Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Israël - Palestine

La libération de la Palestine et les révolutions au Moyen-Orient

Les récentes opérations menées par Israël contre des Palestiniens en Israël, en Cisjordanie et à Gaza ont démontré, une fois de plus, la nature brutale, coloniale, raciste et d’apartheid de l’État sioniste. Le remplacement du gouvernement du Premier ministre israélien Netanyahou par une nouvelle coalition dirigée par l’ultranationaliste Naftali Bennett ne changera rien pour les Palestiniens.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
5 juillet 2023

Par Joseph Daher

La politique du nouveau régime n’est pas différente de celle de Netanyahou. Preuve de cette réalité, Bennett a ordonné de nouvelles frappes aériennes sur Gaza quelques jours seulement après son arrivée au pouvoir. Ces nouveaux actes de violence et de répression confirment que la gauche internationale doit faire preuve d’une solidarité inconditionnelle avec la résistance palestinienne.

Israël : un État fondé sur la colonisation de peuplement

Le mouvement sioniste, depuis ses origines en Europe jusqu’à la création d’Israël en 1948 et au déplacement des Palestiniens qu’il effectue aujourd’hui, a constitué un projet basé sur la colonisation de peuplement. Pour établir, maintenir et étendre son territoire, l’État israélien a été amené à dépouiller les Palestiniens de leurs terres, de leurs maisons et de leurs emplois sur une base ethnique. Au cours de ce processus, il s’est allié aux puissances impérialistes, d’abord l’empire britannique, puis les États-Unis, qui ont utilisé Israël comme leur agent dans la lutte contre le nationalisme arabe et le socialisme, et lui ont apporté leur soutien.

Ainsi, le soutien de l’État d’Israël à l’expropriation par les colons sionistes des maisons des Palestiniens à Sheikh Jarrah doit être considéré comme une continuation de la Nakba (« catastrophe » en arabe) qui a chassé plus de 700 000 Palestiniens de leurs maisons en 1948. Ce processus de colonisation continue est la raison pour laquelle plus de 5 millions de réfugiés palestiniens vivent dans des camps et des villes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Même des organisations sans tradition de contestation reconnaissent désormais la nature réactionnaire de la colonisation israélienne. Par exemple, Human Rights Watch et l’organisation israélienne B’Tselem ont récemment dénoncé l’accaparement continu des terres palestiniennes par Israël. Ils ont établi comment Israël a violé les lois internationales pour soutenir 620 000 colons qui construisent des colonies dans les territoires occupés de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Ils en ont conclu qu’Israël est un État d’apartheid qui accorde des privilèges spéciaux aux Juifs et réduit les Palestiniens à une citoyenneté de seconde zone.

Compte tenu de la nature profondément réactionnaire d’Israël, l’hégémonie politique de l’extrême droite au cours de la dernière décennie ne devrait pas surprendre. Elle est en quelque sorte la conséquence logique de l’évolution du mouvement sioniste, de son ethnonationalisme, du racisme institutionnel d’Israël et de plus de sept décennies d’oppression et de dépossession des Palestiniens. Ces éléments créent les conditions qui permettent aux groupes sionistes d’extrême droite de prospérer et de défiler dans les quartiers palestiniens en scandant « Mort aux Arabes ».

Des alliances fatales avec des régimes autoritaires

Comme toute autre population soumise à l’occupation coloniale et à l’apartheid, les Palestiniens ont le droit de résister, y compris par des moyens militaires. Le soutien à ce droit ne doit pas être confondu avec le soutien aux perspectives politiques des différents partis politiques palestiniens. Aucun de ces partis - le Fatah, le Hamas, le Jihad islamique, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) et d’autres - ne propose une stratégie politique qui permettrait de libérer la Palestine.

Les partis politiques palestiniens dominants ne considèrent pas les masses palestiniennes, les classes ouvrières régionales et les peuples opprimés comme les forces susceptibles de conquérir la libération. Au contraire, ils recherchent des alliances avec les classes dirigeantes de la région et leurs régimes pour soutenir leur lutte politique et militaire contre Israël. Ils collaborent avec ces régimes et prônent la non-intervention dans leurs affaires, alors même que ces régimes oppriment leurs propres classes populaires et les Palestiniens à l’intérieur de leurs frontières.

