait élire gouverneur du Massachusetts sur un programme de conservatisme modéré et "ouvert" s’affiche aujourd’hui ultralibéral en économie à en faire frémir les mannes de Ronald Reagan, qui n’en était pas à honnir les transports publics comme l’incarnation du "socialisme".

Néoconservateur outrancier en politique étrangère, M. Romney est réactionnaire sur le plan sociétal - sur l’immigration, la contraception, l’écologie, le port d’armes, etc. - à un point que même le "born again christian" George W. Bush n’avait osé assumer. M. Romney ne fait que refléter l’évolution d’une partie importante de la société américaine qui s’inquiète des évolutions du monde et rêve, effectivement, de "restauration". Le reste du monde, lui, ne peut qu’espérer que, le 6 novembre au soir, cette Amérique-là ne se retrouve pas au pouvoir.

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