Cette semaine dans Presse-toi à gauche, Yves Bergeron fait une première analyse « à chaud » de l’élection partielle de Jean-Talon, André Noël dénonce la complicité des grands médias dans la diffusion du discours climato-sceptique et André Frappier réalise une entrevue avec le dirigeant des Teamsters Christopher Monette à propos de la récente grève au CN.
Lors de l’élection partielle de Jean-Talon, la CAQ l’a emporté « par défaut » croit l’auteur. En effet, le parti gouvernemental affrontait un Parti libéral en pleine déroute dans les milieux francophones, un PQ en pleine crise de redéfinition de son orientation et Québec solidaire qui, sur fonds de « distractions » (congrès, tenues vestimentaires, etc.), a peiné à mobiliser autour de la lutte aux changements climatiques. Mais la CAQ devrait se retenir de pavoiser croit Bergeron car il y a des signes qu’un plateau est atteint dans la consolidation de la CAQ dans le paysage politique et que les dernières frasques du gouvernements Legault pourraient lui coûter cher apparaissent à travers ce scrutin.
La diffusion du message climato-sceptique se poursuit avec la collaboration des grands médias de masse. C’est ce qu’André Noël démontre dans son intéressant article publié dans le magazine Trente et repris ici. « En cette ère de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, on compte sur les médias traditionnels pour ne dire que la vérité, même quand elle fait peur, plutôt que de dire une chose et son contraire. Il y a un intérêt déontologique et public à débattre de ces questions » affirme l’auteur qui croit que l’on accorde trop de place à la désinformation en provenance du lobby pro-pétrole.
Pour le dirigeant des Teamsters, le CN a instrumentalisé les agriculteurs et les entreprises dépendantes du gaz propane afin de faire pression sur le syndicat. La diffusion de cette information dans les médias a fait en sorte que la cause des salarié.e.s a obtenu davantage de sympathie que ce que la direction souhaitait. Christopher Monette explique que la direction avait suffisamment de ressources pour maintenir un approvisionnement en propane et que seule une stratégie anti-syndicale peut expliquer la quasi-pénurie qu’a connu le secteur agricole surtout.
De plus, dans notre édition du 3 décembre, vous pourrez lire à propos d’une étude réalisé par le Syndicat canadien de la fonction publique que « les réduction d’impôt fédérales nuisent aux services publics et profitent aux riches », un texte de Jean-François Delisle qui croit que Québec solidaire souffre d’aveuglement optimiste quant aux perspectives de la lutte pour l’indépendance et de l’accession au pouvoir de la formation de gauche. Par ailleurs, nous vous offrons une retranscription de [l’intervention de la représentante des Democrat socialist of America Megan Svoboda au congrès de QS. Enfin, dans notre rubrique Syndicalisme, René Charest ouvre les perspectives possibles d’un syndicalisme « qui intègre la pensée et la pratique écologique », Brune-Pierre Guillet et Rémi Arsenault s’interrogent sur les perspectives des prochaines négociations dans le secteur public alors qu’Yvan Perrier analyse les dernières conclusions de l’institut de la statistique du Québec à propos de rémunération dans la fonction publique et l’historique de l’organisme.
Sur la scène internationale
Nous attirons votre attention sur trois sujets : les révolutions arabes, la COP 25 et 36 an après Bhopal.
Ce sont. en fait. les manchettes importantes de l’actualité sauf Bhopal évidemment...Pourquoi ce souvenir d’un événement si malheureux ?
Concernant les révolutions arabes
Nous avons choisi deux textes d’entrevues de Gilbert Achcar concernant l’analyse des mobilisations dans les pays arabes.
Révolutions arabes Plus qu’un « printemps » : la révolution à long terme de la région arabe
Pour l’auteur parler de nouveau printemps arabe occulte la situation actuelle. Il préfère qualifié le tout ainsi : « La région arabe est plongée dans un processus révolutionnaire à long terme qui oppose les mouvements dirigés par les jeunes aux dirigeants autoritaires et au capitalisme néolibéral » Ensuite il analyse les situations au Soudan , en Égypte, en Algérie, au Liban en Iran et en Irak. Les déclencheurs des révoltes sont différents dans chaque pays et les dynamiques ont plus ou moins réussi. Mais les mobilisations de masse sont considérables et obligent les gouvernements à faire certaines concessions.