L’un des principaux exemples de l’évolution de cette approche s’est produit en Jordanie en 1970 et a culminé avec les événements connus sous le nom de « Septembre noir ». Malgré la force, l’organisation et la popularité de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en Jordanie - un pays dont la population était composée à 70 % de Palestiniens - la direction du Fatah de Yasser Arafat a d’abord refusé de soutenir une campagne visant à renverser le dictateur du pays, le roi Hussein. En réponse, et avec le soutien des États-Unis et d’Israël, Hussein a déclaré la loi martiale, et avec les gouvernements arabes régionaux largement passifs, Hussein a attaqué les camps de l’OLP, tué des milliers de combattants et de civils palestiniens, et finalement chassé l’OLP, qui s’st repliée sur la Syrie et le Liban.

En dépit de cette expérience et et de ses déboires ultérieurs en exil, l’OLP a poursuivi cette stratégie de collaboration et de non-intervention pendant des dizaines d’années. Aujourd’hui, le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, soutient la dictature d’Abdel Fattah al-Sisi en Égypte. Autre exemple choquant, Abbas a récemment encore envoyé un message de félicitations à l’autocrate syrien Bachar al-Assad pour « sa réélection » en mai 2021, malgré la répression brutale menée par lui contre les Palestiniens qui ont participé à la révolution syrienne et la destruction du camp de réfugiés de Yarmouk.

Le Hamas poursuit une stratégie similaire ; ses dirigeants ont cultivé des alliances avec les monarchies des États du Golfe, en particulier le Qatar récemment, ainsi qu’avec le régime fondamentaliste iranien. En 2012, Ismail Haniyeh, premier ministre du gouvernement du Hamas à Gaza à l’époque, a fait l’éloge des « réformes » au Bahreïn alors que le régime, avec le soutien de ses alliés du Golfe, y écrasait le soulèvement démocratique. pour de nombreux dirigeants du Hamas, il ne s’agissaqit que d’un coup d’État « sectaire » des chiites de Bahreïn, soutenus par l’Iran.

En avril 2018, lors d’une visite à Ankara, l’ancien dirigeant du Hamas Khaled Mashal a fait l’éloge de l’invasion et de l’occupation d’Afrin en Syrie par la Turquie . Il a déclaré que « le succès de la Turquie à Afrin sert d’exemple fort » en espérant qu’il soit suivi par des « victoires similaires de l’oumma islamique dans beaucoup d’endroits dans le monde. » L’occupation d’Afrin par les forces armées turques et leurs mandataires réactionnaires syriens a chassé 200 000 personnes, pour la plupart kurdes, et fait peser une chappe répressive sur celles qui sont restées.

Malheureusement, la gauche palestinienne a pour l’essentiel mis en œuvre sa propre version de la même stratégie. Elle aussi s’est abstenue de critiquer la répression que ses alliés exercent sur leurs peuples. Ainsi, le FPLP n’a émis aucune réserve quant aux crimes du régime syrien et a même soutenu son armée contre les « conspirations étrangères », déclarant que Damas « restera une épine dans le visage de l’ennemi sioniste et de ses alliés ». Les relations du FPLP avec la théocratie iranienne et la dictature militaire égyptienne s’organisent selon un schéma similaire.

Des régimes qui trahissent la lutte de libération

Plutôt que de faire avancer la lutte, les États despotiques de la région l’ont trahie à plusieurs reprises et ont même réprimé les Palestiniens. Comme évoqué précédemment, l’État jordanien a écrasé le mouvement palestinien en 1970, tuant des milliers de personnes et expulsant l’OLP lors du « Septembre noir ».

En 1976, le régime syrien d’Hafez al-Assad est intervenu au Liban contre les organisations palestiniennes et de gauche pour soutenir les partis libanais d’extrême droite. Il a également mené des opérations militaires contre des camps palestiniens à Beyrouth en 1985 et 1986. En 1990, environ 2 500 prisonniers politiques palestiniens étaient détenus dans les prisons syriennes.

L’Égypte collabore au blocus israélien de Gaza depuis 2007. L’Iran cherche de manière opportuniste à utiliser la cause palestinienne comme outil de politique étrangère pour atteindre ses objectifs plus globaux dans la région.

Si le régime syrien a bien soutenu le Hamas, il a radicalement réduit son aide lorsque celui-ci avait refusé de soutenir la contre-révolution engagée par le régime contre le soulèvement démocratique en 2011. L’Iran n’a renoué des liens formels avec le Hamas qu’après l’élection d’Ismail Haniyeh et de Saleh al-Arouri à la tête du mouvement.

