Oui, décidément, tout cela nous est familier. Et puis, un jour, parmi tant d’autres, quelques chiffres viennent nous blesser. Ceux, par exemple, divulgués mi-octobre par Guy Rider, responsable de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) : entre 2008, début de la crise, et aujourd’hui, le monde compte 30 millions de chômeurs supplémentaires. Sur un total de 200 millions de chômeurs, 75 millions ont moins de 25 ans. 900 millions de salariés disposant d’un emploi vivent au-dessous du seuil de pauvreté (soit 2 dollars par jour). Si les programmes de réduction de la pauvreté qui existaient avant la crise avaient été poursuivis, le monde compterait 55 millions de pauvres en moins... Et ceux-là entrent en résonance avec d’autres, proprement européens : 3 millions de chômeurs officiellement recensés en France, sans doute 5 millions en réalité, un quart de la population active espagnole au chômage, un quart du produit intérieur brut de la Grèce détruit par la crise...
ar ailleurs (mais en proximité), malgré la crise (ou grâce à elle), l’industrie du luxe se porte à merveille, la spéculation sur les matières premières (en particulier agricoles) et sur les œuvres d’art bat son plein, les programmes immobiliers de très haut standing prospèrent... Confirmation que la crise ne résulte pas d’un défaut de capitaux – seuls les pauvres ont la naïveté de croire qu’on manque d’argent –, mais bien d’un excès de capitaux. En ce sens que ces sommes faramineuses ne trouvent plus à s’investir de manière profitable, c’est-à-dire pour produire, et le plus vite possible, de nouveaux capitaux. Partout ce ne sont qu’industries produisant des marchandises qu’on ne peut écouler sur des marchés solvables qui se rétractent. Et la concurrence est acharnée, entre firmes, entre pays, entre régions du monde, pour défendre chacun sa part du lion.
Certes les besoins humains sont loin d’être satisfaits. Au contraire, ils augmentent à la mesure des exigences que nous lègue la civilisation industrielle : des villes dont il faudrait améliorer la viabilité, des demandes d’énergies qui soient davantage respectueuses de la nature, des perspectives infinies du côté de la santé, de l’éducation, de la culture... Et, plus prosaïquement, ce que devrait être le devoir d’assurer une alimentation suffisante et de qualité à tous les hommes, de leur mettre à disposition l’eau potable qui leur est vitale... Mais pour le capitalisme l’urgence est ailleurs : comprimer les salaires, diminuer les budgets publics, généraliser l’austérité, afin d’accroître la compétitivité (sic)... Toutes politiques dont l’effet direct est d’aggravation de la crise.
Effarante course à l’abîme ! Tant d’injustice et d’irrationalité greffées sur tant de misère ne peuvent que provoquer de puissantes secousses sociales et politiques. Comment les 99 % pourraient-ils accepter durablement l’aveugle voracité du 1 % oligarchique ? C’est un soulèvement populaire profondément démocratique qui est à l’ordre du jour. Il est seul à même de remettre le monde sur ses pieds, et en son absence, l’histoire nous l’enseigne, la sinistre « Aube dorée » grecque le confirme, c’est le pire qui peut se matérialiser monstrueusement.
« Les conditions bourgeoises de production et de commerce, les rapports de propriété bourgeois, la société bourgeoise moderne, qui fait éclore de si puissants moyens de production et de communication, ressemble à ce magicien, désormais incapable d’exorciser les puissances infernales qu’il a évoquées. »
C’est ce qu’écrivaient déjà, en 1848, Marx et Engels. Dans le Manifeste communiste...
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