Deux facteurs expliquent ces mobilisations : la crise généralisée du capitalisme néolibéral depuis 2008 et l’apparition d’une gauche motivée y compris aux États-Unis. Dans les pays arabes s’ajoute à cela une « une crise structurelle très profonde liée à la nature spécifique de son système étatique ». Les jeunes y jouent un rôle primordial et revendiquent « La liberté et la démocratie sont d’autres thèmes communs à ces révoltes : de même que les libertés politiques et culturelles et la souveraineté du peuple ». L’auteur poursuit son raisonnement à partir des situations en Algérie et au Soudan. Dans ces deux pays les mobilisations ont tirés les leçons de l’Égypte sur les illusions face à l’armée « Ils ont compris que l’armée, en destituant le président, ne cherchait qu’à préserver son pouvoir dictatorial » Il pousse sa compréhension jusqu’aux différences « Mais la principale différence entre les deux mouvements - une différence extrêmement importante en fait - est qu’il n’y a pas de leadership reconnu du mouvement de masse en Algérie, alors qu’il en existe très clairement un au Soudan » Et pour lui, cet état de fait joue un grand rôle dans le développement actuel et futur des luttes.
Et conclut avec la situation au Soudan « J’ai décrit la situation comme une situation de double pouvoir - ils ont formé un organe directeur dans lequel les deux pouvoirs opposés sont représentés : l’armée et le mouvement populaire. Il est difficile de dire combien de temps ils vont coexister, mais ce qui est certain, c’est qu’ils ne peuvent pas coexister pour toujours. L’un des deux finira par l’emporter de manière décisive sur l’autre. »
Sur les révolutions « permanentes » au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (II)
Dans cet autre entrevue, Gilbert Achcar va insister davantage sur les traits historiques et culturels des pays arabes. Il commence par la religion et détruit le mythe de l’obnubilation religieuse : « Si l’on regarde le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ces dernières années, on peut en effet avoir l’impression que les forces fondamentalistes islamiques sont omniprésentes. Cependant, ce n’était pas le cas il y a quelques décennies, surtout dans les années 1950 et 1960, lorsque ces forces étaient marginalisées par des forces de gauche beaucoup plus forte. Il caractérise l’importance actuelle de la religion comme « le résultat de l’utilisation prolongée et intensive par Washington de l’intégrisme islamique de mèche avec l’Etat le plus réactionnaire du monde, le royaume saoudien, pour combattre Nasser et l’influence de l’URSS dans la région arabe et dans le monde islamique » Il montre l’importance du communisme dans la région dans les années 50-60 et décrit une radicalisation jeune plus marxiste dans les années 60-70. Face aux faiblesses de ces gauches, arrive le triomphe des élites religieuses et dictatoriales. Il aborde ensuite la situation au Liban et en Iran et Irak « En Irak et au Liban, l’accumulation de griefs sociaux résultant d’une forme très sauvage de capitalisme qui écrase les gens ordinaires et détériore leur niveau de vie a créé un énorme ressentiment. » Il ne passe pas sous silence la répression brutale du régime iranien et de son caractère théocratique et antifdémocratique. Et il le compare au Royaume saoudien. Il pose aussi la place des femmes dans toutes ces mobilisations qui en font des actrices importantes des luttes.