Téhéran a collaboré avec l’impérialisme américain en Afghanistan et en Irak. C’est pourquoi, lors du récent soulèvement irakien, les manifestants ont défilé sous le slogan « Ni USA, ni Iran ». Ces exemples suffisent à réfuter l’idée que l’Iran serait un allié fiable de la cause palestinienne ou qu’il s’agirait d’un État anti-impérialiste.

La Turquie, malgré les critiques de Recep Tayyip Erdogan à l’égard d’Israël, entretient des relations économiques étroites avec ce pays. Erdogan a fait passer le volume des échanges avec Tel-Aviv de 1,4 milliard de dollars à son arrivée au pouvoir à 6,5 milliards de dollars en 2020. Ainsi, les régimes limitent leur soutien à la cause palestinienne aux domaines où elle sert leurs intérêts régionaux et la trahissent quand ce n’est pas le cas.

L’impasse des accords de paix arrangés par l’impérialisme américain

Devant l’échec de sa stratégie consistant à s’appuyer sur le soutien politique et l’alliance avec les régimes régionaux, l’OLP s’est tournée vers une approche encore plus désastreuse de recherche d’un accord de paix arrangé par les États-Unis et d’autres grandes puissances. À travers les accords d’Oslo, conclus en 1993, l’espoir était de parvenir à un arrangement portant sur la création de deux États.

Mais au lieu de permettre la libération de la Palestine, un tel accord revenait à capituler, à accepter le colonialisme israélien sur le territoire historique de la Palestine, tout en obtenant au mieux un État palestinien croupion, tout en trahissant le droit des réfugiés palestiniens à retourner sur les terres qui leur ont été volées en Israël. En dernière analyse, le processus de paix a réduit l’Autorité palestinienne à gouverner un bantoustan entièrement sous le contrôle d’Israël.

Ce résultat désastreux ne devrait pas surprendre. Les États-Unis et les autres puissances impérialistes ont soutenu Israël en tant que leur force de police locale contre la transformation révolutionnaire de la région, un événement qui remettrait en cause leur contrôle sur ses réserves énergétiques stratégiques.

Israël a rempli cette fonction à plusieurs reprises depuis sa création. En 1956, il a participé à l’opération franco-britannique contre l’Égypte de Nasser, après que celui-ci eut nationalisé le canal de Suez. En 1967, la guerre des six jours menée par Israël a été dirigée contre l’Égypte de Nasser ainsi que contre l’État syrien qui étaient alors dans une dynamique nationaliste radicale.

Depuis lors, les États-Unis ont soutenu Israël. Washington a versé en moyenne 4 milliards de dollars par an dans les caisses de Tel-Aviv, soutenant la colonisation de la Palestine et les guerres d’agression contre les gouvernements et les mouvements progressistes de la région. Washington a soutenu l’intervention militaire d’Israël au Liban en 1978 et 1982, qui a permis le terrible massacre de Sabra et Chatila, détruit les forces progressistes palestiniennes et libanaises et installé un régime ami à Beyrouth.

Les victoires d’Israël contre les États nationalistes arabes et son intervention au Liban ont entraîné le recul de la radicalité dans la région, isolant l’OLP. Cette situation difficile a conduit, en 1978, le Fatah de Yasser Arafat à adopter la solution des deux États, étape préalable à la signature des accords d’Oslo de 1993.

Dans les faits, cela signifiait l’abandon de la lutte pour la libération de la Palestine historique et la transformation du Fatah en Autorité palestinienne (AP), administrant les territoires occupés. L’intellectuel palestinien Edward Said, qui s’est opposé à l’accord d’Oslo, a déclaré qu’il représentait « un abandon général des principes, des principaux courants qui ont façonné l’histoire de la Palestine et de leurs objectifs nationaux » et qu’il « rejetait les Palestiniens de la diaspora dans un exil permanent ou dans un statut de réfugié ».

Les États-Unis et Israël ont soutenu l’Autorité palestinienne qui exerce un contrôle sur les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza (avant que cette dernière ne passe aux mains du Hamas en 2007). L’AP a été heureuse de servir de gendarme à Washington et à Tel-Aviv. Par exemple, lors du récent soulèvement, l’AP a arrêté plus de 20 activistes en raison des messages qu’ils avaient publiés sur les réseaux sociaux et des mouvements de protestation dont ils avaient pris la tête. Plus récemment, Nizar Banat, un activiste palestinien de premier plan, critique envers l’AP, a été tué lors d’un raid des forces de sécurité à son domicile à Dura, dans le secteur d’Hébron.

L’AP fonctionnant comme un régime collaborationniste, les États-Unis ont encouragé une coopération politique et économique entre Israël et les États de la région, tout récemment encore avec les accords d’Abraham, mis en place par l’administration Trump. Cette normalisation des relations entre Israël et plusieurs États arabes isole encore davantage la lutte de libération palestinienne.

Dès son élection, le président Joe Biden a réaffirmé le soutien indéfectible de Washington à Israël, quels que soient ses crimes contre les Palestiniens. En plein milieu des derniers bombardements de Gaza, une vente d’armes à guidage de précision d’une valeur de 735 millions de dollars à Israël a été approuvée par le Congrès et les milliards d’euros d’aide annuelle continueront d’affluer. La stratégie de l’AP consistant à collaborer avec les États-Unis implique de se soumettre à l’occupant et à son parrain impérial.

La faiblesse de la classe ouvrière palestinienne

Si les stratégies qui s’appuient sur les États de la région et les accords de paix négociés par les États-Unis sont des impasses, que penser d’une orientation alternative centrée sur la classe ouvrière palestinienne ? Cette option est également exclue en raison de la nature particulière d’Israël en tant qu’État colonisateur.

Contrairement à l’Afrique du Sud de l’apartheid, qui reposait sur la main-d’œuvre noire dans ses usines et ses mines, Israël a exclu les travailleurs palestiniens de tout rôle central dans son économie et les a remplacés par des travailleurs juifs. Par conséquent, les travailleurs palestiniens n’ont pas les moyens d’arrêter l’économie israélienne par des grèves comme ont pu le faire les travailleurs noirs en Afrique du Sud.

Cela ne signifie pas que la résistance palestinienne est dépourvue de moyens au sein de l’État d’Israël, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza occupées. La lutte des travailleurs d’autres catégories reste au cœur du mouvement.

La dernière vague de lutte palestinienne témoigne de sa puissance et de son potentiel à forger une nouvelle stratégie pour supplanter celle qui a échoué et qui consistait à s’appuyer sur le soutien des régimes de la région. De nouveaux groupes de jeunes et de féministes, tels que Tal’at, ainsi que la classe ouvrière, ont été au cœur des récentes protestations.

La grève générale du 18 mai a été déclenchée et dirigée par la base. Elle a entraîné la paralysie de pans entiers de l’économie, d’Israël à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Comme le notait Haaretz, « l’Association des entreprises du bâtiment a constaté que les travailleurs palestiniens avaient suivi la grève, et que seuls 150 des 65 000 ouvriers palestiniens du bâtiment étaient venus travailler en Israël. Cela a paralysé les chantiers, causant des pertes estimées à 130 millions de shekels (près de 40 millions de dollars) ».

Le caractère de cette grève, bien qu’extrêmement important, ne doit pas être surestimé. Comme l’a fait remarquer Assaf Adiv, directeur de l’association des travailleurs MAAN - le seul syndicat israélien qui organise les Palestiniens dans les zones industrielles des colonies de Cisjordanie ( auxquelles les syndicats palestiniens n’ont pas accès) - l’observation de la grève par les Palestiniens qui travaillent en Israël était en partie « due à la fermeture des points de contrôle et à la confusion qui régnait sur les routes de Cisjordanie ».

Indépendamment de l’ampleur de la participation à la grève, l’économie israélienne a été relativement épargnée, ce qui montre que la classe ouvrière palestinienne et les autres mouvements sociaux ont besoin de la solidarité des autres travailleurs, paysans et autres opprimés. La question est de savoir sur lesquels les Palestiniens doivent s’appuyer pour obtenir une démocratie laïque dans la Palestine historique.

La classe ouvrière israélienne n’est pas un allié stratégique

La première option stratégique, peut-être la plus évidente, semble être celle de se tourner vers la classe ouvrière israélienne. Mais celle-ci a toujours placé sa loyauté envers Israël au-dessus de la solidarité de classe avec les masses palestiniennes.

Ce n’est pas seulement le résultat d’une adhésion idéologique, mais ausi matérielle, car l’État israélien procure aux travailleurs israéliens des maisons volées aux Palestiniens ainsi qu’un niveau de vie supérieur à la moyenne. La classe dirigeante et l’État israéliens intègrent donc la classe ouvrière israélienne comme collaboratrice dans un projet commun de colonialisme de peuplement.