Il conclut sur une note positive : « Mon espoir, cependant, repose sur la conscience qu’il existe un énorme potentiel de progrès, alors que je suis parfaitement conscient que pour qu’il puisse réaliser, il faut beaucoup de lutte, d’organisation et de sens politique »
Concernant l’environnement et la COP 25
De COP en COP, le cataclysme se rapproche
L’article met clairement la table en commençant « Le bilan de ce processus est négatif de A à Z. De la COP1 à la COP24, les gouvernements se sont surtout évertués à trouver des moyens de ne pas réduire leurs émissions, ou de les faire réduire par d’autres, ou de faire semblant de les réduire en les délocalisant, ou d’obtenir de nouveaux marchés pour compensation de leur engagement à les réduire à dose homéopathique, ou de faire adopter l’idée absurde que ne pas abattre un arbre équivaut le fait de ne pas brûler de combustibles fossiles. »
Pour l’auteur les statistiques sont alarmants : rejet de CO2 60% supérieur à 1990 et concentration actuelle de CO2 de 415 ppm. Pour lui, les scénarios envisagés laissent peu de place à l’avenir. Des 4 scénarios du Giec, il en élimine 3 parce que faisant référence à des refroidissements et à un déploiement de technologies. « Le quatrième scénario permettrait de rester sous 1,5°C sans « dépassement temporaire », donc sans « technologies à émissions négatives ». Il implique une réduction draconienne des émissions mondiales nettes de CO2 : -58% d’ici 2030, -100% d’ici 2050, émissions négatives entre 2050 et 2100. [7] »
Il pose la nécessité de la diminution de la consommation mondiale d’énergie et un changement radical de mode de vie. Pour y arriver il propose un plan d’action ambitieux et démocratiquement adopté : « Ce plan devrait socialiser les secteurs de l’énergie et de la finance (sans indemnités ni rachat) car c’est le seul moyen de déverrouiller l’avenir climatique. Il devrait supprimer toutes les productions inutiles et nuisibles (les armes, par exemple !) et tous les transports inutiles, car c’est le moyen le plus simple de réduire drastiquement et très vite les émissions. Une marge de manœuvre serait ainsi dégagée pour investir dans l’efficience énergétique (notamment par la rénovation/isolation des bâtiments) et pour construire un nouveau système énergétique basé à 100% sur les sources renouvelables. »
Il insiste sur la reconversion des entreprises « Dans le cadre du plan, l’agrobusiness, l’industrie de la viande, la pêche industrielle et la foresterie industrielle devraient être remplacés respectivement par l’agroécologie, la petite pêche, l’élevage en prairie et une foresterie écologique » Pour lui, il est clair que l’issue de la crise actuelle ne se résoud pas dans le capitalisme car dans ces sommets environnementaux « les gouvernements tentent – au mieux ! – de résoudre la quadrature du cercle : éviter le cataclysme tout en garantissant la poursuite de l’accumulation du capital et le maintien du régime néolibéral (autrement dit, le régime nécessaire à l’accumulation dans un contexte de baisse du taux de profit et de surproduction généralisée). »
Et de conclure « Penser qu’une société basée sur l’exploitation du travail, le racisme, le patriarcat, l’homophobie, l’arrogance coloniale, la violence, l’abus de pouvoir et le creusement des inégalités pourrait entretenir des relations respectueuses, soigneuses, collaboratives, pacifiques et prudentes avec (le reste de) la nature est absurde »
Nous avons tenue à rappeler ce désastre écologique car son ampleur est trop souvent oublié. « Cela fait suite à des déficiences récurrentes du système de sécurité, connues mais occultées pour raison d’économie. Ce sont 42 tonnes de gaz mortels qui s’échappent, asphyxiant en premier lieu le bidonville de Khasi Camp où les populations les plus pauvres sont agglutinées, et provoquent la mort de 3 800 personnes le 3 décembre, puis de 8 000 la première semaine, et de 25 000 personnes un peu plus tard dans d’atroces souffrances. Mais il y a aussi de très nombreux blessés, malades et plus de 200 000 personnes qui sont maintenant gravement handicapées à vie et autant de personnes qui sont nées par la suite avec des malformations importantes. »
Le nettoyage du site et de véritables compensation financières coûteraient 2 milliards de dollars mais Union Carbide a été acheté par Dow Chemical qui n’a rien fait pour nettoyer le site et se dit non responsable de la tragédie. Un vrai scandale et il faut penser à la situation actuelle : « 36 ANS APRÈS LA CATASTROPHE DE BHOPAL, DES MESURES SÉRIEUSES DE DÉCONTAMINATION N’ONT PAS ÉTÉ PRISES POUR LA SANTÉ DE LA POPULATION ET LES VICTIMES ATTENDENT TOUJOURS D’ÊTRE INDEMNISÉES COMME IL SE DOIT ! »
Bonne lecture
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