Les organisations de la classe ouvrière, telles que son syndicat, la Histadrout, ont joué un rôle central dans le nettoyage ethnique de la Palestine. Les dirigeants travaillistes sionistes ont créé la Histadrout en 1920 en tant que syndicat exclusivement juif et l’ont utilisée comme fer de lance pour déplacer les travailleurs palestiniens.

Son slogan « Terre juive, travail juif, produit juif » résume parfaitement son projet ethnonationaliste de collaboration de classe et souligne à quel point il est fondamentalement hostile à la solidarité avec les Palestiniens. En appliquant ces slogans pendant et après la création d’Israël, il a contribué à faire en sorte que les terres ne soient louées qu’à des Juifs, que les fermes et les industries n’embauchent que des Juifs et que les fermes et les industries palestiniennes soient boycottées.

En outre, l’État israélien a militarisé le recrutement des travailleurs israéliens par le biais de la conscription obligatoire. Cela les oblige à participer à la répression des Palestiniens, à faire respecter l’occupation et à défendre le vol des maisons et des terres palestiniennes par les colons sionistes.

Compte tenu de cette intégration dans le projet colonial, il n’est pas surprenant qu’à quelques exceptions près, les travailleurs aient soutenu l’offensive récente contre Gaza. Pour ne citer qu’un exemple parmi bien d’autres, le syndicat de l’Israeli Electric Corp (IEC) est allé jusqu’à déclarer qu’il ne réparerait pas les lignes électriques de la bande de Gaza tant que deux soldats israéliens et un civil israélien porté disparu n’auraient pas été rapatriés.

Cela signifie-t-il que les Palestiniens ne doivent pas chercher à collaborer avec les secteurs progressistes de la classe ouvrière israélienne ? Bien sûr que non. Il existe des exemples de solidarité à petite échelle, mais ils sont rares.

Il est difficile d’imaginer qu’ils puissent contrecarrer le modèle dominant d’unité ethnonationaliste des travailleurs israéliens avec l’État sioniste. Une stratégie axée sur la construction d’une unité de la classe ouvrière contre le sionisme entre les travailleurs israéliens et palestiniens n’est donc pas réaliste.

La stratégie révolutionnaire régionale

La clé pour définir une autre stratégie de libération consiste à replacer la Palestine dans le contexte régional. Parce que des millions de réfugiés palestiniens sont installés au Moyen-Orient et, dans une moindre mesure, en Afrique du Nord, leur combat national et de classe est naturellement lié à celui des masses de la région.

Ces travailleurs et paysans ont en mémoire les luttes des générations précédentes contre le colonialisme, s’opposent aux puissances impérialistes qui soutiennent les régimes qui les oppriment, s’identifient à la cause des Palestiniens et considèrent donc que leur propre combat pour la démocratie et l’égalité est indissociable de la victoire de ces derniers. C’est pourquoi il existe une relation dialectique entre les luttes : lorsque les Palestiniens se battent, cela stimule les mouvements régionaux de libération, et les mouvements régionaux se répercutent sur celui de la Palestine occupée.

Leur révolte conjointe a le pouvoir de transformer toute la région, de renverser les régimes en place, d’expulser les puissances impérialistes, de mettre fin à leur soutien commun à l’État d’Israël, de l’affaiblir au cours de ce processus et de démontrer aux travailleurs israéliens que ces changements dans la région peuvent mettre fin à leur exploitation. Le ministre d’extrême droite Avigdor Lieberman a admis le danger que représentait le printemps arabe pour Israël en 2011 lorsqu’il a déclaré que la révolution égyptienne qui a renversé Hosni Moubarak et ouvert la porte à la démocratie était une plus grande menace pour Israël que l’Iran.

La puissance et le potentiel de cette stratégie régionale ont été démontrés à maintes reprises. Dans les années 1960 et 1970, le mouvement palestinien a suscité une montée de la lutte des classes dans toute la région. En 2000, la seconde Intifada a amorcé une nouvelle phase de résistance, suscitant une dynamique de mobilisation qui a fini par exploser en 2011 avec des révolutions en Tunisie, en Égypte et en Syrie.

À l’été 2019, les Palestiniens du Liban ont organisé des manifestations massives pendant des semaines dans les camps de réfugiés contre la décision du ministère du Travail de les traiter comme des étrangers, un acte qu’ils considéraient comme une forme de discrimination et de racisme à leur égard. Leur résistance a contribué à inspirer le mouvement libanais plus général d’octobre 2019, qui a à son tour favorisé les soulèvements populaires en Irak. Pour mettre en œuvre une stratégie fondée sur cette solidarité régionale, les groupes et mouvements palestiniens doivent abandonner la politique de non-intervention dans les affaires des pays de la région adoptée par l’AP, le Hamas et la majeure partie de la gauche. Cette abstention était la condition préalable à l’obtention d’une aide de la part de divers régimes. Accepter cette politique signifie couper les Palestiniens des forces sociales qui peuvent les aider à se libérer.

En lieu et place, la lutte palestinienne doit renouer avec la stratégie révolutionnaire régionale qui fut celle de certaines organisations de gauche dans les années 1960. Malheureusement, la plupart d’entre elles l’ont abandonnée pour se mettre à la remorque de l’OLP en s’alliant avec les États réactionnaires de la région.

La stratégie de révolution régionale basée sur la lutte des classes par en bas est la seule voie pour conquérir la libération de l’emprise d’Israël, de l’Arabie Saoudite et de la Syrie, aussi bien que de leurs bailleurs de fonds impérialistes, des États-Unis à la Chine et à la Russie. Dans cette lutte, les Palestiniens tout autant que les autres doivent soutenir les revendications de tous ceux qui subissent l’oppression nationale, comme les Kurdes et toutes les autres victimes de formes d’oppression ethnique, communautaire et sociale.

Le moment est venu de relancer la stratégie régionale. L’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est engagé dans un processus révolutionnaire de longue haleine, ancré dans les aspirations politiques et économiques bloquées des masses. Il y a déjà eu deux vagues de soulèvements, la première en 2011 qui a secoué toute la région et la seconde en 2018 et 2019 qui a balayé le Soudan, le Liban, l’Algérie et l’Irak.

Aucune des revendications populaires n’ayant abouti, il ne fait aucun doute qu’une troisième vague se prépare. Et la Palestine peut et doit être au centre de cette nouvelle vague dans un combat pour sa libération et celle de toute la région.

La Palestine dans le processus révolutionnaire

Ce n’est qu’à travers cette stratégie révolutionnaire régionale que nous pouvons envisager l’établissement d’un État démocratique, socialiste et laïque sur le territoire de la Palestine historique, avec des droits égaux pour les Palestiniens et les Juifs, au sein d’une fédération socialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Dans le nouvel État palestinien, tous les Palestiniens auraient le droit de retourner sur leurs terres et dans leurs maisons, d’où ils ont été déplacés par la force en 1948, 1967 et après. En outre, la libération de la Palestine doit également inclure un projet global de développement économique et de reconstruction afin de garantir aux Palestiniens leurs droits sociaux et économiques.

Pour mettre en œuvre cette stratégie, les Palestiniens doivent forger une nouvelle direction politique qui soit attachée à favoriser l’auto-organisation par en bas au sein de la Palestine historique et de la région. Ils ne peuvent y parvenir seuls, mais doivent le faire en collaboration avec les socialistes des autres pays, de l’Égypte au Liban, en passant par la Syrie, l’Iran, la Turquie, l’Algérie...

La tâche la plus importante pour ceux qui se trouvent en dehors de la région est de convaincre la gauche, les syndicats, les groupes progressistes et les mouvements de soutenir la campagne pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions contre Israël. Imposer cela aux pouvoirs publics et aux grandes entreprises des puissances impérialistes, en particulier aux États-Unis, c’est contribuer à entraver leur soutien à Israël et aux autres régimes despotiques, et à affaiblir leur emprise sur la région.

La libération de la Palestine passe donc par la libération de tous les peuples qui subissent le joug des tyrans de Damas, Riyad, Doha, Téhéran, Ankara, Abou Dhabi, Le Caire, Amman et les autres. Comme l’écrivait un révolutionnaire syrien depuis le Golan syrien occupé par Israël à l’été 2014, « la liberté - un destin commun pour Gaza, Yarmouk et le Golan ». Ce slogan porte l’espoir d’une transformation révolutionnaire régionale, seule stratégie réaliste de libération.

Joseph Daher

P.-S.

• TEMPEST. POSTED JULY 5, 2021 :
https://www.tempestmag.org/2021/07/palestinian-liberation-and-the-mena-revolutions/

• Traduit par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepL, logiciel de traduction en libre accès.

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